BEYROUTH: Le sous-secrétaire d'État américain aux affaires politiques, David Hale, a lancé un avertissement contre «ceux qui continuent d'entraver les progrès du programme de réforme».
Ceux-là «mettent en péril leurs relations avec les États-Unis et nos partenaires et ils encourent des mesures punitives», poursuit Hale. «Ceux qui facilitent les progrès peuvent être sûrs de notre solide soutien».
La déclaration de Hale a eu lieu après sa rencontre de jeudi avec le président libanais Michel Aoun.
Les conflits ont empêché jusque-là le premier ministre désigné, Saad Hariri, de former un gouvernement de sauvetage composé de technocrates non partisans, afin de mettre en œuvre les réformes exigées par la communauté internationale.
Le camp du président Aoun et ses partisans s’opposent toujours à la dernière mouture présentée par Hariri en décembre dernier. Représentés par le Courant patriotique libre (CPL), exigent le pouvoir de nommer des ministres chrétiens dans le gouvernement, en plus du tiers de blocage. Le Hezbollah, qui soutient un gouvernement techno-politique, s’accroche également à certaines de ces revendications.
L'administration américaine a récemment imposé des sanctions au chef du CPL, Gebran Bassil, l’accusant de corruption.
Hale précise qu’il est venu au Liban «à la demande du Secrétaire Blinken pour souligner l’engagement constant de l’administration Biden envers le peuple libanais et notre désir commun de stabilité et de prospérité au Liban».
Hale a par ailleurs à nouveau condamné l’attitude de la sphère politique au pouvoir.
«Le peuple libanais souffre énormément. Il souffre parce que les leaders libanais n’assument pas leur responsabilité de prioriser les intérêts du pays et de s’attaquer aux problèmes socio-économiques croissants», a-t-il souligné.
Hale a évoqué ses deux précédentes visites au Liban, qui se sont déroulées en décembre 2019 et en août 2020. «J'ai entendu à l’époque un indéniable appel au changement de la part de Libanais de tous horizons. Ces exigences sont universelles: la transparence, la responsabilité et la fin de la corruption endémique et de la mauvaise gestion à l’origine de ces souffrances. Si ces demandes avaient été réglées, le Liban serait à la veille de réaliser son immense potentiel. Pourtant, aujourd'hui, il y a eu très peu de progrès. Mais il n’est pas trop tard».
Hale a renouvelé son appel aux leaders libanais «pour qu’ils fassent preuve d’assez de flexibilité afin de former un gouvernement disposé et capable de changer le cours l’effondrement actuel».
«Le moment est venu pour former un gouvernement, non pas l’entraver. Le moment est venu pour former un gouvernement. Le moment est venu pour procéder à une réforme globale. Les États-Unis et la communauté internationale sont prêts à aider. Mais nous ne pouvons pas aider, comme je l’ai dit hier, sans un partenaire au Liban».
«L’accumulation d’armes dangereuses par le Hezbollah, la contrebande et d’autres activités illicites et corrompues sapent les efforts des institutions légitimes de l’État», explique Hale dans une critique direct au parti pro-iranien.
«Ils privent les Libanais de la capacité de construire un pays pacifique et prospère. Et c'est évidemment l'Iran qui alimente et finance ce défi à l'État et cette déformation de la vie politique libanaise. Ceci m’amène aux négociations renouvelées des États-Unis sur le programme nucléaire iranien. Un retour mutuel au respect de l'accord sur le nucléaire iranien est dans notre intérêt et dans celui de la stabilité régionale, mais ce ne serait que le début de nos efforts. Alors que nous abordons les autres éléments du comportement perturbateur de l’Iran, les États-Unis n’abandonneront pas leurs intérêts et leurs amis ici au Liban».
Hale, décrit au Liban comme le parrain du cadre des négociations sur la démarcation des frontières sud du Liban avec Israël, souligne que «les États-Unis sont prêts à modérer les négociations sur la frontière maritime entre le Liban et Israël en se basant sur nos engagements en vue de ces discussions».
L’insistance de Hale à modérer les négociations avec Israël «en se basant sur les engagements que (…) pour lancer ces discussions» vient en réponse à la demande du Liban, lors des négociations techniques libano-israéliennes de 2020, de modifier la zone qu’il entend récupérer en raison d’une erreur de calcul. Le rectificatif indique une superficie de 2 290 km2 au lieu d'une 860 km2. Cette expansion découle d'un effort de l'armée libanaise en 2019 pour délimiter les frontières maritimes.
Le Liban a rédigé un décret pour modifier cette zone afin de le soumettre à l'ONU.
Ce décret n'a pas encore été signé par Aoun, en attendant l'approbation du cabinet. Toutefois, le premier ministre par intérim Hassan Diab refuse de réunir le cabinet, en raison de l’illégalité d’une telle session.
À la suite de la déclaration de Hale, Aoun a souligné «l’importance de poursuivre les négociations sur la démarcation des frontières maritimes entre le Liban et Israël, et de remplir le rôle des États-Unis en tant que médiateur honnête et juste».
Aoun a aussi affirmé que le «Liban a le plein droit de faire évoluer sa position en fonction de ses intérêts, et conformément au droit international et aux principes constitutionnels».
Aoun a appelé à «nommer des experts internationaux pour délimiter les frontières entre le Liban et Israël». Il réclame aussi que Tel-Aviv s’engage à s'abstenir de toute activité de prospection dans le champ Karish et les eaux adjacentes».
Aoun assure qu'il n'abandonnerait pas «la souveraineté, les droits et les intérêts du Liban», et qu'il «ferait tout son possible pour que la démarcation des frontières soit un sujet de consensus entre les Libanais et non un sujet de division, dans le but de renforcer la position du Liban dans les négociations».
La rencontre de Hale avec le commandant de l’armée libanaise, le général Joseph Aoun, a porté sur «la mesure dans laquelle l’armée a été affectée par la décision de rationalisation des dépenses approuvée et son impact sur l’exécution des grandes tâches qui lui ont été confiées».
Les réunions de Hale à Beyrouth coïncident avec la visite de Hariri à Moscou. Le Kremlin a annoncé jeudi qu'un appel téléphonique a eu lieu entre le président Vladimir Poutine et Hariri, qui était présent au ministère russe des Affaires étrangères. L'appel a duré 50 minutes.
Selon la déclaration du Kremlin, Hariri a informé Poutine des développements internes et des mesures initiales pour former un gouvernement et surmonter la crise économique. La Russie a affirmé sa position ferme en faveur de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du Liban.
Une source au sein de la délégation libanaise à Moscou a déclaré à Arab News que l'appel entre Poutine et Hariri était «excellent en ce qui concerne la crise gouvernementale, indiquant que le gouvernement devrait être formé dès que possible».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com