PARIS: Un collectif de 119 universitaires met en garde le gouvernement français contre la tentation de faire de la laïcité "un outil répressif, de contrôle et d'interdiction", alors que le mandat du président de l'Observatoire de la laïcité arrive à son terme.
Parmi les signataires de cette tribune publiée dans Le Monde de mercredi figurent Olivier Roy, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), Philippe Portier, de l'Ecole pratique des Hautes études, Jean Baubérot, sociologue des religions, Rachid Benzine, chercheur islamologue et Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions.
La ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a présenté la semaine dernière des "pistes de travail" pour "faire évoluer le portage de la laïcité", soulignant que cela ne passerait "pas nécessairement par le maintien de l'Observatoire de la laïcité", dont le mandat du président Jean-Louis Bianco expire ce mois-ci.
Elle a plaidé pour un système à double étage avec "un renfort au niveau de l'administration" et "une instance de type haut conseil à la laïcité", tout en soulignant que le Premier ministre devait arbitrer dans "les prochaines semaines".
Dans la tribune, les universitaires déplorent qu'une "tendance s’exprime bruyamment pour élargir, sous prétexte de laïcité, le domaine d’application de la neutralité du seul Etat à la société en son entier. Cela pourrait inclure les usagers des services publics, les entreprises privées, les associations d’intérêt général, les voies publiques, les parents accompagnateurs de sorties scolaires...".
"Cela reviendrait", ajoutent-ils, "à faire des croyances et des convictions (...) une affaire intime, condamnées à disparaître de l’espace démocratique".
"Ces restrictions de l’expression des convictions dans l’espace public provoqueraient, par ricochet, la réduction progressive d’autres droits et libertés, qui nous sont pourtant si chers. Cette nouvelle laïcité deviendrait un outil répressif, de contrôle et d’interdiction, en contradiction totale avec son projet initial et avec la loi de 1905", séparant les Eglises et l'Etat, selon eux.
Les signataires regrettent que l'Observatoire de la laïcité "se trouve menacé de fermeture (...) alors que pour tout ce qui concerne les réponses quotidiennes à apporter aux acteurs de terrain et aux administrations, (il) est reconnu de tous comme un excellent opérateur, donnant suite aux questions posées dans un délai minimal".
Ils craignent qu'"à côté de cette nouvelle +administration+" annoncée par Mme Schiappa, "dont on peut craindre une récupération politicienne", soit installé un +haut conseil à la laïcité+ chargé de conseiller le gouvernement, dont les membres seraient également nommés par lui."
Et de plaider: "Ne faisons pas porter à l’Observatoire, et à la laïcité en général, ce qui n’en relève pas, à savoir la lutte directe contre le terrorisme".