Abou Leïla, une fable cinématographique poignante sur la décennie noire en Algérie

Dans une rue d’Alger, un avocat, qui se rend à son travail, est assassiné devant son domicile. L’action se poursuit avec l’apparition soudaine d’une voiture de police qui surgit en marche arrière (Photo, Festival de Cannes, Semaine de la critique).
Dans une rue d’Alger, un avocat, qui se rend à son travail, est assassiné devant son domicile. L’action se poursuit avec l’apparition soudaine d’une voiture de police qui surgit en marche arrière (Photo, Festival de Cannes, Semaine de la critique).
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Publié le Jeudi 13 août 2020

Abou Leïla, une fable cinématographique poignante sur la décennie noire en Algérie

  • Abou Leila, le premier long métrage d’Amin Sidi-Boumédiène, a été révélé lors de la semaine de la critique, la section parallèle du festival de Cannes en 2019 
  • C’est un film poignant qui évoque l’Algérie des années 1990, minée par la violence du terrorisme islamiste

PARIS : Le long métrage est captivant dès les premières séquences. Intenses, vives, elles entraînent le spectateur dans un tourbillon d’émotions. Cela se passe en 1994, au cœur de la tragédie des années de braise. La première scène va droit au cœur du sujet : un assassinat ciblé qui d’emblée suggère le traumatisme de la décennie noire.

Dans une rue d’Alger, un avocat, qui se rend à son travail, est assassiné devant son domicile. L’action se poursuit avec l’apparition soudaine d’une voiture de police qui surgit en marche arrière, des échanges de coups de feu s’ensuivent, mais l’assassin réussit à prendre la fuite. La traque commence… Elle est menée par deux personnages qui se dirigent vers l’immensité du désert à la recherche d’Abou Leila, ce présumé terroriste auteur du crime. 

À ce stade, le spectateur ignore l’identité des deux hommes. Sont-ils des policiers ou des terroristes ? L’histoire, complexe et intrigante, est tournée dans un désert envoûtant avec ses dunes de sable doré et son soleil éclatant. On découvre que les deux personnages du film, Lotfi et S, interprétés respectivement par Lyes Salem et Slimane Benouari, sont des amis d’enfance. Le premier, Lotfi, s’engage dans ce périple pour protéger son ami S de lui-même. Car S est un personnage complexe, traumatisé et tourmenté par des douleurs, des souvenirs en flash-back et des cauchemars. Ces troubles enfouis dans sa mémoire ressurgissent via des hallucinations violentes qui illustrent parfaitement l’Algérie meurtrie par le terrorisme de la décennie noire. Le scénario est ainsi ficelé, entre songe et réalité, énigme et révélation, drame et survie. Résultat : on ne quitte pas l’écran des yeux, on suit l’histoire marquée par la terreur, la complexité du contexte et la tragédie qui s’y déroule.  

« Le réalisateur t’emmène dans son délire, tu ressens l’évolution de ses hallucinations jusqu’au paroxysme. Tu passes du réel à l’univers onirique. La mise en scène, les lumières et les sons sont tels que tu n’arrives pas à prendre de la distance avec son cheminement. Le délire et la réalité se confondent. C’est une allégorie sur la métamorphose d’un individu. Les sensations du spectateur sont exacerbées. Ce film nous pousse à réfléchir », nous confirme Adel Benadouda, un artiste militant qui a assisté à la projection du film en avant-première.  

Cri du cœur et force visuelle
« Le film nous fait entrer dans la sensibilité des personnages, dans leur regard, dans leur histoire. C’est aussi l’Algérie des années 1990, dominée par la violence. Et c’est aussi un peu l’Algérie d’aujourd’hui, marquée par des traumatismes qui ne sont pas guéris, ni pris en charge… Mais mon film parle de l’humanité au sens le plus large, de n’importe quel pays plongé dans la violence, où l’être humain fait l’expérience d’une réalité oppressante, traumatisante, qui peut le rendre fou », explique Amin Sidi-Boumédiène, dans un entretien accordé au magazine français Télérama. 

