Le conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a tenu sa réunion trimestrielle la semaine dernière. Une rencontre parmi d’autres événements simultanés qui ont permis de formuler des recommandations sur la manière avec laquelle la communauté internationale devrait aborder le développement nucléaire du régime iranien et ses autres activités hostiles.
Pendant ce temps, et sans tenir compte des tensions sous-jacente autour de questions telles que l'accord nucléaire iranien de 2015, les leaders politiques et commerciaux européens ont rencontré virtuellement leurs homologues iraniens dans le cadre du Forum des affaires Europe-Iran ce mois-ci. Un événement de trois jours, parrainé par l'UE, afin d’approfondir les relations commerciales bilatérales.
Bien que le régime iranien ait réduit sa coopération avec les inspecteurs de l'AIEA, les leaders britanniques, français et allemands se sont abstenus de condamner Téhéran. Un ancien membre du Parlement européen, Struan Stevenson, a critiqué à juste titre les gouvernements européens qui ont cherché à faire des affaires avec le régime iranien alors qu’il poursuit sa quête pour acquérir les armes nucléaires. Stevenson a déclaré la semaine dernière lors d'une réunion du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI): «Il ne doit y avoir aucune levée des sanctions tant que toutes les activités nucléaires clandestines, toute implication dans des guerres étrangères, ainsi que la répression intérieure n'ont pas pris fin». Il a par ailleurs explicitement mentionné le Forum des affaires Europe-Iran comme exemple de politique qui démontre que les leaders occidentaux semblent tout à fait «inconscients» face aux menaces réelles de Téhéran.
Les politiques indulgentes menées par l'UE et l'AIEA à l'égard de Téhéran constituent certainement une bonne nouvelle pour les leaders iraniens, qui cherchent désespérément à revenir à l'accord nucléaire déficient de 2015, ainsi qu’à voir toutes les sanctions actuelles contre leur gouvernement levées. La levée des sanctions fournirait sûrement au régime théocratique les fonds dont il a besoin pour accroître ses ambitions hégémoniques et son aventurisme militaire au Moyen-Orient.
Il est essentiel de souligner que non seulement le régime iranien a réduit sa coopération avec les inspecteurs de l’AIEA, mais qu’il dissimule plus que probablement des informations sur tous les aspects de son programme nucléaire. A titre d’exemple, de nouvelles informations ont été publiées la semaine dernière à propos d’Abadeh, un important site nucléaire iranien, lors d'une conférence de presse organisée par le CNRI. Ce groupe d’opposition a été le premier à révéler les activités nucléaires clandestines de l’Iran sur deux autres sites importants, Natanz et Arak.
Le site d’Abadeh a été construit au milieu des années 90 par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), pour être ensuite géré par l’Organisation pour l’innovation et la recherche défensive (SPND), la principale entité en charge du programme d’armes nucléaires du régime iranien. Abadeh a accueilli un projet connu sous le nom de «Marivan», selon Ali Safavi du CNRI. Ces conclusions auraient été obtenues du réseau social de la plus grande organisation constitutive du CNRI, Mujahedin-e-Khalq, qui a apparemment des partisans au sein des institutions du régime.
L’AIEA doit prendre plus au sérieux les activités de l’Iran sur le site d’Abadeh. Ce site nucléaire a été construit spécifiquement pour une filiale du SPND, le METFAZ, spécialisée dans la recherche et la construction de détonateurs explosifs.
Quand le CGRI a découvert que des informations relatives au site avaient été divulguées en juillet 2019, il a détruit ses installations du jour au lendemain. Téhéran n'a rendu le site accessible à l'AIEA qu'en août 2020, plus d'un an après l'avoir complètement nettoyé. Un rapport publié par l'AIEA le mois dernier a montré que des particules d'uranium anthropiques ont été trouvées sur deux sites en Iran.
Le régime cache plus que probablement des informations sur tous les aspects de son programme nucléaire.
Dr. Majid Rafizadeh
Le régime iranien a mis en place plusieurs sociétés de façade dans le but d’acheter des composantes techniques, effectuer des recherches et des tests, et récolter des fonds pour une utilisation exclusive dans le cadre de son programme nucléaire. En d’autres termes, ce régime a jeté les bases de la poursuite des activités liées au programme d’armes nucléaires de Téhéran ainsi qu’aux objectifs du SPND.
Robert Joseph, l'ancien envoyé spécial des États-Unis pour la non-prolifération nucléaire, note que l'un des principaux points à retenir des nouvelles révélations sur Abadeh est que les États-Unis et l'Europe «ne peuvent tout simplement pas faire des affaires avec ce régime», car «espérer un changement dans son comportement n’est qu’un faux espoir».
Ce sentiment est, bien entendu, en contradiction avec le Forum des affaires Iran-Europe, où les délégués ont entendu un message du chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell. Le CNRI et ses partisans dans le monde peuvent faire valoir que Téhéran est par nature indigne de confiance et pointer les conclusions de l’AIEA du doigt, et il serait intéressant d’écouter les arguments du camp adverse… si argument il y a.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com