Après deux décennies passées en Afghanistan, la coalition militaire dirigée par les États-Unis sera partie à la fin du présent mois et la majorité des territoires du pays retomberont sous le contrôle des talibans islamistes radicaux. Des milliers de civils et des forces de sécurité gouvernementales doivent donc chercher refuge dans les pays voisins comme le Tadjikistan.
Même si Washington continue d’assurer au gouvernement afghan qu'il reprendra ses frappes aériennes pour soutenir les forces officielles, les femmes, les enfants et les personnes âgées se sentent vulnérables. En effet, ils ont déjà été la cible des militants barbares. La guerre civile semble inéluctable, ce qui signifie que les talibans ne constitueront pas la seule menace en provenance d'Afghanistan.
Lorsque le mouvement fondamentaliste islamiste a signé l'accord de paix de Doha avec les États-Unis au mois de février de l'année dernière, il s'est engagé à empêcher tout groupe ou tout individu terroriste de lancer des attaques contre les États-Unis, leurs alliés ou tout autre pays dans le monde. Mais il n'y a aucune raison de croire qu'il coupera ses relations avec Al-Qaïda, cause première de la guerre.
En effet, pour gagner le combat contre les forces de sécurité afghanes légitimes, les talibans ont besoin du plus grand soutien possible. Le fait qu'Al-Qaïda maintienne une présence dans une quinzaine de provinces afghanes fait de cette organisation terroriste le meilleur partenaire des talibans pour affaiblir davantage le gouvernement de Kaboul, contrôler facilement le pays et imposer sa propre idéologie, assortie de règles strictes, à l'ensemble de la population.
Défendant la décision du président américain, Joe Biden, de finaliser le retrait des troupes d'Afghanistan, le porte-parole du département américain de la défense, John Kirby, souligne que les objectifs de son pays, qui consistaient à dissuader, à démanteler et à vaincre Al-Qaïda, ont été atteints. Il admet toutefois que ses cellules et ses agents sont encore présents. «Mais ils ne ressemblent en rien à l'organisation qu'ils formaient le 11 septembre, il y a vingt ans», assure-t-il.
À l'approche du 20e anniversaire des attentats terroristes du 11-septembre et fort du fait que Biden ait reconnu que le conflit en Afghanistan était une «guerre impossible à gagner», Al-Qaïda a créé sur sa page Telegram le hashtag «L'année de la fuite» pour proclamer sa victoire sur les «infidèles» américains. Il a ainsi envoyé un message à ses partisans, qui leur indique que le moment est venu de se regrouper et de reprendre des activités néfastes. La direction du groupe islamiste radical, qui reconquiert son refuge traditionnel en Afghanistan, semble aujourd’hui prête à rebondir.
Al-Qaïda a envoyé un message à ses partisans, qui leur indique que le moment est venu de se regrouper et de reprendre des activités néfastes.
Dalia al-Aqidi
Certes, un récent rapport du Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies (CSNU) laisse entendre que le successeur le plus probable d’Ayman al-Zawahiri – le chef d'Al-Qaïda, actuellement en difficulté –, Saïf al-Adel, qui réside actuellement en Iran, pourrait ne pas être en mesure de s'installer en Afghanistan en raison de l'accord de Doha. Rien n'indique cependant que les talibans refuseraient de l'héberger.
Et, selon Moscou, il ne serait pas seul. La semaine dernière, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a indiqué lors d'une visite au Tadjikistan l'émergence d'une nouvelle menace en Afghanistan. En effet, les combattants de Daech affluent dans le pays, venant d'Irak, de Syrie et de Libye. Le groupe djihadiste aurait décidé de s'allier à sa filiale afghane, la province du Khorassan, qui a déjà revendiqué plusieurs attaques très médiatisées dans cette région déchirée par la guerre.
Le rapport du CSNU indique qu'un nouveau plan international de recrutement de terroristes a d’ores et déjà été lancé. «Ses dirigeants espèrent également attirer des talibans intransigeants et d'autres militants qui rejettent l'accord pour la paix en Afghanistan conclu entre les États-Unis d'Amérique et les talibans. Ils veulent recruter des combattants de la République arabe syrienne, d'Irak et d'autres zones de conflit», lit-on dans le rapport.
L'administration américaine doit se rappeler que la plupart des voisins de l'Afghanistan ne sont pas des sympathisants des États-Unis et qu’ils peuvent se montrer récalcitrants, en particulier l'Iran, la Russie, la Chine, le Pakistan et la Turquie.
En n’ayant pas pris la mesure de la menace imminente et en négligeant les conséquences de leurs actions, les États-Unis commettent une énorme erreur qui risque de compromettre leur propre sécurité nationale, notamment parce qu’il y a peu de sources de renseignement fiables dans cette région. Washington aurait dû écouter le directeur de la CIA (Central Intelligence Agency, NDLR), Bill Burns, lorsqu'il a déclaré aux députés américains, au mois d’avril dernier, que le fait de se retirer d'Afghanistan entraverait la capacité de l'agence à recueillir des renseignements, ce qui affecterait ses performances.
La guerre mondiale contre le terrorisme est loin d’être terminée. Les sacrifices consentis par les troupes américaines et celles de l'Otan au cours des vingt dernières années pourraient être rapidement oubliés si l'Afghanistan redevient un quartier général hostile dirigé par les talibans en vue de la planification et de l'entraînement terroristes, un lieu où des attentats sont réalisés. La question n’est pas de savoir si cela aura lieu, mais quand.
Dalia Al-Aqidi est chercheure principale au Centre de politique de sécurité.
Twitter : @DaliaAlAqidi
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com