Pour une médiation française au Liban

(Gonzalo FUENTES/POOL/AFP)
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Publié le Lundi 31 août 2020

Pour une médiation française au Liban

Pour une médiation française au Liban
  • On comprend le désespoir des Libanais, dont beaucoup pensent que le Liban ne pourra pas s’en sortir par ses propres moyens. Mais, plutôt que de céder au pessimisme, je crois qu’il est encore possible de construire un projet et de le mettre en œuvre
  • La situation présente est telle que la sortie de crise ne pourra se faire avec succès qu’avec le concours de la communauté internationale

PARIS: Au moment où le président Macron se rend au Liban, pour la deuxième fois en quelques semaines, dresser le tableau de la situation de ce malheureux pays est un exercice particulièrement affligeant: l’effondrement du système bancaire a ruiné la plupart des familles libanaises, la pauvreté est partout, la corruption est généralisée. La gigantesque explosion dans le port de Beyrouth a parachevé le désastre en mettant à bas une grande partie des infrastructures publiques de la capitale et en paralysant l’essentiel des services publics. Le peuple a le sentiment désespérant d’une catastrophe sans issue. Cette situation n’a pas de précédent dans l’histoire libanaise, même au temps de la guerre civile.

Ce tableau est sombre, mais il cache une réalité qui l’est encore plus. Elle se décrit en trois points:

1/ La stabilité financière, sur quoi était fondée la prospérité du Liban, n’est plus qu’un souvenir.

2/ Le pays est profondément déchiré entre des clans et des rivalités de tous ordres, religieux, économiques ou politiques. Il n’y a donc plus de légitimité dans les institutions constitutionnelles, il n’y a plus vraiment d’État.

3/ Le Liban est une proie livrée sans défense aux déchirements du Moyen-Orient, sans compter les 2,5 millions d’étrangers réfugiés sur son sol et qui sont à sa charge.

On comprend le désespoir des Libanais, dont beaucoup pensent que le Liban ne pourra pas s’en sortir par ses propres moyens. Mais, plutôt que de céder au pessimisme, je crois qu’il est encore possible de construire un projet et de le mettre en œuvre avec des chances raisonnables de succès. Il devrait comporter trois éléments principaux :

1/ Tout d’abord, un ordre économique et financier nouveau, susceptible de rétablir la confiance, élaboré avec le concours du FMI et comprenant les garanties nécessaires contre la corruption.

2/ Ensuite, de nouvelles institutions politiques, avec un nouveau mode de scrutin pour l’élection des parlementaires où le confessionnalisme ne soit plus la référence principale. L’attachement légitime du peuple libanais à la diversité de ses religions pourra être reconnu et s’exprimer d’une autre manière dans la nouvelle Constitution.

3/ Enfin, il faudra que l’ensemble des milices, y compris celle du Hezbollah, se retrouvent au sein des forces armées, au besoin reconfigurées à cet effet, afin de rétablir et de garantir l’unité du Liban.

Un tel projet peut paraître irréaliste. Dans l’état actuel des choses, il n’y a sans doute pas grand espoir que les forces politiques en présence puissent s’engager ensemble dans cette voie. On imagine plutôt, hélas, une dérive progressive du pays vers une sorte de « somalisation », qui pourrait être le prélude à une nouvelle guerre civile entretenue de l’étranger. Et pourtant, il n’y aura pas d’avenir possible pour le Liban sans affronter cette terrible équation à trois inconnues que sont les trois enjeux rappelés ci-dessus, économique et financier d’une part, politique et institutionnel d’autre part, sécuritaire enfin. Il n’y parviendra sans doute pas seul. Voilà le défi.

Notre ministre des Affaires étrangères n’avait pas tort de dire aux Libanais : « Aidez-nous à vous aider. » Mais la situation présente est telle que la sortie de crise ne pourra se faire avec succès qu’avec le concours de la communauté internationale.  Le Liban aura besoin du poids politique et du regard amical de partenaires extérieurs qu’on pourrait qualifier de « tiers de confiance ». Autrement dit: aidons-les à prendre les bonnes décisions. Pour cela, il faut une double architecture: d’abord les grandes puissances doivent encourager et soutenir la démarche projetée, ensuite les pays de la région devront être parties prenantes associées à l’élaboration du projet qui devra nécessairement tenir compte de la diversité de leurs préoccupations.

Il  ne s’agit pas de mettre le Liban sous tutelle. De toute façon, ça ne marcherait pas. Il s’agit plutôt d’une médiation, extérieure au Liban mais au service des Libanais, pour aider les forces politiques locales à trouver les bons compromis qui permettront au Liban de redémarrer sur des bases nouvelles, et qui devraient aussi être reconnus, voire garantis, par les principaux pays de la région.

Aujourd’hui comme hier, le Liban peut compter sur le soutien de la France. Il faut se féliciter des initiatives audacieuses et courageuses  déjà prises par le président Macron. Notre pays est ainsi le mieux placé pour conduire la médiation internationale que je suggère. Déjà en 1996, au Liban, la France a montré sa capacité d’initiative dans des conditions pourtant très difficiles. Pourquoi pas en 2020 ?

Ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement, Hervé de Charette a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire. 

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.