PARIS: L’ancien président Nicolas Sarkozy a gouverné la France de 2007 à 2012, succédant à Jacques Chirac qui n’appréciait pas particulièrement cette passation de pouvoir malgré leur appartenance à la même famille politique.
Pour accéder à la magistrature suprême, il a dû mener une âpre lutte face à ses opposants mais aussi face à son propre camp, à l’époque l’ « Union pour un mouvement populaire » (UMP), parti de droite rebaptisé par la suite les « Républicains ». Engagé en politique depuis les rangs de l’université où il a suivi des études de droit, Nicolas Sarkozy, fils d’émigrés hongrois, est un habitué des batailles politiques qu’il a appris à mener depuis sa jeunesse.
Plus la bataille était rude et compliquée, plus elle aiguisait son besoin de s’y impliquer. C’est dans la complexité et la difficulté qu’il a choisi de forger son destin. « Les tempêtes m’ont toujours fasciné », confesse t-il dès la première phrase de son livre paru récemment aux éditions l’Observatoire et portant justement le titre « Le temps des tempêtes ».
Voilà le décor planté, la confession parle d’elle-même. L’ancien président français a fait des tempêtes son « lot quotidien » et « le fil conducteur » de sa carrière politique. Dans les 522 pages de son livre, Sarkozy revient sur les deux premières années de son mandat présidentiel,qu’il aborde à la manière d’un monologue sans chronologie précise ni chapitres distincts.
Que nous raconte Sarkozy dans ce tome I de ses mémoires selon ce que l’on peut lire sur la quatrième de couverture ? Il insiste sur le basculement brutal et le poids de la fonction dès le premier instant où il s’installe derrière le bureau présidentiel au palais de l’Elysée. « La solitude propre à la fonction » lui est tombé sur les épaules, écrit-il, « mon passé avait disparu » et « seuls comptaient le présent et l’avenir ».
Sarkozy a agacé. Les batailles, il en a menées pour imposer à son propre parti sa politique d’ouverture à la gauche et séduire une certaine frange de l’opinion publique, en reprenant à son compte certains thèmes chers à l’extrême droite.
Cet avenir, Sarkozy devait s’atteler à l’imprimer de sa marque, lui qui a choisi le slogan de « la rupture tranquille » pour sa campagne présidentielle. La rupture, il l’a certainement incarnée, mais loin de la tranquillité, et il a été tout sauf une personne rassurante. Il a même été perçu par certains comme dérangeant en raison de ses choix politiques et de son attitude personnelle.
Omniprésent dans les médias et sur la scène politique, affichant un style de vie qualifié de « bling-bling », trop pressé, trop familier, pas assez présidentiel, Sarkozy a agacé. Les batailles, il en a menées pour imposer à son propre parti sa politique d’ouverture à la gauche et séduire une certaine frange de l’opinion publique, en reprenant à son compte certains thèmes chers à l’extrême droite.
Les batailles, il en a aussi menées pour faire faire voter sa loi sur l’immigration choisie ainsi que la loi « en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat », mettant en œuvre un abaissement du bouclier fiscal et un allègement des droits de successions, entre autres. Pour couronner le tout, il lui a fallu mener la bataille de son divorce avec son épouse de l’époque et mère de l’un de ses fils, Cécilia Attias.
La tâche n’a pas non plus été facile sur le plan européen, où il lui a fallu s’imposer face à la chancelière allemande Angela Merkel qui était tout aussi froide et réfléchie que lui était rapide et précipité. Toujours sur le plan européen, discuter de l’adhésion de la Turquie était de son point de vu une pure folie. Sarkozy estimait qu’il fallait dire non « le plus tôt possible » pour éviter à « cet immense pays qu’est la Turquie l’humiliante attente d’une négociation interminable. »
Des amitiés diplomatiques particulières
Pour ce qui est des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy affiche sa franche admiration pour les Bush, père et fils, avec qui il a établi des relations amicales tournant ainsi la page des « relations conflictuelles avec la France », survenues sous la présidence de Chirac à la suite de l’intervention américaine en Irak.
Sur le plan européen, discuter de l’adhésion de la Turquie était de son point de vu une pure folie. Sarkozy estimait qu’il fallait dire non « le plus tôt possible » pour éviter à « cet immense pays qu’est la Turquie l’humiliante attente d’une négociation interminable. »
Il se dit aussi passionné par les pays du Golfe et ébloui par leur développement « aussi rapide, aussi réussi et aussi pacifique ». Manifestement inquiet par la course menée par l’Iran pour acquérir l’arme nucléaire, Sarkozy a œuvré pour le renforcement des relations avec ces pays après la tiédeur qui a prévalu sous Jacques Chirac. C’est dans cette région affirme t-il, « que se jouerait un défi considérable : réconcilier l’islam avec la modernité ». Il souhaite également que le prince héritier d’Arabie saoudite Mohamad Ben Salman réussisse « à briser la chape de plomb que voudraient faire peser sur le pays les religieux orthodoxes ». Élogieux, Sarkozy l’est également à l’égard du prince héritier des Emirats arabes unis, Mohamad Ben Zayed, il se dit frappé par sa volonté « de moderniser son pays » et en finir « avec le terrorisme et l’islam politique ».
En Afrique du Nord, Sarkozy voue une admiration à l’ancien président algérien Abdel Aziz Bouteflika « dernier dinosaure vivant » du XX ème siècle, dont il a rencontré tous les géants : le chinois Mao Tsé-toung, le britannique Winston Churchill, le français Charles De Gaulle… tout en reconnaissant son passéisme et sa focalisation sur la guerre de libération de l’Algérie.
Il revendique par ailleurs un attachement affectif au Maroc, pays dit-il, où « je pourrai sans doute vivre », d’autant plus que son souverain le roi Mohamed VI est perçu par Sarkozy comme un homme « d’une grande intelligence très francophile et d’une gentillesse qui ne se dédit jamais ». A l’inverse, il émet des doutes concernant l’ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali, dont le régime s’est « effondré comme un château de cartes », prenant l’ensemble de la classe politique française au dépourvu.
S’agissant de l’ancien président libyen Mouammar Kadhafi, qui lui a valu toutes sortes de polémiques lorsqu’il l’a invité à l’Elysée afin de le remercier pour la libération des infirmières bulgares, Sarkozy ne s’embarrasse nullement et dit qu’il parle « en onomatopées et bruits indistincts ». Une fois la lecture du livre achevé, on peut dire que son contenu relève plus de l’autopromotion que de mémoires d’un ancien chef d’État, avec ce que cela suppose en termes de recul et d’analyse.
Sarkozy se dit en retrait de la vie politique, mais la tonalité de son livre, rédigé selon ses dires pendant le confinement et constitué de brèves choisies avec maitrise, ne laisse pourtant pas le lecteur avec la même impression.
Arlette Khoury vit et travaille à Paris depuis 1989.
Pendant 27 ans, elle a été journaliste au bureau parisien d’Al-Hayat.
TWITTER : @khouriarlette
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.