Il indéniable que la France vit depuis plusieurs mois dans un climat d’insécurité croissant.
Les actes violents ont enregistré un bond et semblent de plus en plus apparentés à de la violence gratuite.
Pour n’en citer que les plus saillants…
Un chauffeur de bus a été agressé à mort à Bayonne dans le sud-ouest de la France pour avoir demandé à un jeune passager de respecter l’exigence du port du masque dans les transports publics.
Une femme gendarme a été tuée dans le Lot-et-Garonne, également dans le sud-ouest, par un conducteur sans permis lors d’un contrôle routier.
A Paris, plusieurs magasins ont été saccagés sur l’avenue des Champs-Elysées à la suite de la défaite du Paris-Saint-Germain contre l’Olympique de Marseille en finale de la ligue des champions.
Des fusillades entre bandes rivales à Toulouse et Dijon, des pompiers qui étaient et sont toujours première ligne dans lutte contre la Covid-19 sont agressés et pris pour cibles de même que des maires et des élus dans différentes régions du pays.
Ajoutons à cela les larcins du quotidien allant du vol de portables, aux montres et bijoux arrachés aux passants, qui sont eux aussi en nette augmentation dans les grandes villes.
Dans un climat déjà bien miné par la crise sanitaire et les précautions qui en découlent l’insécurité vient renforcer le malaise diffus ressenti par nombre de Français.
Fidèle à un angélisme traditionnel la gauche tente de minimiser l’importance du phénomène en pointant du doigt, des forces politiques dont le fond de commerce consiste selon elle à attiser les sentiments de peur.
Bien sur le sujet est au centre des préoccupations gouvernementales, le ministre de l’intérieur Gerald Darmanin a lui-même admis que la France est « malade de son insécurité » et s’est engagé à déployer une séries de mesures afin de rétablir l’ordre publique, et communiquer mensuellement aux français les résultats obtenus.
Pour se faire plus convaincant et plus ferme, il n’a pas hésité à s’inspirer du vocabulaire de l’ancien president Nicolas Sarkozy dont il fut proche, en affirmant qu’il faut « stopper l’ensauvagement d’une partie de la société », suscitant une certaine désapprobation dans la majorité gouvernementale.
Cela suffira t-il à apaiser les craintes du citoyen et à rétablir sa confiance à l’égard d’un pouvoir qu’il perçoit comme étant dépassé par la multiplicité des crises qu’il doit gérer ?
Rien n’est moins certain d’autant plus que l’insécurité se retrouve comme d’habitude au centre d’une surenchère véhémente de la part des forces politiques.
Fidèle à un angélisme traditionnel la gauche tente de minimiser l’importance du phénomène en pointant du doigt, des forces politiques dont le fond de commerce consiste selon elle à attiser les sentiments de peur.
La droite de son côté s’en prend au pouvoir qu’elle accuse d’incapacité et d’impuissance à affirmer son autorité et protéger les français.
Cette polémique reste dans le cadre du jeu de rôle classique entre un gouvernement et les forces qui lui sont opposées.
Les choses se gâtent avec les réactions enclenchées dans les rangs de l’extrême droite sur son thème de prédilection « La sécurité des français » et les dangers qui la guette.
Tout au long de l’été la cheffe du « Rassemblement National », Marine Le Pen n’eut cesse d’évoquer une période « meurtrière », mettant en garde contre l’installation en France d’une « barbarie » et contre une « libanisation » du pays…
Aussi dangereux soit-il, le discours de Le Pen est malheureusement banalisé : pour certains ce n’est que le rêve d’une certaine France, blanche de préférence, recluse sur son histoire, ses valeurs et ses acquis économiques et convaincue que la grandeur peut se construire sur l’isolement.
Mais ce rêve qui s’est fracassé à deux reprises à l’épreuve des urnes présidentielles a finalement réalisé des percées puisque l’extrême droite siège à l’assemblée nationale et au parlement européen et contrôle plusieurs conseils municipaux.
Il s’agit s’agit là de percées réelles au sein des institutions républicaines dont l’accès était pendant des décennies verrouillés face à l’extrême droite.
Il s’agit d’idées et de positions autrefois cantonnées aux confins de l’échiquier politique français et qui se trouvent aujourd’hui portées par des femmes et des hommes députés ou maires ou élus municipaux.
Mieux encore, ces idées ont leurs figures de proue et leurs vitrines médiatiques et non des moindres ainsi qu’un slogan bien ficelé : « bousculer la pensée mainstream et incarner la voix du peuple ».
En cette rentrée particulièrement morose la chaine de télévision CNews a fait le choix de « la parole décomplexée », ce qui veut dire exploiter à fond le thème de l’insécurité en s’appuyant sur des journalistes et chroniqueurs de l’extrême droite tels que Eric Zemmour.
De quoi nous gratifie Zemmour lors de ses apparitions télévisées, si ce n’est que d’instiller sa haine des immigrés et de l’islam ?
Selon lui la vérité est toute simple et linéaire : les responsables de l’insécurité sont à « 99,9 % des enfants de l’immigration maghrébines et africaines ».
Ceux-là semblent donc d’après Zemmour génétiquement programmés pour la délinquance et la violence et pour preuve il affirme « on sait que les victimes s’appellent Mélanie et les assassins Youssef ».
Rien que ça, sur une chaine grand public, qui s’est hissée grâce à ce choix éditorial à la deuxième place parmi les chaines d’information en continu.
Les « prêcheurs de haine » ne sont donc pas que l’apanage du monde arabo-musulman, l’occident et la France ont les leurs.
Sous prétexte de décomplexer la parole, CNews de même que d’autres médias qui tolèrent ce genre de propos ne font que souffler sur les braises de la haine, du rejet et de la diabolisation d’un autre français.
Les « prêcheurs de haine » ne sont donc pas que l’apanage du monde arabo-musulman, l’Occident et la France ont les leurs.
Il est notoire que lorsque des individus étrangers prêchent la haine, ils sont expulsés du territoires français.
Qu’en sera-t-il des journalistes, intellectuels écrivains et politiciens français
qui puisent dans cette même haine pour promouvoir leurs idées en prétendant incarner « la voix du peuple ».
Arlette Khouri vit et travaille à Paris depuis 1989.
Pendant 27 ans, elle a été journaliste au bureau parisien d’Al-Hayat.
TWITTER : @khouriarlette
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.