GAZA : Près de 10 ans ont passé et Imad al-Hisso a peu d'espoir de retourner dans sa Syrie natale après l'avoir quittée au début de la guerre civile. Aujourd'hui, il regrette d'avoir trouvé refuge à Gaza, une "prison" dans laquelle il est bloqué sans papiers.
Comme une quarantaine de familles syriennes, Imad al-Hisso a rejoint la bande de Gaza avec son épouse début 2012 par les tunnels souterrains entre l'Egypte et l'enclave palestinienne sous blocus israélien, convaincu qu'il pourrait faire le chemin inverse sans difficulté.
"Après que les événements eurent commencé en Syrie (en mars 2011), je suis venu me réfugier à Gaza dans l'espoir d'une vie meilleure", explique cet homme qui vit dans une petite maison sans cuisine ni meubles à Rafah, dans le sud du micro-territoire.
Depuis son arrivée en 2012, ses papiers d'identité syriens sont périmés.
Il faudrait retourner en Syrie, pays toujours en guerre, pour les renouveler, mais impossible de reprendre un tunnel vers l'Egypte, l'armée égyptienne ayant commencé à détruire quelques galeries souterraines à partir de 2012 puis massivement à partir de 2013.
En outre, Imad al-Hisso ayant quitté illégalement l'Egypte, il sait que les autorités ne le laisseraient pas rentrer à nouveau via le point de passage de Rafah et l'arrêteraient s'il était pris sans papier.
Les autres points de sortie sont contrôlés par Israël, pays officiellement en état de guerre avec la Syrie, et qui impose un blocus sur Gaza depuis près de 15 ans et empêche la population, sauf exceptions, d'aller et venir.
Il se retrouve donc sans issue, dans un territoire miné par la pauvreté et le chômage.
"Il n'y a pas de travail et pas d'argent, pas d'accès à la santé et à l'éducation", se désole l'homme qui travaille de temps à autre comme carreleur et dont les cinq enfants sont nés à Gaza mais n'ont pas de papiers non plus.
"J'étais surpris de constater que la situation à Gaza était pire qu'en Syrie", poursuit Imad, qui avait décidé de venir dans le territoire palestinien après avoir été conseillé par une connaissance, elle-même gazaouie.
Mais "Gaza est la plus grande prison au monde. Si tu entres à Gaza, tu ne peux pas en sortir".
« Vraiment misérable »
Plus de la moitié de la population gazaouie est composée de réfugiés palestiniens, ayant fui ou ayant été chassés de leurs terres à la création d'Israël en 1948, et qui dépendent aujourd'hui de l'aide de l'ONU.
Mais l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) ne considère pas les réfugiés syriens comme relevant de sa responsabilité et ne les aide que partiellement.
"L'Unrwa ne reconnait pas mes enfants, ils me disent toujours +vous êtes des réfugiés syriens et nous nous occupons des réfugiés palestiniens+", raconte Dounia al-Miniaraw, l'épouse d'Imad al-Hasso.
"Lorsque nous sommes arrivés à Gaza, nous pensions que c'était un endroit vivable. Ce que nous avons vu à Gaza est au-delà de l'imaginable. La situation est vraiment misérable", dit cette femme atteinte de plusieurs maladies, qu'elle n'a pas les moyens de soigner.
Palestinienne vivant autrefois en Syrie, Lina Moustafa Hassoun, 52 ans, est elle aussi arrivée illégalement à Gaza via un tunnel fin 2012 avec son fils pour rendre visite à sa soeur.
Leur séjour devait durer un mois mais ils se sont retrouvés bloqués dans l'enclave, le tunnel qu'ils avaient emprunté ayant été fermé. Ils n'en ont pas trouvé d'autres et leurs papiers sont désormais périmés.
"La vie à Gaza est très difficile, impossible de voyager et de travailler. Il n'y a stabilité ni là-bas (en Syrie), ni ici", regrette-t-elle.
Son fils Nawras filme des vidéos pour un autre réfugié syrien, Warif Qassem, un chef qui a monté une chaîne Youtube où il donne des cours de cuisine.
M. Qassem a co-fondé avec d'autres réfugiés une association pour plaider leur cause auprès des autorités palestiniennes et du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
L'an passé, le HCR est parvenu a faire sortir neuf familles syriennes de Gaza via l'aéroport israélien de Tel-Aviv.
M. Qassem se réjouit que les Gazaouis soient accueillants envers les Syriens et apprécient leur cuisine, mais reconnait que leur situation est très compliquée.
"Nous faisons de notre mieux pour contourner les défis", assure-t-il.