Elections présidentielles en Syrie : Rien de nouveau sous le soleil

Deux éclaireuses portant un portrait du président syrien Bashar al-Assad lors d'une procession orthodoxe du dimanche des Rameaux dans le quartier de Dwelaa, à Damas, la capitale, le 25 avril 2021. (Louai Beshara / AFP)
Deux éclaireuses portant un portrait du président syrien Bashar al-Assad lors d'une procession orthodoxe du dimanche des Rameaux dans le quartier de Dwelaa, à Damas, la capitale, le 25 avril 2021. (Louai Beshara / AFP)
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Publié le Lundi 03 mai 2021

Elections présidentielles en Syrie : Rien de nouveau sous le soleil

Elections présidentielles en Syrie : Rien de nouveau sous le soleil
  • Le 5 mai, le président syrien, Bachar el Assad, lancera sa campagne électorale
  • Linda Thomas, représentante des Etats-Unis à l’ONU, a déclaré : « Ces élections ne seront ni libres ni démocratiques, mais trafiquées et ne représentant pas le peuple syrien

Le délai de dépôt des candidatures pour la présidence syrienne a expiré mercredi dernier. Le 5 mai, le président syrien, Bachar el Assad, lancera sa campagne électorale.

Selon sa conseillère pour l’Information, Lona Chebel, « celui-ci ayant rempli les conditions constitutionnelles requises pour l’acceptation de sa candidature, a obtenu l’appui des membres du Parlement ». 51candidats se sont déjà présentés, dont 7 femmes, et il est déjà apparu, selon leurs réseaux sociaux et certaines de leurs déclarations, que la plupart d’entre eux appuient la candidature du président actuel.

Selon la Constitution amendée en 2012, tout candidat à la présidence doit résider en Syrie – certes dans les régions sous tutelle du régime – et il se doit d’obtenir l’aval de 35 députés au Parlement. Avant l’expiration du délai de dépôt des candidatures, beaucoup n’ont pas pu atteindre le nombre requis; ce qui a poussé la Cour Constitutionnelle à retarder l’annonce définitive des candidats acceptés, en vue d’une redistribution des votes parlementaires pour appuyer certaines candidatures. Ainsi, Assad ne resterait pas le seul en lice, et la fiction d’une compétition électorale légitime serait assurée.

Dans ce contexte, tout observateur de la crise syrienne, et surtout dans les capitales occidentales, sait que les résultats sont acquis d’office. Bachar el Assad  sera réélu, pour la seconde fois depuis le déclenchement de la révolution syrienne, le 15 mars 2011. La question n’est pas, pour Assad, tant dans la possibilité de se faire réélire que dans ce que les élections apporteront à l’évolution de la crise syrienne ;  surtout par rapport à une solution politique, encore en suspens, sans évolution aucune vers une solution éventuelle, des réformes politiques ainsi que d’autres échéances très importantes : le retour des déplacés et réfugiés  (leur nombre égalerait presque la moitié du peuple syrien), la réforme du système en entier et la reconstruction du pays ( nécessitant l’appui de la communauté mondiale et comptant beaucoup sur les pays arabes les plus riches).

« Tout observateur de la crise syrienne, et surtout dans les capitales occidentales, sait que les résultats sont acquis d’office »

Ali Hamade

Ces conditions sont encore à la case zéro alors que les principaux alliés du régime syrien, tels l’Iran et la Russie, proclament déjà  la fin de la guerre, bien que 37% des territoires syriens restent sous tutelles régionale et internationale – et ce par la présence des armées turque, russe, américaine, ainsi que de milices syriennes et autres présentes sur le terrain alors que l’espace aérien est toujours ouvert à Israël –.

De retour à la présidentielle, il va sans dire que les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, ne reconnaitront pas ses résultats qu’ils considèrent comme fictifs.

Linda Thomas, représentante des  Etats-Unis à l’ONU, a déclaré : « Ces élections ne seront ni libres ni démocratiques, mais trafiquées et ne représentant pas le peuple syrien. Selon la résolution 2254 de l’ONU en 2015, les élections doivent se dérouler sous la supervision de l’ONU  et d’après une nouvelle constitution –  non selon celle de 2012, unilatéralement décidée par le régime –. Celui-ci devrait entreprendre les  mesures nécessaires pour permettre le vote des déplacés et réfugiés syriens ». Et de rajouter : « Pour rappel, les Etats-Unis n’encourageront aucune aide à la reconstruction, profitant au régime, en l’absence de tout progrès dans les réformes politiques, citées dans la résolution 2254 ».

Cette position US est appuyée par l’Europe, surtout la France et la Grande-Bretagne.

A l’opposé, les Russes appuient les élections présidentielles syriennes. M. Vassili Nipizia, représentant de la Russie à l’ONU, a assuré « qu’il est triste que certains pays refusent l’idée même de ces élections, les ayant déclarées illégitimes. Cette interférence dans les affaires internes syriennes est inacceptable ».

D’un autre côté, l’ONU considère, d’après la 2254, par la voix de Geir Pederson, son envoyé spécial en Syrie : « Ces élections ne font pas partie intégrante du processus politique créé par la 2254. L’ONU ne participe pas à ces élections et n’a aucune mission pour le faire.  La 2254 enjoint aux Nations Unies de faciliter le processus politique en vue d’élections libres et démocratiques, selon une nouvelle constitution parrainée par l’ONU, et régie par les standards les plus élevés de la transparence, avec la participation de tous les Syriens – diaspora incluse –.

Sur base de ces positions internationales, il est certain que ces élections, décidées unilatéralement par le régime syrien, se dérouleront dans une large atmosphère  de boycott international et ce, malgré les positions russe, chinoise, iranienne et autres. Ce boycott occidental,  considérant ces élections illégitimes car ne résultant pas d’un processus politique global, gèlerait la situation en Syrie,  empêcherait le retour rapide des déplacés et réfugiés et éliminerait toute large entente internationale autour du programme de la reconstruction. Les pays, pouvant intervenir dans ce processus, considèrent ces élections nulles et non avenues dès le départ. L’ONU se déclare non concernée. Ainsi, l’élection de Bachar el Assad, prévue pour le 26 mai, provoquerait une prolongation de la crise, ne modifiant en rien le dossier syrien. L’envoi d’observateurs pour accompagner les élections, de la part de pays amis – la Douma russe, le Conseil Suprême islamique iranien, l’Assemblée nationale vénézuélienne et même le Parlement biélorusse, ne procurera pas la légitimité nécessaire à Assad.

Assad ou autre a besoin d’une légitimité internationale et arabe, non acquise jusqu’à présent, surtout que le processus politique, mondialement reconnu d’après la 2254, n’est pas accompli et reste en attente de la solution régionale.

Rien de nouveau sous le soleil !

 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban.

Twitter: @AliNahar