La débâcle afghane, une catastrophe électorale pour les démocrates

Le 31 août 2021, le président Joe Biden quitte la tribune de la Maison Blanche après avoir évoqué la fin de la guerre en Afghanistan. (AP Photo)
Le 31 août 2021, le président Joe Biden quitte la tribune de la Maison Blanche après avoir évoqué la fin de la guerre en Afghanistan. (AP Photo)
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Publié le Mardi 07 septembre 2021

La débâcle afghane, une catastrophe électorale pour les démocrates

La débâcle afghane, une catastrophe électorale pour les démocrates
  • La première élection présidentielle de mi-mandat est la plus difficile à organiser
  • Les États-Unis sont aujourd'hui beaucoup plus polarisés qu'ils ne l'étaient alors, ou qu’ils ne l’ont été à aucun moment de leur histoire, hormis pendant la guerre de Sécession

L'effondrement chaotique de l'Afghanistan et la prise de contrôle rapide par les talibans au moment où les forces américaines étaient en train de se retirer de Kaboul ont choqué un public américain convaincu que l'Amérique «avait vaincu les terroristes».

Avec le 20e anniversaire des attentats terroristes qui ont coûté la vie à 2 996 Américains le 11 septembre 2001, le public déverse sa colère sur le président du pays, Joe Biden, et sur ses dirigeants démocrates. Ce mouvement d’humeur intervient à un mauvais moment pour les démocrates, qui cherchent à conserver le contrôle du Congrès lors des élections de la Chambre des représentants, qui se tiendront au mois de novembre 2022.

L'histoire prouve que, lorsqu’une saison électorale du Congrès se déroule «hors cycle» ou «à mi-mandat», le parti au pouvoir perd presque systématiquement le contrôle du Congrès.

Lors des quarante dernières élections américaines, seuls quatre présidents ont réussi à remporter des sièges et à conserver le contrôle de la Chambre des représentants après avoir pris leurs fonctions lors des élections de mi-mandat.

Alors que le président est élu tous les quatre ans, les membres du Congrès se présentent aux élections tous les deux ans, ce qui donne lieu à un scrutin au cours de la troisième année de mandat du président. La première élection présidentielle de mi-mandat est également la plus difficile à organiser.

Lors des quatre dernières élections de mi-mandat, le président a perdu le contrôle de la Chambre.

Dans de nombreux cas, les problèmes qui ont entraîné ce renversement étaient liés à la politique. Le président George W. Bush n'a réussi à conserver la Chambre pendant le mi-mandat de 2002 que parce que la nation était en guerre contre Al-Qaïda et contre les talibans et que ce contexte a conduit les électeurs à ne pas faire de politique partisane.

Mais les États-Unis sont aujourd'hui beaucoup plus polarisés qu'ils ne l'étaient alors, ou qu’ils ne l’ont été, en réalité, à aucun moment de leur histoire, hormis pendant la guerre de Sécession, dans les années 1860.

Lors des élections de mi-mandat de 2010, le président démocrate Barack Obama a vu son parti perdre 63 sièges à la Chambre et six au Sénat. En 2014, lors des deuxièmes élections de mi-mandat d'Obama, les démocrates ont perdu 13 sièges à la Chambre et 9 au Sénat.

À l’occasion des prochaines élections de mi-mandat de 2022, la montée des talibans, l'accueil en Afghanistan d’Amin al-Haq, l'ancien chef de la sécurité d'Oussama ben Laden, par les dirigeants de ce groupe fondamentaliste, ainsi qu’une inquiétude qui ne cesse de croître face au terrorisme, pourraient conduire à l'un des plus grands revers de l'histoire des États-Unis.

Si le retour d'Amin al-Haq, qui dirigeait la «garde noire» de Ben Laden, est commenté de manière particulièrement agressive par les médias conservateurs, les Américains se rendent compte progressivement de ce qui est en train de se passer.

Le choc public pourrait se transformer en colère dans les bureaux de vote. Les chances que Biden conserve le contrôle du Congrès sont faibles, mais le fiasco afghan est susceptible de faire «basculer» les élections de la pire manière.

La campagne électorale commence d’habitude après le week-end de la fête du Travail, c’est-à-dire la semaine prochaine. Les candidats qui cherchent à renverser les titulaires vont élever la voix, et l'un de leurs messages les plus puissants sera centré sur la manière dont les démocrates ont permis aux talibans de revenir au pouvoir en Afghanistan.

Les talibans prétendent qu’ils seront plus tolérants dans une société contrôlée par la charia. Cependant, des informations qui font état du meurtre d'anciens dirigeants et de partisans afghans proaméricains au cours de la semaine dernière continuent de faire surface.

En outre, l'image de Biden est particulièrement fragilisée. Le leader américain maîtrisait sa communication grâce à des médias partisans, mais cela ne saurait durer. Les informations selon lesquelles il aurait reçu une liste de journalistes à appeler lors des conférences de presse montrent sa volonté de contrôler les médias plus que son désir de s’adresser à la population.

Les électeurs américains rencontrent toujours des difficultés après près de deux ans de restrictions, de compressions budgétaires et de turbulences économiques liées au coronavirus. Bien que l'emploi et l'économie semblent rebondir, la résurgence du virus et l’apparition d'un nouveau variant inquiètent beaucoup. Les Américains en ont assez des contraintes qui s’attachent à leurs achats, à leurs voyages et à leurs bénéfices financiers.

Un nombre croissant de gens sombrent dans des dettes de cartes de crédit et d'emprunt, tandis que la dette nationale atteint un niveau tel qu’il dépasse celui qu’elle a connu après la Seconde Guerre mondiale.

Il est fort possible que ces facteurs, auxquels s’ajoute l’hypothèse de nouvelles frappes terroristes, poussent les électeurs à bout.

 

À l’occasion des prochaines élections de mi-mandat de 2022, la montée des talibans, l'accueil en Afghanistan d’Amin al-Haq, l'ancien chef de la sécurité d'Oussama ben Laden, par les dirigeants de ce groupe fondamentaliste, ainsi qu’une inquiétude qui ne cesse de croître face au terrorisme, pourraient conduire à l'un des plus grands revers de l'histoire des États-Unis.

Ray Hanania

 

Il est peu probable que la perte du Congrès l'année prochaine marque un retour de l'ancien président Donald Trump, dont l'image a été ternie à la fois par des médias grand public hostiles et par son exclusion des puissantes plates-formes de médias sociaux telles que Facebook et Twitter. Les Américains ne l’entendront pas de cette oreille.

Cependant, comme Biden se trouve en position de faiblesse, l'effondrement de l'Afghanistan et la possibilité de nouvelles frappes terroristes telles que les deux attentats-suicides de l'aéroport de Kaboul, qui ont tué treize marines américains, rendront beaucoup plus difficile le maintien du contrôle par les démocrates.

Ces derniers ne possèdent qu'une avance de 8 sièges sur les républicains dans la Chambre des représentants (qui compte 220 démocrates et 212 républicains), tandis que démocrates et républicains disposent chacun de 50 sièges au Sénat, où la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, détient la voix prépondérante.

Le contrôle de Biden sur le Congrès et le Sénat est fragile et, comme le montre l'histoire, il peut facilement être perdu – ce qui est encore plus vrai désormais  après la débâcle en Afghanistan.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site Internet personnel à l'adresse www.Hanania.com.

Twitter : @RayHanania

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews