PARIS: C’est un camouflet que les jeunes français adressent au principe de laïcité si cher à la France, à travers un sondage effectué par l’institut Ifop, qui montre qu’ils approuvent majoritairement l’expression de la religiosité dans l’espace public.
Le sondage effectué pour le compte de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), auprès d’un échantillon de 1 006 lycéens âges de 15 à 17 ans, constitue une rupture avec la tendance à bannir tout signe d’appartenance religieuse dans la sphère publique.
Les résultats de ce sondage sont d’autant plus étonnants, puisqu’ils surviennent en plein débat sur «l’islamogauchisme», ainsi que sur le projet de loi sur la lutte contre le séparatisme.
Le sondage indique qu’une majorité de lycéens est favorable au port des signes religieux à l’école.
Ils seraient 56 % en milieu lycéen contre 26 % pour l’ensemble des Français.
L’abrogation de la loi de 2004 sur le port des signes religieux à l’école est approuvée par 88 % des lycéens musulmans.
Toujours selon le sondage, 52 % des lycéens seraient favorables au port des signes religieux dans les services publics en général contre 25 % pour l’ensemble des Français.
37 % des lycéens sondés estiment que l’interdiction des signes religieux à l’école et du voile intégral dans l’espace public, stipulée par la loi de 2010, est discriminatoire à l’égard des musulmans.
Concernant la liberté de blasphémer, 49 % des lycéens approuvent la publication des caricatures du Prophète contre 59 % pour l’ensemble de la population.
Ces résultats s’inscrivent dans la continuité d’un précédent sondage Ifop de novembre dernier sur un échantillon de jeunes âgés de 18 à 30 ans.
Ces derniers étaient également en rupture avec le reste de la population sur les mêmes sujets clés, soit la laïcité, la liberté d’expression et la place de la religion dans la sphère publique.
Comment interpréter ces résultats ?
Selon l’Ifop, «la population scolarisée apparaît imprégnée d’une vision très inclusive de la laïcité, dans laquelle celle-ci est réduite au principe de neutralité de l’État tout en étant associée à une grande tolérance à l’égard des manifestations de religiosité dans l’espace scolaire.»
L’institut relève par ailleurs que les jeunes s’avèrent particulièrement hostiles aux critiques pouvant heurter la sensibilité des minorités.
Pour le sociologue Éric Fassin, cité par le quotidien 20 minutes, il s’agit d’un fossé générationnel concernant la perception des mêmes faits vécus par les citoyens d’un même pays.
Il estime que «les jeunes sont beaucoup plus du côté de la laïcité, c’est-à-dire qu’ils ne pensent pas à une religion en particulier, mais aux religions en général, alors que les vieux pensent beaucoup plus à une religion en particulier, et c’est l’islam».
Éric Fassin va encore plus loin en soutenant que «les discours dominants dans l’espace public ont des effets pervers. Il y a toute une génération qui, dès qu’elle entend “laïcité”, comprend immédiatement qu’on va lui parler de l’islam.»
Ces jeunes, selon le sociologue, «réclament l’égalité pour les religions, cela ne veut pas dire les reconnaître toutes, mais n’en discriminer aucune».
Les jeunes Français seraient donc plus tolérants et moins radicaux que leurs aînés s’agissant de la laïcité «à la française».
Cette laïcité qui est une spécificité de la France consiste à repousser le fait religieux hors de la sphère publique à la faveur d’une politique d’assimilation visant à enfermer toute aspérité religieuse ou ethnique dans la seule sphère privée.
C’est l’échec de ce modèle auquel on a pu assister à travers le départ de jeunes Français pour combattre dans les rangs de Daech au Proche-Orient.
C’est également l’échec de l’apprentissage de la laïcité, rôle dévoué à l’école publique que l’on constate avec ce dernier sondage.