La Syrie ne fait plus la une des journaux. D’ailleurs, la télévision n’en parle plus. Plus le temps passe, plus on privilégie la couverture, plus commode, d’autres événements. Cependant, la décennie d’agonie du pays se poursuit. Cent mille Syriens sont portés disparus depuis le début du conflit. Les victimes sont tuées et enterrées dans des tombes clandestines; elles sont emprisonnées, placées en détention au secret, ou disparaissent sur les routes dangereuses des réfugiés de la Syrie vers les pays voisins, et même au-delà.
Il est nécessaire que la question des disparus soit traitée dans le cadre du processus de paix avec la participation active des familles, de la société civile, des gouvernements et des organisations internationales. Si elle n’est pas abordée de manière efficace ni, surtout, équitable, la résolution du conflit laissera cent mille familles et leurs proches sur la touche. Retrouver les personnes disparues consiste à investir dans la paix et dans la stabilité. Sans cela, une société ne peut aller de l’avant, surtout après le traumatisme qu’a engendré une violence civile aussi longue.
Les victimes peuvent être portées disparues en Syrie, dans les pays voisins, en Afrique du Nord, en Europe, ou ailleurs. La solution nécessite une coopération entre les nations avec l’utilisation de systèmes de données centralisés et spécialisés, auxquels auraient accès de nombreux États ainsi que les proches des disparus qui habitent les pays d’origine, de transit et de destination.
La Commission internationale des personnes disparues est une organisation intergouvernementale établie par voie de traité. Son siège se trouve à La Haye et j’en suis le commissaire britannique. Elle traite de la question des personnes disparues en Syrie depuis plus d’une décennie. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cette commission dispose, en plus de la Syrie, de programmes en Irak et en Libye, ainsi que d’une initiative méditerranéenne qui s’attache aux réfugiés et aux migrants disparus. En se fondant sur son expérience, la commission estime que les partenaires du processus de paix en Syrie ont la capacité de traiter le problème des personnes disparues de manière efficace et durable, ce qui contribuerait à rétablir la primauté du droit et à défendre les droits des survivants.
Depuis 2017, la commission a fait d’importants progrès: elle a jeté les bases d’un processus efficace de recherche des personnes disparues en Syrie qui pourrait être mis en place à plus grande échelle lorsqu’un accord de paix est conclu. Ce programme a fourni aux familles de Turquie, du Liban et d’Irak des outils Internet destinés à signaler et à suivre les situations de personnes disparues tout en permettant à un réseau croissant d’organisations de la société civile de recueillir des données sur ces individus auprès de familles de Syrie et de la région Mena. D’ici à la fin de l’année prochaine, la commission estime que les informations relatives à quarante mille personnes disparues en Syrie auront été collectées et stockées dans son système intégré de gestion des données, qui permet de partager et d’utiliser les informations en toute sécurité afin de localiser et d’identifier les personnes disparues.
La commission a organisé une série pluriannuelle de tables rondes soigneusement structurées pour aider les familles et les organisations de la société civile de Syrie à mettre en place une plate-forme commune. L’objectif est de plaider en faveur du règlement de la question des personnes disparues. En juillet, à l’occasion de la 40e session du Conseil des droits de l’homme des nations unies pour l’examen périodique universel de la Syrie, elle a adressé une demande. Au début du mois d’octobre, la commission a recommandé l’adoption d'un ensemble de dispositions dans toute future constitution syrienne, parmi lesquelles la création d’une commission syrienne sur les personnes disparues et l’approbation de lois spécifiques dans le but de garantir les droits des proches des disparus à la vérité et au dédommagement.
Retrouver les personnes disparues consiste à investir dans la paix et la stabilité. Sans cela, une société ne peut aller de l’avant.
Alistair Burt
La commission a également pris des mesures pour garantir que les organisations internationales et les gouvernements échangent des données sur les personnes disparues et collaborent en adoptant une approche impartiale, fondée sur la primauté du droit, afin de traiter cette question. La priorité est de s’assurer que les preuves recueillies dans les fosses communes, par exemple, pourront être présentées au tribunal si les auteurs des disparitions sont traduits en justice. Élucider le sort des personnes disparues ne doit pas se faire au détriment de la responsabilisation future.
Le dossier des disparus ne constitue pas, dans un conflit, une réflexion après coup. Alors que les États s’orientent vers un processus de normalisation avec la Syrie et que les organismes d’aide et les gouvernements débattent sur la question de la distinction entre reconstruction et redressement, il est essentiel que ceux qui s’engagent auprès de la Syrie et de l’ONU soulignent combien il est important d’inclure un mécanisme susceptible de résoudre le problème des disparus dans leurs accords. Avec le temps, les terres et les bâtiments seront restaurés. Cependant, les familles qui ignorent le sort de leurs proches sont dans l’angoisse et elles ne peuvent s’accommoder d’une vie d’incertitudes. Le processus de paix ne saurait être juste s’il est établi alors que les maisons du peuple syrien sont vides.
Un travail consistant a déjà été mené pour définir une stratégie efficace en matière de recherche de personnes disparues en Syrie; un mécanisme international peut s’appuyer sur cette base, que la Commission internationale des personnes disparues est prête à soutenir. Il pourra ainsi contribuer efficacement à la paix et à la justice pour les familles des disparus.
Alistair Burt est un ancien député britannique qui a occupé à deux reprises des postes ministériels aux Affaires étrangères et au Commonwealth en tant que sous-secrétaire d’État parlementaire, de 2010 à 2013, et en tant que ministre d’État pour le Moyen-Orient, de 2017 à 2019.
Twitter: @AlistairBurtUK
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com