Loi contre les séparatismes : la solution d’Emmanuel Macron aux problèmes des banlieues

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Publié le Mercredi 09 septembre 2020

Loi contre les séparatismes : la solution d’Emmanuel Macron aux problèmes des banlieues

Loi contre les séparatismes : la solution d’Emmanuel Macron aux problèmes des banlieues
  • Le président français compte s’impliquer fermement dans la lutte contre l’insécurité, contre la radicalisation et contre l’exclusion
  • Emmanuel Macron a beau ne pas les nommer, peut-être dans l’intention de ne pas accroître la stigmatisation dont elles font déjà l’objet, on sait qu’il s’agit des banlieues

PARIS : Après avoir été accaparé par la crise des Gilets jaunes, les grèves contre la réforme des retraites puis la gestion de la pandémie de Covid-19, le président français, Emmanuel Macron, a enfin pu détailler sa vision de la citoyenneté, de la laïcité et de la lutte qu’il entend mener contre ce qu’il appelle le « séparatisme ».

Le président a pris grand soin du choix du lieu retenu pour aborder ces thèmes : le Panthéon où reposent les dépouilles des grandes personnalités de la nation française.

Il a également pris soin de la date : les 150 ans de la proclamation de la IIIe République et le lendemain de l’ouverture du procès des attentats contre Charlie Hebdo et contre l’Hyper Cacher, qui avaient endeuillé la France il y a cinq ans.

Se saisissant du poids de l’histoire et du poids des événements sanglants revendiqués par l’organisation État islamique (Daech), il a affirmé la nécessité de souder la société française face aux menaces qui la guettent.

La république, selon Macron, n’est pas un simple acquis : « La république est volonté, la république est transmission, jamais achevée, toujours à reconquérir. »

Cette république se consolide grâce à la citoyenneté et à la laïcité, et par conséquent « il n’y aura jamais de place en France pour ceux qui, souvent au nom d’un dieu, parfois avec l’aide de puissances étrangères, entendent imposer la loi d’un groupe », assure Macron.

D’où un projet de loi de lutte contre le « séparatisme », terme que le président français privilégie au détriment de celui de « communautarisme ».

Il a par ailleurs longuement insisté sur la laïcité qui garantit à chacun « la liberté de croire ou de ne pas croire », et il a annoncé qu’il entendait lancer une série d’initiatives dans le domaine de l’ordre républicain et s’attaquer aux problèmes récurrents de l’insécurité et de l’égalité des chances.

Cette tâche a été confiée au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et à la ministre déléguée à Citoyenneté, Marlène Schiappa, qui dévoileront leur feuille de route durant un séminaire gouvernemental.

Il est évident que le président français compte désormais s’impliquer fermement dans la lutte contre l’insécurité, contre la radicalisation et contre l’exclusion.

En ce qui concerne l’égalité des chances, Macron a insisté sur le fait que « chaque citoyen, quel que soit le lieu où il vit, le milieu d’où il vient, doit pouvoir construire sa vie par son travail et son mérite ».

Et Emmanuel Macron de constater que « nous sommes encore trop loin de cet idéal » et qu’il faut aller « plus loin, plus fort dans les semaines qui viennent ».

Il est donc évident que le président français compte désormais s’impliquer fermement dans la lutte contre l’insécurité, contre la radicalisation et contre l’exclusion.

De même, il va œuvrer pour une meilleure intégration de tous les Français, indépendamment de leurs origines et de leur appartenance religieuse, dans un même cadre de citoyenneté et de valeurs républicaines qui garantissent l’égalité et la liberté de tous.

Mais de quoi parle-t-on ? On parle tout simplement de ces grosses poches de misère et de frustration qui ceinturent la périphérie des grandes villes françaises. On parle de ces quartiers où tous les problèmes sont amplifiés et exacerbés : le taux de chômage peut y atteindre le double ou le triple du taux national.

On parle de l’insécurité qui transforment des quartiers entiers de ces banlieues en zones de non-droit laissées à la merci des chefs de bandes et des trafiquants de drogue et d’armes, et à l’état de pépinières pour le grand banditisme et le radicalisme.

