PARIS : Un ancien conseiller économique de Marine Le Pen, qui anime au RN un mouvement représentant les militants de confession juive, met en garde contre la présence, aux élections régionales et départementales, de candidats au passé "sulfureux", qui contredisent la stratégie de dédiabolisation du parti.
La présidente du Rassemblement national et candidate à l'Élysée a œuvré, dès son arrivée à la tête du FN (devenu RN) en 2011, à dédiaboliser le parti des accusations d'antisémitisme et de racisme, jusqu'à s'opposer violemment à son père, dont elle a condamné les dérapages sur la Shoah et qu'elle finira par exclure du parti en 2015.
Mais aujourd'hui un ancien conseiller, Jean-Richard Sulzer, dénonce un "noyautage néfaste". "Jamais mes coreligionnaires, qui t'adorent par ailleurs, ne voteront pour eux : tu risques de retrouver des bulletins panachés", prévient, dans un courriel à Marine Le Pen daté du 5 mai que l'AFP s'est procuré – confirmant des informations du JDD – ce conseiller régional sortant dans les Hauts-de-France, qui se présente cette fois aux départementales dans les Hauts-de-Seine.
M. Sulzer, membre du conseil national du RN (parlement du parti), a créé en 2019 le "Rassemblement national juif", renommé à la demande d'un avocat de Mme Le Pen "Cercle national juif France-Israël".
«Gesticulations»
Il cite les noms de la tête de liste en Bretagne et patron des fédérations du parti Gilles Pennelle, ancien militant du groupuscule néopaïen racialiste Terre et Peuple, du conseiller régional sortant en Ile-de-France Axel Loustau, ancien militant du syndicat étudiant d'ultradroite GUD, ou encore de Philippe Vardon, directeur de campagne de la tête de liste en Paca Thierry Mariani, ancien membre d'Unité radicale et des Identitaires.
M. Sulzer évoque aussi auprès de l'AFP Philippe Eymery, président du groupe RN dans les Hauts-de-France, proche des identitaires lillois.
"Il est clair que tous ces personnages, souvent adhérents de longue date, ont été mis très en avant malgré un passé un peu sulfureux (écrits, vidéos, tweets, posts, condamnations (...)", ajoute M. Sulzer dans son courriel à la cheffe du RN.
M. Loustau n'a pas été investi candidat, selon le RN. Ce proche de Marine Le Pen a précisé à l'AFP avoir exprimé le souhait il y a "plusieurs mois" de ne "pas briguer de nouveau mandat électif pour (se) recentrer sur ses activités professionnelles". Il dit avoir "découvert (les) pathétiques gesticulations" de M. Sulzer dans le JDD.
Mediapart avait diffusé deux photos datant de 2011 de M. Loustau bras tendu et main levée en affirmant qu'il s'agissait d'un salut "fasciste". Poursuivi en diffamation, le site d'information a été relaxé en appel en 2018.
«Néonazis»
Le parti assure que M. Sulzer est "seul" adhérent de son association, qui comptait huit participants à sa dernière réunion selon l'intéressé. M. Sulzer "ne parle que de lui et n'apporte aucun argument", ajoute le parti.
Ces candidats "ne doivent plus être soutenus par le RN", a précisé lundi à l'AFP M. Sulzer, qui confirme l'existence de ce mail et dénonce un "noyautage néfaste". Dans le Jerusalem Post début avril, il demandait "le retrait des néonazis des listes" à ces scrutins.
M. Sulzer affirme avoir "vu progressivement la commission d'investiture évincer tous les gens qui étaient d'origine israélite" et "laissé d'authentiques antisémites monter en grade".
"Il y a même quelqu'un qui a eu le culot de nous dire : +s'il y a des antisémites, vous n'avez qu'à quitter le RN+", s'émeut l'ancien assistant parlementaire de Gilbert Collard, qui reproche à Mme Le Pen de "ne pas faire suffisamment attention" aux candidatures.
Interrogé sur le passé radical de M. Vardon, Thierry Mariani a assuré lundi sur France Bleu que ce dernier avait "évolué".
"Quand on est jeune, on a le droit d'avoir des idées fermes, affirmées. Je trouve ça plutôt plus sympathique que les gens qui s'abrutissent sur leurs tablettes", a-t-il affirmé.
Le RN fait depuis plusieurs années les yeux doux à la communauté juive.
En juillet 2020, Marine Le Pen avait salué la "mémoire" des victimes de la rafle du Vel d'Hiv, après avoir suscité une polémique pendant la campagne présidentielle de 2017 en affirmant : "La France n'est pas responsable du Vel d'Hiv".