La conférence de presse de l’Opep+ a représenté un exercice en « Zoom communications » qui mérite une analyse plus approfondie.
En raison des restrictions de voyages à l'échelle mondiale, la conférence virtuelle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a remplacé un rassemblement médiatique traditionnel, durant lequel les principaux acteurs font face à la presse et expliquent les décisions prises à huis clos.
Ainsi, la majeure partie de la rencontre a consisté à réitérer la logique qui sous-tend les décisions stratégiques prises lors de la rencontre. En tant qu'événement Opep+, il a été accueilli par les ministres des deux principaux acteurs de cette alliance — le prince Abdel Aziz ben Salman, ministre saoudien de l'Énergie, et son homologue russe Alexander Novak — soutenus par le dispositif de l'Opep.
Les messages phares de l'accord ont été martelés au cours de la séance de Questions et Réponses (Q&R) d'une heure : les réductions historiques convenues au mois d'avril seront prolongées d'un mois supplémentaire ; un accent rigoureux sera mis sur la nécessité d'amener les partenaires de l'Opep+ (le Mexique a été discrètement ignoré) à respecter l'objectif de 9,6 millions de barils ; et le mécanisme de supervision de l'Opep+, sous la forme d’un Comité ministériel conjoint de suivi (CMCS) qui surveillera de près tout éventuel retour en arrière.
C'est probablement quand les participants se sont écartés de leurs discours officiels que les nuances les plus intéressantes ont fait surface. Novak, par exemple, a déclaré que l'objectif de la politique Opep+ était de « trouver un point d'équilibre et de se stabiliser autour de ce dernier », ce que certains observateurs ont pris pour un désir d'obtenir le prix d’environ 43 $ le baril que dicte la planification économique de la Russie.
Mais c’est sans doute le ministre saoudien qui a volé la vedette avec sa série de remarques inattendues concernant la réaction du Royaume quelques semaines après la plus grande crise qui ait jamais frappé l'industrie pétrolière.
À la fin de la réunion, un appel a été lancé à plus de cent journalistes, leur demandant de faire preuve de plus d'équilibre dans leurs reportages sur l'industrie pétrolière. « Accordez-nous le bénéfice du doute. Je respecte votre droit de rapporter ce que vous pensez être juste, mais ce n'est pas la seule interprétation possible », a déclaré le prince. Attendons de voir comment cela va se passer…
Il y avait aussi cet aparté sincère : « Nous ne sommes pas des diplomates, nous sommes des pétroliers », en réponse à une question sur la façon dont l'Opep+ ferait respecter les engagements de conformité totale. Le ministre saoudien attend évidemment que l'Opep+ respecte à la lettre de l'accord d'avril, quels que soient les plaidoyers ou les circonstances particulières, même au risque de froisser les partenariats.
Mais le signe le plus clair de la façon dont l'Opep+ va fonctionner à l'avenir est peut-être apparu lorsque le prince Abdel Aziz a suggéré qu'il voulait apprendre des gouverneurs de banques centrales comment gérer une industrie en période de crise. « Les gouverneurs des banques centrales ont fait un excellent travail en 2008, et font de même aujourd'hui », a-t-il affirmé, ajoutant qu'Alan Greenspan, président de longue date de la Réserve fédérale américaine, était son « héros ».
Il est peu probable qu'il ait fait référence à l'assouplissement quantitatif, aux mesures de relance budgétaire, aux programmes d'achat d'obligations à haut risque ou à toute autre technique utilisée par les banques centrales du monde entier pour faire face aux effets de la crise pandémique.
Ses remarques faisaient plutôt allusion à la façon dont les banques centrales ont coordonné les politiques financières et économiques, au moins sur une base mensuelle. La supervision du JMMC s’inspirera probablement des rapports mensuels de la Réserve fédérale ou de la Banque d'Angleterre, qui donnent le ton, à travers une analyse minutieuse et détaillée des données économiques, aux politiques de gestion de crise entreprises par leurs gouvernements.
Cette approche peut faire couler beaucoup d’encre, surtout qu’une des critiques formulées à l'encontre des accords Opep+ dans le passé était la grande question des limites de production. A cet égard, peu d'attention avait été accordée aux modalités de mise en œuvre et de contrôle de ces accords.
La référence au modèle de « banque centrale » indique clairement que l'Arabie Saoudite souhaite que l'Opep+ adopte un régime plus rigoureux en matière de conformité et d'application. Comme l'a dit un commentateur après le webinaire de presse de l'Opep+ : « Il y a un nouveau shérif en ville. »
Frank Kane est un journaliste économique primé basé à Dubaï.
L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com