Le président français a beau ne pas les nommer, peut-être dans l’intention de ne pas accroître la stigmatisation dont elles font déjà l’objet, on sait qu’il s’agit des banlieues. On sait qu’il s’agit de leurs habitants qui fournissent au pays ses contingents de besogneux qu’ils soient ouvriers, éboueurs, chauffeurs de bus ou caissiers… et doivent se contenter de services publics de moindre qualité que partout ailleurs et d’une qualité de vie et d’habitat inférieure à ceux dont profitent les autres français.

On sait qu’il s’agit des jeunes de ces banlieues qui, dès l’enfance, suivent un enseignement moins valorisant que celui qui est dispensé dans le reste du pays, et qui les poussent, sauf à de rares exceptions, au décrochage scolaire puis au chômage,  à la débrouille, à la délinquance et à la radicalisation islamiste qui s’est aggravée d’une manière sans précédent sous l’impulsion de l’organisation Daech.

Le président Macron a fait le choix de se servir d’une nouvelle approche et d’une nouvelle terminologie pour s’attaquer à un problème auquel se sont attelés tous ses prédécesseurs: celui des banlieues.

Il est opportun de rappeler à ce propos les estimations selon lesquelles le nombre des français qui ont combattu dans les rangs de cette organisation en Syrie et en Irak serait supérieur à 1 700.

Le président Macron a fait le choix de se servir d’une nouvelle approche et d’une nouvelle terminologie pour s’attaquer à un problème auquel se sont attelés tous ses prédécesseurs.

L’ancien président François Hollande, à qui Macron a succédé, avait exhorté les jeunes des banlieues à « de grands rêves, de grandes ambitions ». Il les avait encouragés : « Poussez les murs, repoussez les limites, dépassez les barrières et aucune frontière ne sera opposée à votre propre réussite ! »

Avant lui, l’ancien président Nicolas Sarkozy avait affirmé vouloir agir pour ces quartiers en France « où la vie n’est que souffrance », des quartiers « où il y a tellement de handicaps tellement de précarité et de violence » que leurs habitants « se replient sur eux-mêmes et ressentent tout ce qui est extérieur comme une menace ».

De même pour le président défunt Jacques Chirac qui décrivait la fracture sociale en affirmant vouloir agir pour « ces quartiers déshérités où règne une terreur molle » et favoriser la jeunesse qui se trouve poussée « à la révolte car ils ne voient poindre que le chômage au terme d’études incertaines ».

Plus tôt, feu le président François Mitterrand affirmait vouloir lutter « contre les désordres » et s’attaquer « aux sources d’un malaise et d’un déséquilibre social d’immense ampleur ».

Cependant d’un mandat à l’autre et d’une décennie à l’autre, les problèmes des banlieues n’ont fait que progresser et gagner en complexité.

Le timing de sa démarche est loin d’être anodin, à deux ans de la prochaine échéance présidentielle où les thèmes de la sécurité et de la laïcité occuperont une place centrale

Les différents plans, projets, lois et approches mis au point par les présidents successifs sont loin d’avoir brisé l’encerclement et d’avoir rattaché ces quartiers au reste de la nation.

Macron sera-t-il plus chanceux que ces prédécesseurs sachant que ces derniers, qu’ils soient de gauche ou de droite, se sont intéressés aux banlieues en tant que variable d’ajustement de leurs politiques par rapport à l’extrême droite ou à la droite.

D’ailleurs le timing de sa démarche est loin d’être anodin, à deux ans de la prochaine échéance présidentielle où les thèmes de la sécurité et de la laïcité occuperont une place centrale surtout s’il doit affronter de nouveau la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen.

Il n’est donc pas étonnant que nous ayons à revivre une fois de plus dans les prochains jours les mêmes vieux débats sur la meilleure façon d’assurer l’égalité des chances et la sécurité et d’améliorer la situation des quartiers sensibles.

Faudra-il privilégier la fermeté au dialogue et à la proximité ?

Et comment contrôler la gestion des mosquées et la formation des imams pour éviter que les jeunes musulmans français ne s’écartent du giron de leur patrie ?

Arlette Khouri vit et travaille à Paris depuis 1989.
Pendant 27 ans, elle a été journaliste au bureau parisien d’Al-Hayat.

TWITTER : @khouriarlette

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.