Rien ne semble vraiment changer en Israël: Benjamin Netanyahou, tenant d’une ligne dure, vient d’être remplacé par un nouveau Premier ministre, Naftali Benett, qui adopte des positions tout aussi radicales. Pourtant ce changement montre que rien ne dure éternellement. C’est un enseignement que les Palestiniens ne doivent jamais oublier: la brutalité et le fanatisme des gouvernements d'extrême droite israéliens des deux dernières décennies peuvent facilement changer.
Les citoyens palestiniens d'Israël devraient ignorer les diatribes des extrémistes, et reconnaître qu'ils peuvent participer au changement, même si ce n'est pas celui dont ils rêvent dans un monde idéal. Le changement nécessite un investissement de la population palestinienne d'Israël: elle doit s'impliquer dans le processus politique, exhiber ses muscles, et marginaliser les extrémistes, plutôt que de succomber à leur colère et se retrouver marginalisée.
L'un des facteurs clés expliquant la chute de Netanyahou a été l'implication limitée, mais significative du chef du parti politique arabe Ra'am, Mansour Abbas. Malgré les attaques vicieuses des extrémistes, et même une certaine opposition de la part des membres de son propre parti, Abbas a accepté de rejoindre la coalition de Bennett et de Yaïr Lapid pour renverser Netanyahou, et former un nouveau gouvernement.
Les critiques se sont focalisées sur l’alliance d'Abbas avec le Mouvement islamique: on l’a comparé au fondateur des Frères musulmans, qui sont à l'origine d'une grande partie de la violence en Égypte, et dans de nombreux autres pays arabes. Pourtant, ce mouvement embrasse l’islam wasatiyyah, qui signifie «modéré» en arabe. Il adopte une position centriste dans un environnement politique dominé par les extrémistes.
La mission des musulmans wasatiyyah est de propager des opinions modérées, dans l'espoir d'équilibrer les actes extrémistes et fanatiques de l'extrême droite, qui ont tout fait pour que la paix reste dans un état de mort cérébrale depuis des décennies. Indépendamment de ses croyances religieuses, des coups bas et des attaques dissimulées de ses détracteurs, Abbas est assez intelligent pour comprendre que travailler de l'intérieur est le seul moyen de changer un système politique, lorsque l’on représente environ 20% de la population du pays.
On constate un nouvel élan de paix qui prend de l’ampleur au Moyen-Orient, et qui inclut même des extrémistes comme Bennett, qui a l'habitude de faire des commentaires racistes sur les Palestiniens et les Arabes. S'il ne diverge peut-être pas beaucoup de Netanyahou en termes de rhétorique politique, Bennett s’en distingue sur une question clé: il a réussi à gagner le soutien clé d'un parti palestinien, lui donnant l'infime avantage nécessaire pour évincer Netanyahou, et former sa propre coalition au pouvoir.
Bien que beaucoup affirment que Netanyahou pourrait facilement revenir si cette coalition échouait, ce qui s’est passé met en danger l’ancien Premier ministre israélien de manière inédite. Il fait en effet face à trois inculpations pour corruption, et le système judiciaire pourrait commencer à agir plus rapidement, maintenant qu'il n'est plus au pouvoir.
Le changement de gouvernement constitue aussi une chance de redynamiser le mouvement en faveur de la paix. Il est en état d’hibernation depuis plus de deux décennies, après le meurtre d'Yitzhak Rabin par un colon juif extrémiste pro-Netanyahou en novembre 1995. Le mois dernier, nous avons assisté à une énorme manifestation à Jérusalem-Est, avec des Juifs israéliens et des Palestiniens marchant main dans la main, réclamant la justice, l'équité et la paix.
Les récentes violences entre Israël et le Hamas sont le résultat d'extrémistes exploitant le problème plus vaste des confiscations de terres aux Palestiniens – le fondement du mouvement raciste et illégal de colonisation. Exploitant les injustices de Cheikh Jarrah, comme il le fait toujours, le Hamas a tiré des roquettes sur Israël pour provoquer une riposte, et empêcher la paix. C'est ce que le Hamas sait faire de mieux: entrer dans le vif du conflit, et aggraver la situation.
Les principaux médias américains, partisans comme à leur habitude, ont contribué à l'extrémisme en déformant leurs reportages en faveur d'Israël. Malgré une légère augmentation des voix propalestiniennes en faveur de la paix dans la politique américaine, leur nombre reste faible. Elles visent juste, mais n’ont pas l’impact politique nécessaire pour apporter un réel changement. Toutefois, l'éviction de Netanyahou pourrait créer ce changement, en créant un gouffre qui saperait la dynamique extrémiste actuelle. Abbas fait partie de ce mouvement, tout comme les voix de la justice au Congrès américain, dont l’élue à la Chambre des représentants, Betty McCollum.
Le changement de gouvernement constitue aussi une chance de redynamiser le mouvement en faveur de la paix
Ray Hanania
Cet ajustement politique a été rendu possible par l’action de manifestants juifs et palestiniens en faveur de la paix, un phénomène qui pourrait menacer non seulement le système d’apartheid d’Israël, mais aussi la mainmise suffocante des extrémistes sur le mouvement pacifiste.
Malgré la haine et les tueries disproportionnées – bien plus de civils palestiniens ont péri dans le conflit que d'Israéliens –, les modérés se sont tenus la main tout en chantant la paix dans les rues de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est, où les violences ont émergé. Si les Palestiniens et les Israéliens peuvent s'unir pour faire taire les voix incitant à la haine des deux côtés, ils pourraient construire un nouveau mouvement œuvrant pour le compromis et une paix basée sur deux États.
Les perspectives sont incertaines: elles oscillent entre un certain optimisme et du fatalisme, mais une dose d’optimisme redonnerait de l'énergie à la dynamique de changement, et mettrait fin à l'incertitude politique qui a plané comme un nuage sombre sur un accord de paix définitif pendant le mandat de Netanyahou.
Cela ne veut pas dire que cela arrivera. Mais cela pourrait… Et c'est déjà bien plus que ce qu’a produit un leadership défaillant composé d’extrémistes alimentant la colère.
Ray Hanania est un ancien journaliste et chroniqueur politique plusieurs fois primé à l'Hôtel de ville de Chicago. Il peut être contacté sur son site Internet personnel à l'adresse suivante: www.Hanania.com. Twitter : @RayHanania
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com