Il faut dire que les Algériens évoquent cette nécessité de parler des années 1990, une période sombre qui a laissé des séquelles indélébiles sur les familles, sur la société toute entière. « Ce film est un cri du cœur, j’ai voulu réunir toutes les forces qui ont assailli les Algériens, qu’elles soient négatives ou positives … Tourner Abou Leila était une nécessité », souligne Amin Sidi-Boumédiène

La décennie noire s’illustre de deux manières dans le film : l’extrême violence des années 90 se retrouve d’une part dans la réalisation – cadrage, scénographie, sons – mais également dans l’interprétation – émotions fortes et complexes des personnages principaux.

« J’ai suivi une ligne non pas narrative mais émotionnelle, pour être proche des personnages, sans anticiper ni forcer des informations parce que le récit l’exigerait. On suit leur inconscient, et on peut se perdre, car le film n’explique pas ce qui est de l’ordre du rêve et ce qui ne l’est pas. Le personnage lui-même ne le sait pas. Il fallait laisser les choses affleurer, en faisant confiance au spectateur, a expliqué le réalisateur. Si la magie s’opère, c’est grâce aux deux acteurs, qui apportent du vivant et de l’humanité là où les idées et la mise en scène vont vers quelque chose de froid et de conceptuel. » 

Abou Leila se caractérise aussi par son univers de polar noir, avec une mise en scène imposante, un rythme effréné, des images puissantes et une musique anxiogène. La prise de vue a été confiée au directeur de la photographie japonais Kanamé Onoyama, qui dispose d’une solide réputation dans le tournage de publicités et de clips. 

Il faut dire que la nouvelle vague du cinéma algérien est prometteuse. De jeunes cinéastes abordent avec lucidité et subjectivité l’histoire contemporaine de l’Algérie. « Mon film n’est pas une reconstitution historique. C’est la dimension émotionnelle qui m’importe le plus », a affirmé Amin Sidi- Boumediene. Le film rappelle que le premier pays à avoir été touché par le terrorisme islamiste est un pays musulman. » 

Madjid, un cinéphile franco-algérien que nous avons rencontré lors de la projection du film, nous confie qu’il faudra multiplier les productions cinématographiques et les documentaires pour évoquer la décennie noire. « Ce passé, si proche, a engendré des traumatismes profonds qui restent encore enfouis dans la mémoire collective », explique-t-il.  

Interrogée par Arab News, Malika nous confie que le film raconte une tragédie qui n’a pas encore révélé tous ses secrets. « Il est difficile d’avoir des réponses sur cette période traumatisante de l’histoire de l’Algérie, mais je constate que les films réalisés ces dernières années font ressurgir, très spontanément, de très fortes émotions, des douleurs, sans doute liées aux traumatismes subis par le peuple algérien durant cette période. » 

Sorti en salles le 15 juillet dernier, le film Abou Leila, salué par la critique, a été aussi projeté dans des festivals en Bosnie-Herzégovine, en Tunisie, en Belgique, en Italie ou encore en Égypte.


 


«Effroi» du Festival de Cannes après la mort d'une photojournaliste palestinienne

La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film.  "Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP. (AFP)
La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film. "Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP. (AFP)
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  • La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi
  • Elle "s'était donné pour mission de témoigner, par son travail, son engagement et malgré les risques liés à la guerre dans l'enclave palestinienne, de la vie quotidienne des habitants de Gaza en 2025

PARIS: Le Festival de Cannes a exprimé mercredi "son effroi et sa profonde tristesse" après la mort d'une photojournaliste palestinienne, protagoniste d'un film qui doit être présenté cette année sur la Croisette et de plusieurs membres de sa famille, tués par un missile à Gaza.

La photojournaliste de 25 ans, Fatima Hassouna, est au centre du documentaire "Put your soul on your hand and walk" de la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi. L'Acid (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), l'une des sélections parallèles au Festival de Cannes, avait annoncé mardi 15 avril avoir retenu ce film.

"Le lendemain, (Fatima Hassouna) ainsi que plusieurs membres de sa famille, ont été tués par un missile qui a frappé leur habitation", a rappelé le Festival de Cannes dans une déclaration à l'AFP.

Elle "s'était donné pour mission de témoigner, par son travail, son engagement et malgré les risques liés à la guerre dans l'enclave palestinienne, de la vie quotidienne des habitants de Gaza en 2025. (Elle) est l'une des trop nombreuses victimes de la violence qui embrase la région depuis des mois".

