Tout laisse à croire qu’un accord sur le nucléaire iranien serait en vue. Toutes les sources des parties concernées s’accordent à affirmer que le «deal» est bel et bien bouclé, et que ce serait une affaire de quelques jours. Américains, Iraniens, Européens, Russes et Chinois s’accordent à dire que si rien ne vient se mettre en travers du «deal», Américains et Iraniens se remettront en selle pour la reprise de l’accord nucléaire de 2015, le PAGC.
Une chose est sûre, ni Washington – du président américain, Joe Biden – ni Téhéran – du président iranien, Ebrahim Raïssi – n’ont perdu le fil conducteur des pourparlers qui se sont déroulés pendant de longs mois à Vienne. Le président américain a toujours maintenu le cap de son administration sur un retour des États-Unis à l’accord de 2015, considéré comme un «legs historique» de l’ex-président Barak Obama, à la fin de son deuxième mandat en tant que président des États-Unis.
Sur un autre plan, cet accord avait valu à l’ex-président iranien, Hassan Rohani, et son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Djavad Zarif, une stature internationale de premier plan, doublée d’une grande popularité parmi une large partie de la société iranienne lassée de vivre sous le régime des sanctions américaines et internationales qui rendaient la vie impossible.
La popularité du tandem Rohani-Zarif existait surtout parmi la jeunesse et les classes moyennes qui voyaient en cet accord une bouffée d’oxygène et une issue aux blocages du régime des mollahs, lequel a fini par engloutir la majeure partie des richesses du pays dans d’interminables guerres régionales. Les jeunes diplômés assistaient, impuissants, à une politique qui drainait les richesses de l’Iran, tout en les concentrant dans les mains d’une caste militaro-religieuse.
Le chapitre Rohani-Zarif, pourtant enfants prodiges de la «révolution», ne tardera pas à connaître ses limites. Très tôt, les barrières se hisseront devant l’aspiration à la modernisation du système, la vieille garde du régime refusant toute ouverture sur le monde, surtout sur l’Occident. L’accord de 2015, source de fierté de Barak Obama, sera l’occasion tant attendue de la vieille garde militaro-religieuse radicale de récupérer d’immenses sommes d’argent devenues accessibles en raison de la levée des sanctions.
En effet, le complexe militaro-religieux radical, resté fidèle à la ligne du «Guide» Ali Khamenei, mettra la main sur des dizaines de milliards de dollars originellement alloués au financement du rétablissement de l’économie, ainsi qu’à la relance tant espérée par des millions d’Iraniens qui n’en pouvaient plus de payer la facture des guerres à l’étranger, qui ne les concernaient guère, ni de voir, impuissants, une caste dirigeante corrompue, faire main basse sur les richesses nationales au nom de la «cause de la révolution».
Les dividendes financiers de l’accord de 2015 iront en grande partie financer des dizaines de milices pro-iraniennes à travers le monde arabe, ainsi que les guerres en Syrie et au Yémen. Finalement, l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 sera l’occasion pour le régime iranien de mener ses guerres hégémoniques au Moyen-Orient. Il en résultera un immense désordre dans la région, dû à une déstabilisation généralisée que causera le régime des mollahs attaché à l’exportation de la prétendue «révolution» qui s’avérera être un moyen d’étouffer la contestation intérieure grandissante au nom du prétendu «bien commun».
Nous nous retrouvons désormais devant un scénario presque identique. Un accord sur le retour à l’original serait en vue. Il est plus faible et sa durée est courte. Plus faible, car il ne règle pas la question des stocks d’uranium enrichi à plus de 3,65 % en violation de l’accord. Il ne règle pas non plus la question des centrifugeuses ultramodernes installées après 2018 qu’un programme nucléaire civil ne justifie pas. Enfin, il ne prévoit aucune prolongation de l’accord de 2015, libérant ainsi l’Iran d’une grande partie de ses engagements à la fin de l’année 2025.
Il reste les deux grandes questions que l’administration Biden s’est bien gardée de mettre sur la table: le programme des missiles balistiques, et la politique de déstabilisation que mène le régime iranien au Moyen-Orient.
Il est clair qu’un Iran nucléaire serait extrêmement dangereux. Mais un Iran belliqueux et agressif possédant des moyens financiers illimités est tout aussi dangereux. Voilà pourquoi nous restons aussi sceptiques en ce qui concerne l’accord piège que l’on nous promet.