En quoi la crise ukrainienne, met-elle les Pays du Golfe au cœur de l’actualité

Nombreux étaient ceux qui pensait que Vladimir Poutine n'irait pas au bout de ses menaces (Photo, AFP).
Nombreux étaient ceux qui pensait que Vladimir Poutine n'irait pas au bout de ses menaces (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 27 février 2022

En quoi la crise ukrainienne, met-elle les Pays du Golfe au cœur de l’actualité

En quoi la crise ukrainienne, met-elle les Pays du Golfe au cœur de l’actualité
  • Les pays du Golfe pourraient-ils jouer un rôle dans la construction de cette paix ? La question ne se pose pas et la réponse est oui !
  • L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, déjà très présents sur les marchés européens, vont donc être nos partenaires doublement privilégiés.

Nous étions nombreux (moi y compris) à n’avoir pas imaginé que Vladimir Poutine irait au bout de ses menaces.
Née après la guerre comme beaucoup d’autres européens, j’ai grandi dans la Paix ou les guerres lointaines, l’idée d’une guerre aux portes de l’Europe semblait impossible et pourtant … c’est bien ce qui est en train de se dessiner ici et maintenant,
le Président Macron ayant annoncé que celle-ci pourrait durer (j’en suis moins sûre)
 
L’invasion de l’Ukraine, en violation de toutes les lois internationales par la Russie, plonge l’Europe dans la guerre.  Les réactions de soutien sont nombreuses, mais aucun pays n’a, à cette heure, décidé d’envoyer des troupes pour soutenir l’Ukraine.  
Seule la France s’est portée volontaire et vient d’envoyer 900 soldats en Roumanie dans le cadre des missions de l’OTAN, à quelques 900 kilomètres de la frontière ukrainienne.

Les déclarations sont toutes aussi nombreuses, l’Union Européenne a pris immédiatement des sanctions financières très importantes, sans pour autant passer pour le moment l’étape de l’exclusion de la Russie du système d’échange bancaire international SWIFT.
Plusieurs États membres freinent la mise en place de cette mesure, par crainte des conséquences économiques.
Les consultations et les réunions d’urgence de toutes les instances internationales se multiplient, l’OTAN, Conseil de l’Europe, etc.
Face à tous ces mouvements de soutien, le Maître du Kremlin poursuit, imperturbable, sa route vers Kiev.


Le représentant du Conseil de Coopération des Pays du Golfe   représentant permanent de l’Arabie saoudite aux Nations Unies, HH Abdelaziz Alateek, rappelait le 23 février la résolution du Conseil de Sécurité 2202, adoptée à l’unanimité en 2015, et appelait à la désescalade.
Pendant ce temps le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères saoudien HH Waleed El Khereiji s’entretenait à Dubaï avec son homologue américaine pour construire une stratégie forte et assurer le respect de la souveraineté de l’Ukraine.
Le Ministre des Affaires Etrangères des Émirats arabes unis étant, quant à lui attendu dans les prochaines heures, à Moscou.

Le premier sujet qui vient à l’esprit c’est évidemment celui de la Paix et de sécurité en Europe.
Les pays du Golfe pourraient-ils jouer un rôle dans la construction de cette paix ?
La question ne se pose pas et la réponse est oui !
En cas de défaillance de la Russie dans l’approvisionnement énergétique, ils deviennent avec les Etats Unis nos principales sources d’approvisionnement.


La crise ukrainienne conduit l’Europe à repenser ici et maintenant sa stratégie énergétique et à trouver d’autres fournisseurs de gaz à des prix raisonnables ce que ne permet pas le gaz de schiste provenant des États-Unis (et qui au détour constitue un désastre écologique).

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, déjà très présents sur les marchés européens, vont donc être nos partenaires doublement privilégiés.
À une certaine période il était évident que leur soutien à l’Ukraine aurait été immédiat mais la donne semble avoir changé ces dernières années.

L’abstention des Émirats arabes unis lors du vote sur la résolution du Conseil de Sécurité a été interprétée par certains comme un manque de soutien à une initiative internationale de condamnation.

Je n’ai pas la même lecture.
S’abstenir est aussi prendre position.
Les Émirats arabes unis sont un acteur essentiel de la diplomatie de ce XXIe siècle.

Le pays, renforcé par les accords d’Abraham en 2021, marque une diplomatie engagée mais prudente, soucieuse des équilibres régionaux et internationaux

Comme l’Arabie saoudite engagée dans un plan de modernisation et d’ouverture au monde sans précédent, ils sont depuis la guerre en Irak à la recherche de diversification dans leurs alliances,
La décision de l’implantation de la base militaire française à Abu Dhabi constitue une preuve manifeste de cette stratégie et atteste d’un choix éclairé et pertinent.

La politique erratique et imprévisible des USA, leur retrait unilatéral de l’Afghanistan, ont semé le doute parmi leurs alliés historiques dans le Golfe.
S’ils restent fidèles à l’allié américain, ils jouent à juste titre la prudence.
Les Émirats arabes unis, comme l’Arabie saoudite ou le Qatar savent qu’ils sont le recours le plus sûr pour l’approvisionnement énergétique de l’Europe.  

En même temps, les relations au sein de l’OPEC appellent à la plus grande prudence et à un certain doigté. L’économie du monde repose sur des accords ou désaccords des membres dont la Russie.
Une réunion de l’OPEC étant fixée au 2 mars prochain, la prudence était bienvenue me semble-t-il.
L’abstention ne signifiant aucunement un soutien des Émirats à l’agression russe.
Il est évident que les positions diplomatiques sont impactées par la politique énergétique où il est impossible et serait irresponsable de faire cavalier seul.

En réalité la survie de l’économie mondiale est entre les mains de ces pays amis, et après la crise sanitaire, une hausse incontrôlée du prix de l’énergie serait mortifère pour l’économie mondiale.
Les pays du Golfe et les Émirats arabes unis en tête sont donc des partenaires incontournables qui jouent un rôle majeur dans l’économie mondiale en leur qualité d’alliés de premier plan de la diplomatie internationale.
Leurs dirigeants SAR Mohammed Bin Zayed en tête a montré au monde la maturité de sa réflexion et de sa gouvernance éclairée avec les accords d’Abraham.
Certes on peut ajouter qu’à ce jour le russe étant sans doute après l’hébreu la langue la plus parlée à Dubaï.

Il faut peut-être laisser à nos amis et alliés le droit au « en même temps » qui n’est pas exclusivement réservé aux options politiques et diplomatiques du Président français, et leur faire confiance.
Le Président ukrainien a sollicité la médiation d’Israël dans le conflit avec la Russie.
Israël est désormais un allié à part entière des Émirats arabes unis.
Les amis de nos amis sont nos amis, voilà pourquoi les Émirats peuvent jouer un rôle éminent comme médiateur de ce conflit au cœur de l’Europe.

Nathalie Goulet est une femme politique française. Sénatrice de l'Orne depuis 2007, elle est membre du groupe Union des démocrates et indépendants au Sénat.
Twitter: @senateur61
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.