L'explosion à Natanz, le site d’enrichissement d’uranium en Iran, a suscité de nombreuses réflexions.
Le 11 avril 2021, une déflagration causait d'importants dégats aux centrifugeuses installées et en état de marche.L'incident a été attribué à Israël par les autorités iraniennes. Or, des destructions bien plus importantes se préparent.
Dans un article publié dans la revue étudiante iranienne, Basij Militia, on peut lire : « L'explosion de Natanz est matérielle, et tout le monde peut la constater. Mais personne ne voit la dangereuse explosion de neutrons des hypocrites (terme péjoratif pour désigner la princiaple opposition au régime iranien, les Moudjahidine du peuple – OMPI/MEK ), qui depuis 40 ans ne veulent rien d'autre que le renversement de la République islamique. »
« Une destruction bien plus importante est en chemin », poursuit le journal. Phrase clé pour comprendre l'impact destructeur de la plupart des politiques du régime. Dans son message de Nouvel An (le 20 mars) en Iran, Khamenei a annoncé une approche contractuelle parce que son régime avait connu deux soulèvements généralisés à l'échelle nationale en 2017 et 2019. Ces soulèvements ont pris la théocratie de court. En 2019, Khamenei a dû ordonner à ses gardes d'ouvrir le feu, tuant ainsi au moins 1500 manifestants. Plus que quiconque, Khamenei sait qu'en raison de la mauvaise gestion à tous les niveaux, la société est comme un baril de poudre, prête à exploser.
Khamenei est parfaitement au courant des unités de résistance. Leurs activités consistent notamment à brûler ses portraits tous les jours en Iran. L'armée des chômeurs et des affamés ne cesse de grandir, ce qui laisse présager un nouveau soulèvement. La faillite de l'économie a contribué à la disparition progressive de la classe moyenne. C’est pourquoi un autre soulèvement majeur est certain.
Cette menace imminente a obligé Khamenei à demander au Conseil des Gardiens (qui passe les candidats au filtre de la fidélité au guide suprême) de disqualifier la plupart des candidats de la faction rivale lors des législatives de 2018. En conséquence, la majorité du parlement actuel est constituée de fidèles de Khamenei. Ce dernier semble être sur le point de répéter le même processus lors du prochain scrutin présidentiel en juin. Il a martelé à de nombreuses reprises que son favori est celui qui possède la mentalité de Qassem Soleimani, le commandant de la force Qods éliminé en Irak en 2020.
S'il poursuit ce plan, Khamenei prend un risque considérable. Beaucoup de soi-disant réformistes qui occupent divers postes au sein du gouvernement se transformeront en opposants. Pour preuve, Faezeh Rafsandjani, la fille de Rafsandjani, l’ex-président et l’un des fondateurs de la République islamique décédé en 2017, a appelé avec sa famille au boycott électoral, affirmant que voter ne sert à rien.
Beaucoup de soi-disant réformistes qui occupent divers postes au sein du gouvernement se transformeront en opposants
Hamid Enayat
Khamenei pense qu'avec l'aide des gardiens de la révolution pour réprimer encore plus la population, il sera capable de contenir ou d'éteindre le volcan explosif de la société. Khamenei ne tient pas compte du fait que le peuple iranien est passé par les soulèvements massifs de 2017 et 2019. En outre, après le soulèvement de 2019, les activités des unités de résistance se sont étendues. Selon l'article précité, « nous assistons à une abondance d’armes de rébellion telles que Winchester, Colt, Klachinkof et Uzi à l'intérieur du pays. » A l’heure actuelle, le régime a la capacité de contenir des rassemblements et des manifestations sporadiques et de petite taille, mais sera-t-il capable de réprimer un soulèvement aussi généralisé que celui de 2019 ? Selon cet article, les forces de police n'ont plus de contrôle sur la vente d’armes en Iran.
Khamenei est actuellement aux prises avec une série de crises économiques et sociales et incapable d'offrir une solution autre que la répression et l'oppression. En Iran, le chômage fait rage, la pauvreté sévit, 80 % de la population est en-dessous du seuil de pauvreté. D'autre part, Khamenei a besoin d'un système de gouvernement monolithique pour pouvoir utiliser au maximum sa force répressive. Il doit jouir d’un contrôle total sans la moindre opposition.
Pour Khamenei, la survie de son régime est fondamentale. Pour ce faire, il devra peut-être démontrer sa volonté de négocier une version 2021 de l’Accord de Vienne sur le nucléaire (JCPOA) de 2015, dans laquelle les programmes de missiles balistiques de l'Iran, le terrorisme régional et les droits de l'homme seront inclus. Si c'est le cas, il préfèrera être celui qui dirige toutes les négociations au nom de l'Iran et avoir un président qui croit dans sa suprématie de guide, éliminant ainsi toute possibilité de mise à l’écart. Sur la base de cette logique, Khamenei se dirige vers un gouvernement sans opposition.
Parallèlement à la répression interne, Khamenei a besoin de la poursuite du terrorisme et de l'ingérence dans les pays de la région. À cet égard, il doit disposer d’un gouvernement uniforme. Un analyste proche du pouvoir avait déclaré le mois dernier que dans cette situation explosive, le régime devrait renoncer au rêve d'un califat islamique, c'est-à-dire son ingérence régionale.
Khamenei, cependant, pense qu'il peut empêcher l’éruption de mécontentement via diverses manœuvres parfois cruelles. Lorsque le coronavirus est entré en Iran, Khamenei a déclaré qu'il fallait en faire une opportunité et le considérer comme une bénédiction. Aucun protocole préventif n'a été mis en place pour ralentir la propagation du virus en Iran. Khamenei avait espéré faire du COVID-19 une préoccupation quotidienne pour la population pour la détourner de ses conditions économiques et de vie désastreuses. Pour cette raison, il a interdi l'importation en Iran de vaccins réputés des États-Unis, de Grande-Bretagne et de France. Le nombre réduit de vaccins chinois ou Spoutnik, moins réputés, empêche la société iranienne d'atteindre ce point d'ébullition. Cependant, la société iranienne approche du point post-COVID-19, où Khamenei et son régime seront être tenus pour responsables de toute une série de crimes, notamment l’hécatombe dus au coronavirus, le massacre de plus de 30.000 prisonniers politiques en 1988, et leur rôle dans la guerre meurtrière en Syrie.
Hamid Enayat est un expert de l'Iran et un écrivain basé à Paris, où il a fréquemment écrit sur les questions iraniennes et régionales au cours des trente dernières années.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.