Le débat très attendu de mercredi entre les candidats à la vice-présidence américaine s'est avéré une affaire animée à un moment extraordinaire de la campagne. Cela n'a peut-être pas secoué la course de manière décisive, mais a mis en évidence le rôle énorme que Mike Pence ou Kamala Harris joueront dans la prochaine administration.
Pence devait faire preuve de force pour essayer de donner un élan à la campagne de Donald Trump, surtout maintenant que le président est en quarantaine après avoir contracté le coronavirus la semaine dernière.
Harris s’est pour sa part montrée très enthousiaste pendant les quatre-vingt-dix minutes, et il est peu probable que les sondages changent fondamentalement à la suite du débat de Salt Lake City.
Un sondage de CNN auprès des personnes qui ont regardé le débat révèle que Harris a fait le meilleur travail et sa popularité a augmenté en conséquence. Environ six personnes sur 10 (59 %) déclarent que Harris a gagné et sa popularité parmi cet échantillon est passée de 56 % à 63 %. Dans le même temps, 38 % déclarent que Pence a réalisé la meilleure nuit et sa popularité se maintient à 41%. Le sondage révèle également que 65 % des personnes interrogées pensent que Pence est qualifié pour occuper le poste de président si cela devenait nécessaire, tandis que 63 % disent la même chose à propos de Harris.
Bien que les contours de la campagne ne changent pas de manière décisive après le débat, cela ne veut pas dire qu'il s'agissait d'un exercice dénué de sens, bien au contraire. Le débat a fourni au public américain une fenêtre cruciale pour se pencher sur la personne qui, avec Donald Trump et Joe Biden bien dans sa soixantaine, aura énormément d'influence à Washington pendant au moins le prochain mandat présidentiel.
Le débat entre les candidats à la vice-présidence a fourni aux États-Unis une fenêtre cruciale pour se pencher sur la personne qui aura énormément d'influence à Washington pendant au moins le prochain mandat présidentiel.
Andrew Hammond
Traditionnellement, le vice-président n'est pas considéré comme un acteur clé dans les administrations américaines. Prenons l'exemple de John Nance Garner, qui a occupé le poste de 1933 à 1941 sous l’administration Franklin-Roosevelt. Il a déclaré: «Les vice-présidents ne peuvent aller nulle part… Le poste de la vice-présidence ne vaut pas un kopeck.»
Cependant, cette vision du poste ne pouvait pas être plus éloignée de la réalité en 2020, d’où l’importance du débat de mercredi, pour au moins deux raisons. Tout d’abord, cette fonction est peut-être devenue la meilleure étape de transition vers la présidence, comme Biden lui-même pourrait le montrer le mois prochain. Enfin, les vice-présidents ont assumé plus de pouvoir et de ressources au cours des dernières décennies, comme l’ont montré les récents titulaires tels que Joe Biden, Dick Cheney et Al Gore, parmi les plus influents de l'histoire.
Même si les opposants, et sur des bases partisanes, critiquent largement Pence ou Harris, ces derniers sont potentiellement capables d'assumer la présidence, comme ils l'ont démontré mercredi avec des performances de débat maîtrisées. Harris n’a peut-être pas l’expérience exécutive de Pence en tant que gouverneur, mais c’est une sénatrice respectée et aussi une ancienne procureure générale de l’État.
Le vainqueur des élections de 2020 assumera, il est vrai, le mandat présidentiel jusqu'en janvier 2025, mais Pence et/ou Harris sont sur une voie potentiellement accélérée vers le Bureau ovale.
De plus, même si Pence et Harris n'accèdent pas au poste le plus élevé, l'un d'eux jouira toujours d'une influence extrêmement importante au cours des quatre prochaines années, aidant Trump ou Biden depuis son fauteuil de vice-président.
Le pouvoir dont ont joui Biden, Cheney et Gore reflète en partie le gain de statut de la vice-présidence, qui – en plus de se manifester par des budgets de personnel plus importants – comprend également une plus grande proximité avec le centre du pouvoir grâce à un bureau situé à l'aile ouest de la Maison-Blanche, des rencontres individuelles hebdomadaires avec le président et l’autorité pour assister à toutes les réunions présidentielles.
C'est pourquoi, dans l'ensemble, le prochain vice-président est vraiment important, non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour le monde en général. Que ce soit Pence ou Harris, le vice-président sera doté de pouvoirs importants jusqu'en 2025 et aura également de fortes chances d’accéder à la présidence dans le paysage géopolitique tumultueux des années 2020.
Andrew Hammond est un associé LSE IDEAS à la London School of Economics.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com