L'Iran a dominé l'actualité au cours du mois dernier. Tout a commencé avec le dernier conflit en date entre le Liban et les États du Golfe au sujet des propos controversés du ministre libanais de l'Information, George Kordahi. Même si ce dernier a fait ces commentaires un mois avant qu'il ne devienne membre d'un parti chrétien allié au Hezbollah, les pays du Golfe en ont assez de traiter avec une nation contrôlée par un mandataire iranien.
En Irak, le Premier ministre, Moustafa al-Kazimi, a survécu dimanche dernier à une tentative d'assassinat menée par des drones de fabrication iranienne alors qu'il se trouvait dans sa résidence, dans la zone verte fortifiée de Bagdad. Cette attaque intervient après des menaces directes proférées par le chef de la milice chiite pro-iranienne, Qais al-Khazali, qui appartient au groupe Asaïb Ahl al-Haq, désignée comme organisation terroriste étrangère par les États-Unis.
Par ailleurs, les débats se poursuivent à Washington pour déterminer si l'administration Biden devrait relancer le Plan d'action global commun, également connu sous le nom d'«Accord sur le nucléaire iranien» (JCPOA).
Des membres du Parti républicain ont accusé le président, Joe Biden, d'ignorer l'attitude hostile du régime iranien envers les États-Unis et ses alliés à l'étranger afin de tenir l’une de ses promesses de campagne: revenir au Plan d'action global commun.
À Al-Tanf, en Syrie, une garnison américaine a été attaquée le mois dernier par un drone, alors qu'un pétrolier commercial géré par Israël a été pris pour cible dans le golfe d'Oman au mois de juillet. Téhéran est accusé d'être à l'origine des deux attaques.
La semaine dernière, dix-sept députés républicains ont envoyé une lettre à la Maison Blanche pour exhorter le président à s'abstenir de poursuivre les pourparlers diplomatiques avec Téhéran et pour dénoncer son attitude hostile. Ils ont déclaré que Biden envoyait aux amis comme aux adversaires de l'Amérique un signal dangereux selon lequel Washington serait prêt à lever les sanctions et à négocier avec un État qui est le plus grand parrain du terrorisme du monde, alors même que ce dernier s’en prend à leur pays, comme en témoigne l'attaque d'Al-Tanf.
Si l'Amérique soutient le changement de régime cela donnerait à l'opposition iranienne à l'intérieur du pays une motivation pour les manifestations et la désobéissance civile.
Dalia Al-Aqidi
«Cette attaque rappelle encore une fois que votre administration choisit les mauvaises priorités en s'efforçant de réintégrer l'accord nucléaire iranien. Si l'Iran est prêt à s'engager dans ce genre d’actions alors même que les négociations sont toujours en cours, imaginez le respect qu'il aura pour tout accord après sa conclusion», indique la lettre en question, qui ajoute que l'administration contribue à affaiblir davantage encore la capacité des États-Unis à combattre le régime iranien en levant les sanctions.
Les pourparlers de Vienne devraient reprendre le 29 novembre prochain après une pause de cinq mois au cours de laquelle le nouveau président iranien, Ebrahim Raïssi, a pris ses fonctions. On ignore encore si ce dernier souhaite un accord; mais, en attendant, Téhéran poursuivra ses efforts nucléaires.
Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération à l'Arms Control Association (Association pour le contrôle des armements, NDLR), souligne que Washington ne devrait pas faire abstraction du fait que l'Iran viole l'accord nucléaire. Elle lance un avertissement: c’est envoyer à Téhéran le mauvais signal. «L'administration Biden doit trouver l’équilibre exact: il faut démontrer à l'Iran que Téhéran bénéficiera d'un allégement des sanctions si l'accord est rétabli, et ne pas céder à l'influence iranienne pour autant», estime-t-elle.
Alors que Téhéran demande la levée de toutes les sanctions, la décision prise au cours du présent mois par le département du Trésor américain, qui consiste à imposer des sanctions à deux entités iraniennes et à quatre individus, indique clairement que cette option n’est pas envisageable. Cela devrait inciter l'Iran à baisser le ton. Mais verra-t-il les choses sous cet angle? Assurément pas.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a ainsi critiqué la décision américaine sur Twitter: «La Maison Blanche appelle à des négociations avec l'Iran et prétend être prête à revenir au JCPOA. Pourtant, elle impose simultanément de nouvelles sanctions aux individus et aux organismes iraniens. Le but des négociations n'est pas seulement d’échanger, mais d'obtenir des résultats tangibles sur la base du respect des intérêts mutuels.»
Alors, de quelle manière l'administration Biden devrait-elle traiter le dossier nucléaire iranien? Avec le soutien des républicains, le président devrait abandonner sa promesse de campagne – relancer l'accord – et justifier cette décision en soulignant toutes les atrocités iraniennes contre les États-Unis, ses alliés et des millions d'innocents à travers le monde, tout en durcissant les sanctions contre le gouvernement de Téhéran.
Comme pour l'Irak, un changement de gouvernement imposé de l'extérieur ne profitera à aucun des deux pays.
Cependant, le soutien des États-Unis au changement de régime donnerait à l'opposition iranienne à l'intérieur du pays une motivation pour manifester et faire le choix de la désobéissance civile. Cela a failli arriver en 2009 et pourrait bien se produire en 2021.
Biden doit trouver le courage de prendre position contre les personnes qui le poussent à signer un nouvel accord avec l'Iran.
Dalia al-Aqidi est chercheur principal au Center for Security Policy. TWITTER : @DaliaAlAqidi
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.