En ce qui concerne les négociations sur l'accord nucléaire entre l'Iran et les États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et l’Allemagne (P5+1), la position des États-Unis sur la levée potentielle de ses sanctions est la question la plus importante pour le régime de Téhéran. En d'autres termes, les deux principaux acteurs des négociations nucléaires sont les États-Unis et la République islamique.
Les dirigeants iraniens sont conscients que le désir de l’Union européenne (UE) de voir les sanctions levées, sans le soutien des États-Unis, n’est pas bénéfique pour leur régime. Sous l'administration Trump, les Européens ont tenté de sauver l'accord nucléaire, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni mettant en place un mécanisme appelé «Instrument de soutien aux échanges commerciaux» (Instex).
Cette initiative visait principalement à contourner les sanctions américaines après que le président Donald Trump s’est retiré de l'accord nucléaire et que le département du Trésor a imposé des sanctions primaires et secondaires contre le régime iranien. Ces sanctions visaient un large éventail d'industries et de secteurs iraniens, notamment le système bancaire, les exportations de pétrole et les transactions monétaires.
Bien qu'Instex ait été conçu pour protéger l'Iran des sanctions américaines, il a échoué à le faire car l'administration Trump a clairement indiqué que toutes les entités américaines et non américaines engagées dans des relations commerciales avec le régime violeraient les sanctions.
Les dirigeants iraniens ont constaté que leur économie continuait de se détériorer malgré les tentatives d’apaisement de l’UE. Ils étaient furieux que les entreprises européennes ne soient pas disposées à mettre en péril leurs affaires avec les États-Unis ou leur accès aux systèmes financiers américains en traitant avec le régime iranien.
Le régime semble cependant gagner la bataille désormais, car l’administration Biden paraît dangereusement proche de céder aux demandes de Téhéran. Selon un rapport publié la semaine dernière, l'administration Biden envisage de lever des sanctions majeures contre le régime.
Les dirigeants iraniens ont été catégoriques tout au long des négociations indirectes à Vienne: ils veulent que toutes les sanctions soient levées afin de pouvoir revenir à l'accord sur le nucléaire. Au lieu de capitaliser sur l'influence critique qu’elle exerce sur le régime, l'administration Biden y renoncera si elle annule les sanctions. De la même façon qu’avec l'administration Obama, les dirigeants iraniens semblent avoir senti que l'administration Biden est prête à tout afin de parvenir à un accord.
De la même façon qu’avec l'administration Obama, les dirigeants iraniens semblent avoir senti que l'administration Biden est prête à tout afin de parvenir à un accord
Le Dr Majid Rafizadeh
Le plus choquant est que la Maison-Blanche serait même ouverte à la levée des sanctions qui ne sont pas liées au programme nucléaire iranien afin d’apaiser les dirigeants iraniens et de les persuader de rejoindre l’accord. Les sanctions non nucléaires comprennent celles liées aux activités terroristes de l’Iran, aux violations des droits de l’homme et au programme de missiles balistiques.
Associated Press a rapporté la semaine dernière que «les responsables américains ont refusé de discuter des sanctions dont la suppression est envisagée. Mais ils se sont déclarés ouverts à la levée de toute sanction incompatible avec l'accord sur le nucléaire ou qui privent l'Iran de l’aide auquel il aurait droit s'il revient au respect de l'accord. En raison de la nature complexe de l'architecture des sanctions, cela pourrait inclure des sanctions non nucléaires, telles que celles liées au terrorisme, à la mise au point de missiles et aux droits de l'homme.»
La levée des sanctions non nucléaires lors des pourparlers nucléaires a eu lieu pour la première fois sous l’administration Obama, lorsque les États-Unis ont cédé aux demandes des dirigeants iraniens et ont secrètement levé certaines des sanctions liées au terrorisme que l’Organisation des nations unies (ONU) et l’administration Bush avaient imposées au régime. L’administration Biden ne doit pas tenter de mélanger les sanctions imposées en raison du terrorisme iranien et des violations des droits de l’homme avec les sanctions nucléaires.
Les dirigeants iraniens se sont toujours accrochés à l'argument selon lequel ils ne discuteraient pas de leur programme de missiles balistiques pendant les pourparlers sur le nucléaire. Alors, pourquoi l'administration Biden est-elle ouverte à un assouplissement des sanctions sur ce programme si Téhéran n'est pas disposé à freiner ou même à discuter de ses missiles balistiques?
La position de l’administration Biden suggère également qu’elle est ouverte à la levée des sanctions contre le système financier et les banques iraniennes, alors que ces sanctions imposées à certaines banques iraniennes sont liées à leur rôle dans la facilitation du terrorisme.
Sous le mandat Trump, le département américain du Trésor a imposé des sanctions à 50 banques iraniennes et à leurs filiales étrangères et nationales, tout en «ciblant les abus du régime iranien via le secteur bancaire iranien pour financer ses activités de déstabilisation». Le département du Trésor avait ajouté que le régime iranien avait versé l'équivalent de milliards de dollars à la Force Al-Qods par le biais du secteur bancaire.
Cela signifie qu’en levant les sanctions contre les banques iraniennes et en permettant aux dirigeants du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) de faire des affaires, il n'y aura aucun mécanisme pour contrôler et stopper les activités illégales de l'Iran lorsqu'il s'agit de questions telles que son programme de missiles balistiques et ses activités terroristes.
L'administration Biden semble dangereusement proche de capituler devant le régime iranien. Ce serait un coup dur pour le peuple iranien, la région et la sécurité mondiale.
• Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français