Pourquoi le monde a besoin d’un nouvel agenda « vert »

Short Url
Publié le Mercredi 23 septembre 2020

Pourquoi le monde a besoin d’un nouvel agenda « vert »

Pourquoi le monde a besoin d’un nouvel agenda « vert »
  • Il est clairement temps pour la communauté internationale de reconnaître l’importance des législateurs et des lois nationales dans l’application des mécanismes environnementaux mondiaux
  • Il n'y a pas de mise en application d’accords juridiquement contraignants à l'échelle mondiale

L’environnement sera sur le devant de la scène lors des réunions virtuelles des dirigeants du monde qui seront organisées par l’ONU cette semaine, mais il est clair que les processus de décision internationaux pour mettre le monde sur une voie plus durable nécessitent un sérieux coup d’accélérateur de la part de l’élite politique mondiale face à l’urgence de la situation.

Le fait que les émissions de gaz à effet de serre augmentent, que la déforestation s’accélère et que la biodiversité disparaisse à un rythme alarmant a été souligné vendredi par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, lors d’une rencontre virtuelle de haut niveau, le « Moment des objectifs du développement durable », réunissant différents chefs d’État. Lors de son exposé sur sa « vision d'une décennie d'action et une meilleure récupération de la Covid-19 », il a reconnu que notre réponse collective avait été limitée et que cela devait changer.

Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est une nouvelle génération d’accords environnementaux qui soient plus robustes, ambitieux, inclusifs et, enfin, plus efficaces. Les gouvernements ont traditionnellement dirigé le processus de négociation de l’ONU, mais ils ne peuvent pas tout faire par eux-mêmes étant donné l'ampleur monumentale du défi. D’autres acteurs des secteurs public, privé et tiers doivent maintenant entrer dans l’arène et agir.

Premier point, les ministères de l’Énergie, de l’Économie et des Finances empêchent souvent les ministres de l’Environnement de souscrire à des engagements ambitieux. Il suffit de regarder l'évolution dans les priorités accordées aux politiques environnementales lors de la dernière crise financière de 2008 pour comprendre à quel point les priorités traditionnelles à court terme prennent le dessus. Un consensus politique national plus large doit être atteint, impliquant les secteurs privé et tiers.

Deuxième point, les gouvernements changent. Les engagements pris par une administration peuvent être rapidement effacés après des élections.

Troisièmement, il n'y a pas de mise en application d’accords juridiquement contraignants à l'échelle mondiale. Aucun pays n'a fait face à des sanctions prohibitives pour ne pas avoir mis en œuvre la réduction promise des émissions de gaz à effet de serre ou du taux de déforestation.

Cela démontre qu’une nouvelle approche est absolument nécessaire, une approche qui construit une compréhension commune, crée un consensus politique national pour agir au-delà des divisions partisanes, réduit le risque de remise en cause d’engagements  après de nouvelles élections, afin d’accroître la perspective de mises en œuvre de mesures concrètes.

Donner une place plus importante aux législateurs nationaux

Une façon pour mieux y parvenir consisterait à se concentrer davantage sur le transfert d’objectifs mondiaux décidés dans les législations nationales, en particulier les exigences visant à inscrire dans les lois nationales, dans un délai déterminé, les engagements pris dans le cadre de processus supranationaux. La législation nationale, en particulier lorsqu'elle est soutenue par des politiciens de tous bords, est plus durable qu'un engagement pris lors de forums mondiaux. Dans la plupart des pays, sinon dans tous, le respect des lois nationales est plus fort que celui des engagements mondiaux, car le non-respect de la législation nationale expose les gouvernements à des poursuites judiciaires.

Cela a des implications claires sur la manière dont les processus environnementaux mondiaux sont construits. Avec une approche différente de ces négociations, il existe une opportunité pour une nouvelle génération d'accords mondiaux d'émerger sur les bases solides de la législation nationale. Des lois nationales efficaces ne sont possibles que si les législateurs sont intégrés aux négociations formelles. Jusqu'à présent, leur participation aux négociations de l'ONU sur le changement climatique, par exemple, est mitigée.

L’environnement sera au devant de la scène lors des réunions virtuelles des dirigeants du monde organisées par l’ONU cette semaine, mais il est clair que les processus mondiaux pour mettre le monde sur une voie plus durable nécessitent une sérieuse injection d’urgence  politique.

Certains pays (le Brésil et l’Allemagne, par exemple) permettent aux législateurs de faire partie des délégations officielles des pays aux processus de l’ONU, alors que d’autres (le Royaume-Uni, par exemple) excluent les députés de ces délégations ; s'ils y participent, ils sont classés comme observateurs, un statut comparable à celui des étudiants ou des groupes de campagne, avec un accès limité aux véritables négociations. C’est loin d’être le meilleur moyen d’assurer une réponse nationale efficace aux processus internationaux, avec un large soutien politique et un fondement juridique.

Ceci n’est pas un appel pour qu’un autre groupe se joigne à la table des négociations mais plutôt pour reconnaître que, pour qu'une nouvelle génération d'accords environnementaux de l’ONU réussisse, il est impératif de faire participer l’échelon qui a la légitimité et l'autorité pour créer les structures de gouvernance nationales nécessaires.

Les avantages d'une participation totale des législateurs ne s'arrêtent pas aux lois elles-mêmes. Des législateurs bien informés sont mieux placés pour superviser efficacement la mise en œuvre de la législation nationale, renforçant ainsi les chances de respecter les engagements pris lors des forums internationaux.

Il est donc clairement temps pour la communauté internationale de reconnaître l’importance des législateurs et des lois nationales. D’abord, il faudrait inclure une exigence selon laquelle tous les pays doivent inscrire dans leurs lois nationales leurs engagements pris dans des traités environnementaux mondiaux  dans un délai déterminé (par exemple, 24 mois) après la conclusion de ces accords.

Ensuite, il faudrait  exiger que les législateurs clés fassent partie des délégations officielles des pays aux négociations de l'ONU sur le développement durable, ou créer une nouvelle catégorie spéciale d'accréditation pour les législateurs afin de leur permettre d'accéder aux négociations pour qu’ils puissent mieux s'acquitter de leurs responsabilités de contrôle et de gouvernance.

Enfin, les structures de gouvernance nationale sur l’environnement devraient également être renforcées par des chefs de gouvernement, des ministres et des négociateurs de premier plan qui pourraient ensuite rendre des comptes à leurs Parlements respectifs. Cela devrait être le cas pour ceux qui se rendent aux négociations et qui sont ensuite chargés d’en faire un compte rendu. En outre, les Parlements devraient être au centre des débats nationaux impliquant les principales parties prenantes pour se concerter sur la nature des réponses nationales à apporter.

Le moment est venu pour une nouvelle génération d’accords internationaux qui prennent plus en compte le rôle des législateurs nationaux. Si les législateurs sont correctement impliqués, ils peuvent, aux côtés d'autres acteurs du secteur privé et tiers, contribuer à jeter les bases d'un véritable développement durable mondial pour des milliards de personnes à travers le monde dans les décennies à venir.

Andrew Hammond est un associé LSE IDEAS à la London Schoool of Economics.

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com