Biden est passé maître dans l’art de s’aliéner ses alliés

Le zèle de l'administration Biden à préserver l'accord de Vienne s'explique en partie par l'animosité du président américain envers son prédecesseur, Donald Trump (Photo, AFP).
Le zèle de l'administration Biden à préserver l'accord de Vienne s'explique en partie par l'animosité du président américain envers son prédecesseur, Donald Trump (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 22 mars 2022

Biden est passé maître dans l’art de s’aliéner ses alliés

Biden est passé maître dans l’art de s’aliéner ses alliés
  • Déclassifier le CGRI pour obtenir un nouvel accord reviendrait à tenter d'éteindre un incendie en l'aspergeant de kérosène
  • Les États-Unis n'ont même pas pris la décision évidente de réintégrer les Houthis dans la liste des groupes terroristes

Comme l'a bien exprimé lundi le journaliste et éditorialiste libanais chevronné d'Asharq al-Awsat, Eyad Abou Chakra dans un tweet: «Le pire scénario politico-militaire est d'être menacé par la Russie et d’avoir une promesse de protection de la part de l'Amérique!» Je ne peux qu’être d'accord: c'était un résumé brillant et concis de l'état du monde aujourd'hui.
Je peux cependant ajouter que si l'auteur Toby Young choisissait un jour d'écrire une suite à ses mémoires de 2001, How to Lose Friends and Alienate People («comment perdre des amis et s’aliéner des gens»), il trouverait une riche source de contenu dans la politique étrangère du président américain, Joe Biden.
Il suffit de lire les gros titres de ces dernières semaines seulement – ​​à commencer par Israël, le plus proche allié des États-Unis au Moyen-Orient. Se déclarant choqués de voir à quel point les négociateurs américains malavisés à Vienne semblent prêts à se plier aux exigences de l'Iran, le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, et le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, ont déclaré qu'ils «refusaient de croire» que les États-Unis retireraient le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) de la liste des organisations terroristes.
Il est assez rare de voir les deux plus hauts ministres israéliens se battre pour les intérêts arabes (et pour les leurs) en rappelant à l'équipe Biden que les tentacules malfaisants du CGRI s'étendent à travers le Moyen-Orient et qu'ils portent la responsabilité des attaques contre les civils américains et les forces américaines dans la région.
Bien sûr, aucune personne sensée ne voudrait voir un Iran nucléaire, et le monde devrait faire tout son possible pour obtenir un accord plus dur et plus ferme. Cependant, déclassifier le CGRI simplement pour obtenir un nouvel accord reviendrait à tenter d'éteindre un incendie en l'aspergeant de kérosène.


L'Arabie saoudite avait donc tout à fait raison d’affirmer qu’elle ne pouvait être tenue pour responsable des problèmes d'approvisionnement en pétrole résultant de ces attaques commises par les Houthis
Faisal Abbas


Il y a au cœur du zèle de l'administration Biden pour un accord à Vienne une vendetta personnelle contre son prédécesseur, Donald Trump. Cette vendetta, au même titre que les querelles politiques internes, a également conduit au retrait de la milice houthie soutenue par Téhéran de la liste des groupes terroristes au début de 2021, annulant l'action louable de l'administration Trump avant que ce dernier ne quitte ses fonctions. En retour, les Houthis, qui ont renversé le gouvernement internationalement reconnu du Yémen en 2014, ont intensifié leur ciblage délibéré des installations civiles en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU). Au lieu de reconsidérer sa position, l'administration Biden a intensifié sa stratégie apparente de s’aliéner des amis.
Les États-Unis n'ont même pas pris la décision évidente et sans frais de réintégrer les Houthis dans la liste des groupes terroristes, malgré leurs flagrantes attaques ce week-end contre les installations d'Aramco en Arabie saoudite à un moment où l'approvisionnement énergétique mondial est déjà perturbé et où les hausses des prix inquiètent le monde. L'Arabie saoudite avait donc tout à fait raison d’affirmer lundi qu’elle ne pouvait être tenue pour responsable des problèmes d'approvisionnement en pétrole résultant de ces attaques commises par les Houthis.


De Toronto à Tokyo, tous les secteurs et personnes touchés par la politique étrangère mal avisée de Biden devraient se rappeler que les conséquences économiques qu'ils ressentent aujourd’hui découlent de sa politique

Faisal Abbas


Mais mettez de côté l'Arabie saoudite, oubliez l'Afghanistan, ignorez Israël. La plus grande preuve de l'erreur de jugement des États-Unis est ce qui se passe en Ukraine. Le président Volodomyr Zelenksy a dû implorer le Congrès américain d’aider davantage son pays, après que l'espoir de l'Ukraine de rejoindre l’Otan a été anéanti et qu'une ligne rouge irrespectueuse de l'ère Obama sur l'annexion de la Crimée a créé un dangereux précédent qui a ouvert la voie à ce qui se passe aujourd'hui.
Si des amis et alliés de longue date en Arabie saoudite, aux EAU, en Israël et en Ukraine ne suffisent pas à convaincre Biden, ou s'il pense que l'opinion d'un rédacteur en chef saoudien fait nécessairement preuve de partialité contre lui, peut-être que son équipe devrait se pencher sur ce qui se passe plus près de chez lui et lire un récent éditorial du Wall Street Journal condamnant sa politique étrangère en termes éloquents. «Dans cette nouvelle ère de compétition entre les grandes puissances, les États-Unis ne peuvent pas se permettre de s'aliéner des alliés qui peuvent aider à dissuader les agresseurs autoritaires déterminés à nuire aux intérêts et aux valeurs des États-Unis. Les États-Unis paient le prix de la crise de l’Ukraine pour avoir perdu les Saoudiens», conclut l'éditorial.
Je n’ai rien à ajouter.

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.
Twitter: @FaisalJAbbas
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com