PARIS: Le gouvernement a installé depuis mardi et jusqu'à l'été des « états généraux de la laïcité » avec pour objectifs de toucher la jeunesse et d'avoir un débat apaisé sur ce sujet sensible, mais à peine annoncés, ils ont déjà été largement critiqués comme un coup médiatique.
En Direct: Marlène Schiappa lance les états généraux de la laïcitéEn direct : Lancement des Etats-généraux de la laïcité au Conservatoire national des arts et métiers à Paris, avec Marlène Schiappa ministre déléguée à la Citoyenneté
Posted by Arab News en français on Tuesday, April 20, 2021
Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, les a lancé mardi matin par une « conférence de haut niveau » au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à Paris, à laquelle participaient notamment l'essayiste Caroline Fourest et les philosophes Henri Pena Ruiz et Gaspard Koenig.
L'académicienne Barbara Cassin ou l'avocat Richard Malka se sont également joints aux débats. Car jusqu'à l’été vont se tenir « des tables rondes et des groupes de travail sur la liberté d’expression, la recherche, la jeunesse, l’intégration citoyenne », avait indiqué Schiappa dans Le Journal du dimanche.
Des « cartes blanches » vont aussi être confiées à des associations, comme à la Licra. Une « grande consultation » sera en outre lancée auprès de 50 000 jeunes, accessible à l'adresse laïcité.make.org
« C’est un sujet de passion. L’idée est de dire : parlons-en ensemble et écoutons-nous », a défendu Schiappa.
La question de la laïcité à la française, sensible, oppose régulièrement deux camps. Les partisans du respect de la liberté religieuse tant qu'elle ne trouble pas l'ordre public, d'une part ; les tenants d'une limitation plus poussée de la liberté religieuse, notamment du port de signes religieux comme le voile, d'autre part.
Parmi les seconds, la concurrence est rude entre ministres faisant assaut de propositions, tel Gérald Darmanin à l'Intérieur, pour qui la laïcité doit être le « remède » pour soigner un pays « malade » du séparatisme islamiste. Mais aussi le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, qui a confié au Monde vouloir lancer un think tank sur la laïcité en vue de la présidentielle de 2022.
Marlène Schiappa, ministre sous tutelle de Darmanin, occupe le terrain et fait des propositions pour remplacer l'Observatoire de la laïcité. Cette instance présidée pendant huit ans par l'ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco est accusée par certains politiques ou membres du Printemps républicains d'avoir été trop laxiste contre l'islamisme. Matignon doit annoncer dans les prochaines semaines le nouveau dispositif qui succédera à l'Observatoire.
« Agitation médiatique »
A peine annoncés, ces états généraux étaient déjà sous le feu des critiques.
« On ne fait pas un débat après une loi », a ainsi dénoncé lundi sur France Info l'eurodéputé EELV Yannick Jadot, en référence au projet de loi luttant contre le « séparatisme » adopté en première lecture la semaine dernière par le Sénat et voulu comme un marqueur du quinquennat Macron.
Alors que Marlène Schiappa a annoncé vouloir « sortir de la tenaille entre d’un côté les identitaires d’extrême droite et de l’autre les indigénistes et Europe Écologie-Les Verts », l'élu écologiste a demandé sur Twitter que cessent « les insultes » de la ministre.
« Marlène Schiappa lance les états généraux de la laïcité après que son gouvernement en a fait un outil de stigmatisation des musulmans » avec la loi « séparatisme », a aussi estimé la sénatrice (EELV) Esther Benbassa.
La CFDT a demandé d'« arrêter de faire de la laïcité un objet d'agitation médiatique permanent ». Le syndicat de Laurent Berger, invité par la ministre, lui a fait savoir que « ce genre d’initiative était mal choisie alors que la loi » contre le séparatisme « est encore dans les tuyaux (et pose bien des problèmes) ».
« On prépare le terrain pour remplacer l’Observatoire de la laïcité, qui faisait un excellent travail (...) par un nouvel organe à la solde du gouvernement », a jugé Aurélien Taché, député ex-LREM, présentant ces états généraux comme « une opération de communication grotesque ».
Le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), Mario Stasi, qui y participera, s'est placé, lui, sur le terrain de l'apaisement.
« Si le débat de déplace de ce déversoir de haine, d'invectives que sont les réseaux sociaux, vers un travail approfondi mettant côte à côte différentes approches de la laïcité » et permettant de « sortir avec des propositions concrètes dans le respect de la loi 1905, si c'est cela les Etats généraux, je n'y vois que des avantages », a dit Stasi.