Depuis le 25 juin, date du déconfinement, les salles de cinéma attendent toujours de pouvoir réouvrir. Grands oubliés du « retour à la normale », ces lieux d’évasion et de rêve, déjà fragilisés avant la crise de la Covid-19, sont au bord du gouffre.
« Après la pluie, le beau temps », voilà le titre du scénario que les exploitants de salle au Maroc aimeraient bien recevoir. A l’arrêt depuis mi-mars, le secteur du cinéma se trouve dans l’impasse.
Il reste tout de même des raisons d’espérer. Il y a quelques jours, Othman El Ferdaous, ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, s’est voulu rassurant en rappelant, à juste titre, que le cinéma ne représentait pas seulement un segment de l’industrie culturelle, mais qu’il constituait un véritable écosystème englobant et faisant vivre plusieurs métiers, de la musique au théâtre, en passant par l’écriture.
« Les salles de cinéma sont un bien public qu’il faut sauvegarder, elles constituent le maillon central de l’industrie cinématographique et leurs recettes ont été très fortement affectées par la crise sanitaire (billetterie, publicité, locations de salles et confiserie) », a déclaré le ministre devant le Parlement.
En effet, les exploitants de salles rappellent que leur chiffre d’affaires s’est totalement effondré. « Les conséquences sont violentes. Nos recettes en salle dépendent en premier lieu de la vente des billets, de la confiserie, mais également de la publicité. Du jour au lendemain, nous avons perdu 100 % de notre chiffre d’affaires », explique Pierre-François Bernet, fondateur de Ciné Atlas, un complexe de cinéma dont l’ouverture est récente à Rabat, et qui commençait à peine à fidéliser sa clientèle avant le confinement.
L’exploitant comptait ouvrir dans plusieurs villes du Maroc. Aujourd’hui, il a perdu, en douze mois 1,5 million de dirhams en réduisant ses charges et en trouvant des solutions pour ses trente salariés.
L’État à la rescousse
Conscient de la situation délicate dans laquelle se trouve le monde du cinéma, le ministère a mobilisé une enveloppe de 2 millions de dirhams. Cette somme va permettre de prendre en charge les dépenses engagées pour les festivals et les manifestations cinématographiques initialement prévus entre mars et juin et annulés en raison de la crise sanitaire. Par ailleurs, le Centre cinématographique marocain a débloqué plus de 6,5 millions de dirhams destinés notamment à plus de 11 projets nationaux de production cinématographique, dont 450 000 dirhams qui serviront à la numérisation d’une salle de cinéma à Tanger.
Le ministère va même plus loin: lors de la réouverture des salles, il s’est engagé à prendre en charges les frais fixes des exploitants entre mars et juin 2020. Il a enfin annoncé une prime exceptionnelle, équivalente à un mois de chiffre d’affaires, pour accompagner la reprise de l’activité. Cette prime sera conditionnée au respect des normes sanitaires et à l’engagement pour l’exploitant de garder la salle ouverte pendant au moins dix-huit mois.
« Le premier versement de 50 % aura lieu à la signature d’une convention entre les parties concernées, le second trois mois après la réouverture », annonce le ministère. C’est une enveloppe de 10 millions de dirhams qui va être mobilisée pour assurer la mise en place de ces deux mesures afin de permettre le renforcement de la résilience des salles de cinéma.
« C’est un geste généreux ! C’est une grande première ! » s’enthousiasme Hassan Belkady, exploitant du mythique Rif de Casablanca, qui explique à quel point la situation est compliquée.
Il a en effet rencontré de nombreuses difficultés pendant la crise dans la gestion de sa salle et de son personnel, un personnel qu’il a tenu à garder, malgré les dépenses occasionnées et sans l’aide des banques. « Les banques n’ont pas joué le jeu ! J’ai dû quitter ma banque pour une autre quand elle m’a refusé le prêt Oxygène à cause d’un bilan négatif. »
L’aide annoncée par l’État est un grand soulagement. Néanmoins, pour l’heure, aucune date de réouverture n’est prévue. « Je tiens à saluer la mobilisation des pouvoirs publics face à la détresse des salles de cinéma. M. Othman El Ferdaous, ministre de la Culture, de la Communication, de la Jeunesse et des Sports, M. Sarim Fassi-Fihri, directeur du Centre cinématographique marocain, ainsi que leurs équipes, qui se sont immédiatement mobilisés pour nous porter secours et pour préparer le plan de relance. La date de réouverture n’est pas encore connue, mais nous nous y préparons déjà activement », a conclu Pierre-François Bernet.
Hassan Belkady, lui, n’est pas aussi optimiste. « Les clients se sont habitués à un autre mode de consommation. Tout le monde s’est abonné à Netflix. Même si l’on reprend demain, il faudra du temps avant que les choses ne reviennent à la normale… »