Le point de vue dominant dans le monde arabe aujourd’hui est que le départ du plus ancien Premier Ministre israélien ne fera aucune différence, d’autant plus que Benjamin Netanyahou est remplacé par un autre extrémiste de droite hostile à la paix. Bien que cette idée ne soit pas totalement fausse, elle ne tient pas compte d'un certain nombre de changements importants qui auront lieu à la suite du départ de M. Netanyahou.
Contrairement au dernier gouvernement Netanyahou, qui avait joué un rôle d’intérimaire pendant deux ans, le nouveau gouvernement est une coalition qui nécessite le soutien constant de tous ses partenaires, y compris le parti arabe Ra'am dirigé par Mansour Abbas. Il est vrai que l'accord de coalition n'inclut aucune position sur les questions cruciales, mais le fait que n'importe quel membre de la coalition puisse faire tomber le gouvernement à tout moment signifie qu'aucune décision majeure ne sera prise. C’est à la fois une bonne et mauvaise chose. Cela signifie qu'il n'y aura pas de percée dans le processus de paix, mais cela exclut aussi très probablement toute guerre majeure ou expansion des colonies. Ce ne sont pas seulement les quatre membres du parti dirigé par M. Abbas à la Knesset qui pourraient faire tomber le gouvernement, qui survit avec une majorité d'un seul membre, mais aussi ceux du Parti travailliste et du parti de gauche Meretz.
Le fait que Benjamin Netanyahou soit désormais le chef de l'opposition garantira que les profondes divisions révélées lors de la récente guerre de 11 jours contre Gaza et les dernières années d'impasse politique due à son procès pénal referont surface.
Au niveau régional, il y a de fortes chances que le nouveau gouvernement ait de meilleures relations avec ses voisins immédiats, dont la Palestine, la Jordanie et l'Égypte. Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais le nouveau gouvernement israélien sera très probablement plus cohérent et fidèle envers les accords et engagements existants. À titre d’exemple, la Jordanie sera impatiente de rétablir la confiance avec un gouvernement israélien qui honorera l'accord parrainé par John Kerry sur la manière de maintenir le calme dans la mosquée Al-Aqsa. Les récentes attaques contre les fidèles et l'interdiction constante faite aux fidèles musulmans de fréquenter leur propre mosquée, associées aux effractions constantes de groupes juifs radicaux, seront certainement examinées et, espérons-le, traitées si la coalition Naftali Bennett-Yaïr Lapid espère avoir de bonnes relations avec la Jordanie. Le roi Abdallah a cessé pendant des années de prendre les appels téléphoniques de M. Netanyahou en raison des violations constantes par ce dernier des accords d'Al-Aqsa et d'autres engagements pris envers le roi.
Il y a de fortes chances que le nouveau gouvernement ait de meilleures relations avec ses voisins immédiats.
Daoud Kuttab
Mais le changement le plus important qui se produira peut-être dans les mois et les années à venir, si la coalition reste intacte, concerne l'image d'Israël dans la communauté internationale. Si la lutte entre la Palestine et Israël doit être principalement gagnée ou perdue sur le terrain des relations publiques, les Palestiniens auront bien plus de chances de porter atteinte à l'image d'Israël en l'absence d'un dirigeant israélien rusé. Benjamin Netanyahou a pu en effet, durant de nombreuses années, se frayer un chemin dans les cœurs et les esprits de nombreux pays occidentaux, en utilisant ses mensonges et sa capacité à affirmer la position qu'il voulait.
Il suffit de se rappeler que M. Netanyahou a réussi à convaincre le Congrès américain de l'inviter à s'exprimer contre un président en exercice lors d'une session conjointe des deux chambres pour comprendre la force de son pouvoir politique et de ses relations publiques. Non seulement un tel événement ne se reproduira pas avec les nouveaux dirigeants d'Israël, mais la Chambre des représentants contrôlée par les démocrates et un président démocrate ne permettront pas non plus au dirigeant d'un petit pays d'intervenir dans la politique intérieure des États-Unis. Si le président, Joe Biden, est un ardent défenseur d'Israël, il est également vrai que le Parti démocrate, avec sa faible majorité au Congrès, ne peut pas se permettre de contrarier son aile progressiste et le puissant mouvement Black Lives Matter, tous deux de fervents partisans des droits des Palestiniens.
Il est tout à fait exact que le nouveau Premier ministre israélien de droite, Naftali Bennett, et son improbable coalition d'idéologies opposées, n'apporteront aucun changement majeur à la politique israélienne. Mais il est tout aussi vrai que l'absence de M. Netanyahou et son importante emprise sur le pouvoir interne et externe, ainsi que ses fortes capacités d'influence, feront une différence en faveur des Palestiniens. Cette différence ne sera peut-être pas grande, et il est peu probable que nous assistions bientôt à des avancées majeures; il est également clair que l'époque durant laquelle les dirigeants israéliens commettaient des violations flagrantes des droits de l'homme et des crimes de guerre en toute impunité est apparemment révolue. Il ne fait donc aucun doute que la sortie de Benjamin Netanyahou est, en somme, plus favorable que défavorable aux droits des Palestiniens.
Daoud Kuttab est un journaliste palestinien plusieurs fois primé. Il a été professeur de journalisme Ferris à l'université de Princeton.
Twitter : @daoudkuttab
NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com