L'assassinat de Fakhrizadeh, connu comme le père du programme nucléaire iranien, a porté un coup mortel à ce programme. Selon The New York Times, l'explosion survenue le 11 mai dernier à Natanz, l'une des installations nucléaires iraniennes, a retardé le plan d'enrichissement d'uranium de l'Iran d'au moins neuf mois. L'explosion a également perturbé le réseau électrique de ce site. En conséquence, un grand nombre de machines que la République islamique avait acquises illégalement sont devenues inactives. La mort de Fakhrizadeh a contribué à ralentir la marche du régime iranien vers la production d'armes nucléaires.
Dans une interview qu’il a donnée sur le site Internet de Khamenei, Ali Larijani, l'ancien président du Parlement iranien et conseiller de Khamenei, a déclaré: «Si nous voulons avancer vers le cœur de notre travail, nous devons également bénéficier de l'effet de levier de notre pouvoir. L'aspect principal de cette question [le conflit nucléaire] n'est pas juridique, mais politique. Politiquement, l'instrument du pouvoir est évidemment important. Le régime iranien est désormais dans un état fragile et il tente de forcer les pays du P5+1 [groupe de six puissances qui ont mis en commun avec l’Iran leurs efforts diplomatiques vis-à-vis de son programme nucléaire, NDLR] à supprimer toutes les sanctions imposées à l'Iran, y compris celles qui ne sont pas liées à son programme nucléaire, à travers une démonstration creuse de force et de puissance. Ces actions du régime iranien comprennent l'obstruction ou l'empêchement des inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et la dérogation à ses obligations au sein de l'AIEA telles que l'enrichissement de l'uranium à 60% et la construction de tuyaux en aluminium. Cependant, le P5+1 veut mettre en œuvre un JCPoA 2021 (Plan d’action global commun, NDLR) qui comprend l'arrêt du développement des programmes de missiles iraniens, de son influence régionale et, surtout, le démantèlement de l'ensemble de son projet d'armes nucléaires.
L'Iran considère plusieurs facteurs comme des leviers de son pouvoir et il ne veut pas les perdre car ils sont vitaux à la survie du régime. Il s’agit des armes nucléaires, des interventions régionales, du développement d'un programme de missiles, de l'amélioration de la situation économique et de la démonstration que la République islamique bénéficie d'un large soutien en Iran.
Par conséquent, le régime iranien essaie de montrer que, en dépit de la disqualification de la plupart des candidats présidentiels, parmi lesquels Larijani, le conseiller de Khamenei, et de l'installation du tristement célèbre Ebrahim Raïssi comme nouveau président de l'Iran, le peuple iranien soutient toujours le régime.
Ali Larijani, ancien porte-parole du Parlement iranien, a déclaré: «Le Guide suprême de la Révolution a dit à plusieurs reprises que le régime devrait être basé sur la participation du peuple aux élections, et cela augmente vraiment le poids de notre société en termes de puissance. Dans le domaine nucléaire, outre la situation régionale, l'impression que les gens ont du gouvernement, leur participation aux questions politiques et leur soutien au gouvernement. Il y a aussi les questions économiques, et, sur ce plan, la situation est défavorable; nous n'avons pas d'instruments puissants de pouvoir.»
On lit dans l’édition du 18 septembre 2021 du journal Resalat: «Dans l'un de ses rapports trimestriels, le directeur général de l’AIEA a exprimé sa préoccupation croissante sur le fait que, après deux ans, les questions de garanties relatives aux quatre sites iraniens qui n'avaient pas été notifiées à l'AIEA n'avaient pas été résolues. Il ne reste plus qu'à faire passer les propos du directeur général de l'AIEA de la sphère technique à la sphère politique, sauf à accroître la pression sur l'Iran pour qu'il accepte des restrictions au-delà des traités internationaux. À présent, le bâton de l'agence est détenu sur l'Iran, avec un rapport hostile fin septembre pour forcer Téhéran à accepter les clauses extravagantes de l'Occident dans les pourparlers de Vienne!»
Selon le quotidien Resalat, Kazem Gharib Abadi, représentant permanent de l'Iran auprès de l'ONU [Organisation des nations unies, NDLR] à Vienne, représentant de l'Iran auprès de l'AIEA à Vienne et membre de l'équipe de négociation sur l’accord nucléaire, a mentionné les principaux obstacles aux pourparlers de Vienne. Entre autres, il a déclaré que le P5+1 avait lié le JCPoA 2021 à des questions régionales tout en exprimant des exigences excessives au sujet des activités et des engagements nucléaires de l'Iran, qui vont même au-delà du contenu du JCPoA.
Il ne faut pas oublier que l’immense majorité du peuple iranien est extrêmement mécontente du régime.
Ces dernières années, ce dernier a complètement perdu le contrôle économique, et les protestations se sont multipliées dans tout le pays. Ebrahim Raïssi a d’ailleurs été élu président pour contenir et contrôler les soulèvements populaires en dépit de la triste notoriété qu’il a acquise pour son rôle dans le massacre des prisonniers politiques iraniens en 1988.
À l'heure actuelle, les liquidités au cours des douze mois ont augmenté de 39,1%, ce qui signifie que le gouvernement imprime de l'argent pour compenser le déficit budgétaire. Ces dernières semaines, selon de nouveaux chiffres de la Banque mondiale, le PIB de l'Iran, qui était d'environ 600 milliards de dollars en 2012, a chuté d'un tiers en huit ans. Selon l'ILNA [Iranian Labour News Agency, NDLR], Mahmoud Jamsaz aurait déclaré: «Actuellement, le principal problème des gens est leur gagne-pain.»
L'un des analystes, qui a précédemment occupé une position élevée dans le régime iranien et souhaite garder l'anonymat, prédit que le régime se pliera effectivement aux exigences du P5+1 par crainte d'un nouveau soulèvement interne. Il suffit d’observer la composition du cabinet d'Ebrahim Raïssi pour constater que la plupart de ses membres ont longtemps servi dans différents appareils oppressifs du régime et sont bien connus pour leur brutalité et leur manque total d’empathie. Pour le régime, se conformer à ces exigences se traduira par une augmentation de cette brutalité afin de garder le contrôle sur un peuple qui est prêt à mettre fin à cette domination oppressive.
Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.
Twitter: @h_enayat
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.