Très attendue aussi bien par le Maroc, l’Algérie que par certains pays européens… La position de la nouvelle administration américaine à l’égard du Sahara et de la gouvernance marocaine est venue en deux temps. Le premier: une confirmation de la reconnaissance par l’administration Trump de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Le second: une critique acerbe de la gestion de la liberté de la presse au Maroc, vraiment mise à mal par l’emprisonnement de quelques journalistes dont le département d’État estime qu’il contredit la constitution de 2011 et le programme de réforme mené par le roi Mohamed VI.
Même tranchante et spectaculaire dans sa forme, cette pique américaine n’a pas réussi à faire oublier l’importance de la confirmation par l’administration de Joe Biden de la décision prise par Donald Trump sur le Sahara.
Il faut dire que, dans certains milieux, les espoirs étaient grands de voir la nouvelle administration de Joe Biden faire marche arrière. Et, pour cela, d’énormes moyens de lobbying ont été mobilisés dans les couloirs du pouvoir américain, à Washington, pour tenter de renverser la tendance.
Aucune des grosses ficelles destinées à influencer le législateur et le faiseur d’opinion américain ne nous a été épargnée, mais en vain. Cette pression n’est pas seulement venue du régime algérien, pour qui la reconnaissance américaine était un gigantesque désaveu. Elle provenait aussi d’autres milieux européens connus pour leurs réticences à l’égard du Maroc.
D’abord, une certaine frange du pouvoir allemand, dont le représentant à l’ONU avait convoqué une réunion d’urgence du Conseil de sécurité pour tenter de freiner cette dynamique américaine sur le Sahara.
Ensuite, il y a eu la tentative des autorités espagnoles, en plein bras de fer avec le Maroc, de capter l’attention de Joe Biden sur le sujet lors du récent sommet de l’Otan, avec le résultat que l’on connaît. C’est d’ailleurs cette équation tendue qui est actuellement à l’origine d’un sourd bras de fer entre Rabat, Madrid et Berlin.
Ceux qui pariaient sur un changement américain dans ce dossier misaient en fait sur une volonté manifeste du candidat Joe Biden de désavouer l’héritage diplomatique de Donald Trump.
Ne l’a-t-il pas fait pour le traité de Paris sur l’écologie, que Trump avait spectaculairement déchiré en début de mandat? Ne l’a-t-il pas fait sur l’accord du nucléaire iranien, que Trump avec quitté avec fracas? Sans parler de la relation désormais apaisée avec les alliés européens et l’Otan, que Trump, par nature, par conviction doctrinaire ou par provocation, mettait régulièrement sur le grill.
L’espoir de ceux qui espéraient un changement américain sur ce sujet sensible résidait dans cette possible envie de remettre en cause l’ensemble des grandes décisions diplomatiques prises par l’administration Trump.
Mustapha Tossa
L’espoir de ceux qui espéraient un changement américain sur ce sujet sensible résidait dans cette possible envie de remettre en cause l’ensemble des grandes décisions diplomatiques prises par l’administration Trump.
Ils attendaient à chaque fois le signal, l’indication de cette marche arrière qui ne venait pas. Ils avaient harcelé de questions les porte-parole de la Maison Blanche, du département d’État ou du Congrès pour arracher un début de remise en cause. La réponse est tombée comme un couperet par la voix du porte-parole du département d’État, Ned Price, qui a confirmé que la reconnaissance par l’administration Trump de la souveraineté du Maroc sur le Sahara «reste la position de l’administration américaine. Je n’ai aucune mise à jour pour vous. La position reste inchangée».
C’est sans aucun doute la première fois que l’administration Biden valide avec autant de clarté la décision historique de Donald Trump. Elle l’avait déjà fait en n’évoquant pas ce dossier dans le catalogue des grandes remises en cause. Lors de nombreuses déclarations du secrétaire d’État Antony Blinken en Europe ou au Proche Orient, le responsable américain avait laissé entendre qu’il plaidait pour la continuité plutôt que pour la rupture.
Cette clarification américaine laissera des trace, d’abord sur le régime algérien, dont le soutien aux séparatistes du Polisario ressemblera de plus en plus à un combat contre des chimères et des moulins à vents; ensuite sur certains milieux européens, qui devraient fatalement adapter leur approche à l’heure et à la vision américaine du sujet.
Plutôt que de continuer à jouer les trouble-fête en utilisant la carte du Polisario démagnétisée par la reconnaissance américaine, ils devraient penser à accompagner les solutions proposées pour le Maroc afin de sortir de cette crise dont les impacts politiques et sécuritaires, en cas d’échec, n’épargneraient personne.
Pour le Maroc, cette confirmation, à propos de laquelle il n’avait d’ailleurs aucun doute, permettra de continuer à dérouler son argumentaire de paix et de sortie de crise dans de nombreux forums internationaux.
Depuis des décennies, sa diplomatie dénonce une crise artificiellement entretenue non pour servir les intérêts des peuples de la région mais pour servir de paravent à un régime algérien connu pour sa cleptomanie structurelle et pour faire pression sur certains milieux européens que gênent manifestement l’activisme politique à l’échelle régionale et continentale ainsi que l’essor économique du Maroc.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24.
Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
Twitter : @tossamus
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.