L’élection de M. Ibrahim Raïssi à la tête de l’exécutif iranien, la semaine dernière, marque un tournant dans la politique intérieure de la République islamique en Iran. Elle s’inscrit dans une logique de durcissement extrême du régime en vue de mettre un terme à toute tentation de dérive des forces politiques qui agissent sous la bannière de la «révolution», ainsi qu’à tout relâchement au niveau des centres de pouvoir.
Quand Ibrahim Raïssi se présente, sans succès, à la présidentielle de 2017 contre l’actuel président, Hassan Rohani, il devient clair qu’il fait partie de cette élite d’ultraconservateurs qui seront rapidement amenés à jouer un rôle de tout premier ordre au sein du régime.
Ali Hamade
Cette élection constitue, aux yeux du Guide suprême, Ali Khamenei, l’occasion pour la ligne dure du régime d’asseoir confortablement son pouvoir, d’imposer une ligne dure, homogène et bien encadrée par l’État profond qui, sous la coupe du Guide, allie le clergé conservateur aux militaires. Il est clair que cette élection, dont le résultat était connu d’avance, a été orchestrée par le Guide afin de garantir à tout prix l’élection de M. Raïssi, quitte à éliminer tout concurrent susceptible d’entraver son parcours. Même des personnalités considérées comme de confiance comme l’ancien président du Parlement Ali Larijani, et d’autres encore, se sont vues écartées d’office de la course par le Conseil des gardiens de la Constitution, sous l’impulsion de Khamenei; tout cela pour laisser la voie libre à Raïssi.
Il est vrai que le protégé du Guide Ali Khamenei a un lourd passé. En 1988, en tant que membre d’un comité judicaire – qui fut surnommé le «comité de la mort» –, il aurait confirmé des sentences de mort à l’égard de milliers d’opposants au régime. Au cours de sa longue ascension, Raïssi a su rester proche des conservateurs, et surtout se présenter en tant que fidèle exécutant des directives du Guide, sans poser de questions. Son ascension a la tête du pouvoir judicaire, en 2017, n’est que la confirmation de son positionnement parmi les têtes de liste du courant conservateur.
Quand Ibrahim Raïssi se présente, sans succès, à la présidentielle de 2017 contre l’actuel président, Hassan Rohani, il devient clair qu’il fait partie de cette élite d’ultraconservateurs qui seront rapidement amenés à jouer un rôle de tout premier ordre au sein du régime, surtout dans l’éventuelle préparation de la succession du Guide Ali Khamenei, âgé de 83 ans.
Sous le commandement du Guide, le noyau dur de la tendance ultraconservatrice prépare l’après-Khamenei. Ainsi, tout doit être mis en œuvre pour homogénéiser le régime, écarter les éléments qui sont soupçonnés d’avoir des affinités avec l’Occident; en d’autres termes, remettre à l’heure les pendules de la «révolution» dans sa formule originelle. De ce fait, il est nécessaire d’offrir aux militaires (les «Gardiens de la révolution», ainsi que les différentes forces et services de sécurité) tous les moyens de prospérer, d’étendre et de consolider leur influence afin de contrôler la population et de préserver l’avenir du régime contre vents et marées. Ce noyau dur considère que le fait de remettre les trois pôles du pouvoir – exécutif, législatif et judiciaire – sous son contrôle lui permettra de mieux affronter la période assez délicate qui se profile à l’horizon.
Les négociations sur le nucléaire iranien à Vienne arrivent à un tournant décisif, avec la possibilité de sceller une entente pour remettre en marche l’accord initial de 2015 ou celle de traîner les pieds afin de permettre à l’Iran d’accéder, de facto, au rang de puissance nucléaire, avant de revenir à la table pour lancer une tout autre forme de négociation. D’autre part se pose la question de la succession du Guide, ainsi que celle de la stabilité d’un régime qui sera appelé à faire face à différentes crises politiques, économiques et sécuritaires au moment où les nouvelles générations iraniennes aspirent à plus d’ouverture, de libertés et de qualité de vie.
En conclusion, l’élection de M. Ibrahim Raïssi comme chef de l’exécutif ne change pas grand-chose aux mécanismes décisionnels au sein du pouvoir réel; bien au contraire, elle les renforce. Ce n’est qu’un pas en arrière en vue du maintien de la théocratie militante, militarisée et ultraconservatrice d’Iran, un pays qui sera toujours contrôlé d’une main de fer.
Seul point positif: avec Raïssi, le masque tombe. C’en est donc fini de cette façade appelée «les réformistes».
Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.
Twitter: @AliNahar
NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.