En moins de dix jours, le Hezbollah a subi dernièrement sur la scène intérieure libanaise plusieurs revers de taille, surtout au niveau de l’opinion publique non chiite, au sein de laquelle il semble que se dessine un sentiment d’exaspération et que se profilent à l’horizon des signes de vif mécontentement.
Il y a peine deux semaines, la région de Khaldé, à l’entrée sud de Beyrouth, s’est transformée en un champ de bataille entre des éléments armés du Hezbollah et d’autres qui appartiennent à des tribus arabes sunnites habitant la ville. Cette bataille rangée à l’arme automatique a éclaté après l’acte de vendetta qui avait coûté la vie à un membre du Hezbollah, accusé par les tribus arabes du meurtre d’un adolescent qui était le fils de l’un de leurs chefs, un an plus tôt.
Ces affrontements se solderont par sept morts, tous des militants ou des sympathisants du Hezbollah, et par plus d’une vingtaine de blessés de part et d’autre. L’armée libanaise est intervenue pour mettre fin à ces confrontations meurtrières et pour normaliser la situation, de peur que ces événements ne s’étendent à d’autres régions.
Résultat: pour la première fois depuis de longues années, le Hezbollah, qui semblait tenir d’une main de fer tout un pays en usant de sa suprématie en matière de moyens de coercition et d’intimidation, voit sa force et sa domination se heurter à une forme de résistance, alors que, jusque-là, il pensait pouvoir tout se permettre au Liban.
L’acte de vendetta des tribus arabes sunnites serait survenu en raison du laxisme, voire de la lâcheté des autorités judicaires, qui se sont abstenues de poursuivre le membre du Hezbollah accusé du meurtre du jeune adolescent, cédant aux pressions exercées sur le parquet par le groupe. De quoi ouvrir la voie à une «justice» d’un autre genre!
Néanmoins, le Hezbollah a décidé d’étouffer l’incident de Khaldé, soucieux de ne pas envenimer une situation déjà tendue avec la communauté sunnite. Il faut bien dire que ce qui s’est passé pourrait être interprété comme un acte de ras-le-bol vis-à-vis du sentiment d’impunité qui prévaut dans les sphères du Hezbollah et de ses sympathisants quant à l’application de la loi. Cette fois, ce ras-le-bol s’est traduit par des affrontements armés et la supériorité militaire du Hezbollah n’a pas suffi à empêcher une poignée d’éléments appartement aux tribus arabes de Khaldé de prendre les armes pour combattre ce qu’ils jugeaient être une injustice.
Quelques jours plus tard, un autre incident révèle le mécontentement accru vis-à-vis du Hezbollah, qui, à deux reprises cette semaine, a tiré des missiles Katioucha sur Israël à partir du Liban sud tout en imputant la responsabilité de cette action à des groupuscules palestiniens «non identifiés».
Le Hezbollah a ouvert le bal mercredi dernier. Israël a riposté avec son aviation, pour la première fois depuis la guerre de 2006, menant des raids dans le Sud, en pleine campagne. La deuxième fois, ce sont les habitants du village druze de Showaya, dans la localité de Hasbaya, près de la frontière avec Israël, qui, après une salve de missiles Katioucha tirée des faubourgs du village, interceptent le camion lance-missiles et ses quatre opérateurs, des membres du parti. Le Hezbollah est contraint de déclarer sa responsabilité et de clore le chapitre des prétendus groupuscules palestiniens qui opèrent de leur propre chef.
La confrontation entre les habitants du village et les membres du convoi du Hezbollah embarrasse ce dernier, qui subit de vives critiques l’accusant de mettre le pays en danger de guerre pour le compte de la politique régionale iranienne. Mais la nouveauté résidait dans le fait que de simples villageois se sont soulevés et ont refusé que le puissant Hezbollah prenne leur village en otage dans le cadre d’un affrontement armé avec Israël. La majorité des Libanais savent pertinemment que cela ne les concerne en rien. Ce mini-soulèvement des habitats de Showaya a eu lieu dans la région du Liban-Sud, le fief du Hezbollah.
Ces deux événements, qui sont intervenus lors de ces dix derniers jours, reflètent un sentiment de refus de plus en plus fort de la mainmise du Hezbollah sur le Liban; un refus qui tend à se généraliser. En effet, de plus en plus de Libanais haussent à nouveau le ton et les critiques se font plus virulentes vis-à-vis des hommes politiques accusés de se soumettre au Hezbollah. Et, même si une grande partie de la communauté chiite continue à appuyer le parti pro-iranien, des signes d’essoufflement se font quand même sentir. Le vent commence à changer de direction!
Il n’en reste pas moins que, dans ces événements, le grand absent n’est autre que l’État libanais et ses principaux responsables, qui se contentent d’appliquer la politique de l’autruche vis-à-vis d’une milice télécommandée de Téhéran. C’est une simple capitulation devant une forme d’occupation étrangère par l’intermédiaire de ses acolytes.
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. Twitter: @AliNahar
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