"Le Festival de Cannes souhaite exprimer son effroi et sa profonde tristesse face à cette tragédie qui a ému et choqué le monde entier. Si un film est bien peu de chose face à un tel drame, (sa projection à l'Acid à Cannes le 15 mai) sera, en plus du message du film lui-même, une manière d'honorer la mémoire (de la jeune femme), victime comme tant d'autres de la guerre", a-t-il ajouté.

La réalisatrice Sepideh Farsi a rendu hommage jeudi dernier à la jeune femme, qui lui racontait, par appels vidéo, la vie à Gaza. "Je demande justice pour Fatem (ou Fatima, NDLR) et tous les Palestiniens innocents qui ont péri", a-t-elle écrit.

Reporters sans Frontières avait dénoncé sa mort, regrettant que son nom "s'ajoute aux près de 200 journalistes tués en 18 mois".

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, laquelle a entraîné la mort de 1.218 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 58 sont toujours retenues à Gaza, dont 34 sont mortes, selon l'armée israélienne.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, 51.266 Palestiniens ont été tués à Gaza depuis le début de la guerre.


La danse des dauphins, vedette des îles Farasan

L'observation des dauphins renforce l'attrait croissant des îles Farasan pour l'écotourisme. (SPA)
L'observation des dauphins renforce l'attrait croissant des îles Farasan pour l'écotourisme. (SPA)
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  • L'observation de 5 espèces de dauphins met en évidence la biodiversité
  • Il est vital de coexister avec la vie marine, déclare un pêcheur local

RIYADH : L'observation de plus de cinq espèces de dauphins a renforcé la réputation des îles Farasan en tant que lieu de visite incontournable pour les amateurs de nature et d'animaux sauvages, a récemment rapporté l'agence de presse saoudienne.

Parmi les espèces observées, les grands dauphins et les dauphins à long bec volent la vedette. Les dauphins à long bec, connus pour leur nature enjouée, s'approchent souvent des croisières de loisir, ravissant les gens par leur charme.

Le pêcheur saoudien Mohammed Fursani, qui navigue dans ces eaux depuis longtemps, y voit un lien plus profond.


Le pianiste Igor Levit va donner un concert de plus de 16 heures à Londres

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19. (AFP)
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  • Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance"
  • "Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée

LONDRES: Le pianiste Igor Levit va donner jeudi et vendredi à Londres un concert unique, prévu pour durer plus de 16 heures, en jouant en solo "Vexations" d'Erik Satie, sous la direction de l'artiste Marina Abramovic, connue pour ses performances radicales.

Le centre Southbank, qui organise le concert, le présente comme "un exploit d'endurance".

"Vexations" du compositeur français Erik Satie (1866-1925) est une partition d'une seule page destinée à être jouée 840 fois d'affilée. Elle se traduit ainsi par une performance durant entre 16 et 20 heures. Habituellement, plusieurs pianistes se succèdent pour jouer ce morceau sans interruption.

L'Allemand Igor Levit, qui est à 38 ans l'un des pianistes virtuoses de sa génération, avait déjà fait sensation en jouant "Vexations" dans son studio à Berlin pendant 20 heures d'affilée lors du confinement. L'objectif de cet événement filmé en direct était de lever des fonds pour les musiciens freelance touchés par la pandémie de Covid-19.

C'est la première fois qu'il va jouer ce morceau en intégralité en public.

Le public va être "témoin (d'un moment) de silence, d'endurance, d'immobilité et de contemplation, où le temps cesse d'exister", a commenté Marina Abramovic, artiste serbe de 78 ans. "Igor interprète +Vexations+ avec des répétitions infinies, mais une variation constante", a-t-elle ajouté.

Le rôle de Marina Abramovic, connue pour ses performances qui poussent les spectateurs dans leurs retranchements, est de "préparer le public à cette expérience unique".

Erik Satie avait lui écrit à propos du morceau à l'adresse des pianistes: "Pour jouer 840 fois de suite ce motif, il sera bon de se préparer au préalable, et dans le plus grand silence, par des immobilités sérieuses".

Dans une interview au quotidien britannique The Guardian, Igor Levit a encouragé son public à "se laisser aller". "C'est juste un espace vide, alors plongez dedans", a-t-il dit.

Les spectateurs pourront assister au concert soit pour une heure soit dans sa totalité. Il commencera jeudi à 10H00 (09H00 GMT).