Mardi dernier, quelques heures avant qu'une énorme explosion ne secoue Beyrouth, le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu a lancé une mise en garde inquiétante au Liban. ’’Nous avons frappé une cellule et maintenant nous frappons les exploitants ... Je suggère à tous, y compris le Hezbollah, de prendre cela en considération,’’ a déclaré Netanyahu lors d’une visite officielle sur des installations militaires dans le centre d'Israël.
L'avertissement de Netanyahu n'était pas de bon augure pour Israël quand, quelques heures plus tard, une explosion semblable à celle de Hiroshima dévastait des secteurs entiers de Beyrouth. Ceux qui soupçonnaient l'implication d’Israël dans l'explosion meurtrière avaient une raison de plus de pointer Tel-Aviv du doigt.
En politique comme en temps de guerre, la vérité est la première victime. Nous ne saurons peut-être jamais exactement ce qui s'est passé lors des moments précédant l'explosion au port de Beyrouth. D'une manière ou d'une autre, cela n'a peut-être pas d'importance, car l’histoire concernant les nombreuses tragédies du Liban est aussi fractionnée que le paysage politique du pays.
A en juger par les déclarations qui ont été faites et les positions adoptées par les différentes parties et factions du pays, nombreux sont ceux qui semblent davantage se préoccuper d'exploiter la tragédie à de simples fins politiques que de la tragédie elle-même. Même si l'explosion était le résultat malheureux d'un accident causé par une négligence bureaucratique, malheureusement, ceci sera toujours sans conséquences. Au Liban, comme dans une grande partie du Moyen-Orient, tout est politique.
Toutefois, ce qui est presque certain pour l’avenir, c’est que le discours politique finira par mener à un nouveau face à face entre Israël et le Hezbollah. Le premier souhaite saper l’influence du groupe au Liban, tandis que le second tient absolument à contrecarrer Israël.
Mais quel est le plan d’Israël ? Après des décennies passées à tenter de détruire le groupe libanais, le gouvernement israélien est tout à fait conscient que l'éradication militaire du Hezbollah n'est plus faisable, du moins pas dans un avenir immédiat. Le Hezbollah a fait la preuve de ses prouesses sur le champ de bataille quand il a joué un rôle majeur, en mettant fin à l’occupation israélienne du Liban en mai 2000. Par la suite, les tentatives d’Israël de réaffirmer sa domination sur la frontière sud du Liban se sont avérées vaines jusqu'à présent. L’échec de la guerre en 2006 et le récent embrasement de septembre 2019 en sont deux exemples concrets.
Le Hezbollah n'est pas intéressé à entreprendre une nouvelle guerre contre Israël. Actuellement au bord d'un effondrement économique, le Liban a par ailleurs toujours été en proie à des divisions politiques et soumis à des factions. Le climat politique actuel dans le pays est plus destructeur qu'il ne l'a jamais été. Ayant perdu espoir dans tous les acteurs politiques, le peuple libanais est descendu dans la rue pour exiger des droits et des services de base, la fin de la corruption endémique et un nouveau contrat social et politique.
Alors que les impasses en politique sont des évènements quelque peu ordinaires, les blocages politiques peuvent être dévastateurs dans un pays au bord de la famine. L’explosion de la semaine dernière qui a choqué le monde entier était l’illustration parfaite des malheurs apparemment sans fin du Liban.
Après des décennies passées à tenter de détruire le groupe libanais, le gouvernement israélien est tout à fait conscient que l'éradication militaire du Hezbollah n'est plus faisable, du moins pas dans un avenir immédiat. Le Hezbollah a fait la preuve de ses prouesses sur le champ de bataille quand il a joué un rôle majeur, en mettant fin à l’occupation israélienne du Liban en mai 2000. Par la suite, les tentatives d’Israël de réaffirmer sa domination sur la frontière sud du Liban se sont avérées vaines jusqu'à présent.
L'ancien membre de la Knesset israélienne, Moshe Feiglin, jubilait alors qu'il célébrait la disparition presque totale de la ville arabe. Feiglin a décrit cette horrible explosion comme un ‘’jour de joie’’, ajoutant que ‘’si c'était nous’’ - ce qui signifie que si Israël était derrière l’explosion ‘’Alors nous devrions en être fiers et nous créerons avec cela un équilibre de la terreur."
Indépendamment du fait que Feiglin parlait ou non en connaissance de cause, sa référence à un équilibre de la terreur reste le principe de base de toutes les relations d’Israël avec le Liban en général, et avec le Hezbollah en particulier. Le conflit complexe en Syrie a étendu la guerre d'usure d'Israël, mais lui a également donné la possibilité de cibler les intérêts du Hezbollah, sans effecteur une autre agression sur le territoire libanais. Il est beaucoup plus aisé de cibler la Syrie déchirée par la guerre et d’en sortir indemne que de cibler le Liban et d’en payer le prix.
Pendant des années, Israël a bombardé des cibles en Syrie, sans en faire état au départ. Ce n’est que l'année dernière, qu’il a commencé à se vanter ouvertement de ses conquêtes militaires. La raison en est que Netanyahu, en difficulté, cherche désespérément à marquer des points au niveau politique, alors qu'il est poursuivi pour de multiples accusations de corruption qui ont terni son image. En bombardant des cibles iraniennes et du Hezbollah en Syrie, le dirigeant israélien espère obtenir l'approbation de l'élite militaire, un électorat déterminant dans la politique israélienne.
Les commentaires de Netanyahu avant l'explosion de Beyrouth faisaient référence à une série d'incidents qui ont débuté le 21 juillet, quand Israël a bombardé une zone adjacente à l'aéroport international de Damas, tuant, entre autres Ali Kamel Mohsen, un membre important du Hezbollah. Par conséquent, l’état d’urgence à la frontière nord a été associé à un battage médiatique et politique important, qui a aidé Netanyahu à détourner l’attention de I’ Israélien moyen de son procès en cours.
Cependant, les intérêts stratégiques d’Israël dans le conflit syrien vont au-delà du besoin de Netanyahu d’une victoire facile. Le conflit peut potentiellement aboutir à un résultat cauchemardesque pour Israël.
Pendant des décennies, Tel Aviv a soutenu qu’un ‘’axe de la terreur’’ - Iran, Syrie et Hezbollah - devait être démantelé, car il représentait la plus grande menace pour la sécurité du pays. Cela a commencé bien avant que les forces et les milices pro-iraniennes ne commencent ouvertement leurs opérations en Syrie, du fait de la guerre en cours.
Alors qu'Israël soutient que ses bombardements réguliers en Syrie visent en grande partie les cibles du Hezbollah - comme les caches militaires du groupe et les missiles iraniens en route vers le Liban - son implication est grandement politique. Selon la logique israélienne, plus il tombe de bombes en Syrie, plus son rôle sera pertinent lorsque les parties en conflit engageront de futures négociations pour décider du sort du pays. Cependant, en agissant ainsi, Israël risque également de déclencher un conflit militaire coûteux avec le Liban : un conflit que ni Tel Aviv ni le Hezbollah peuvent se permettre pour le moment.
Ramzy Baroud est chroniqueur international spécialiste du Moyen-Orient. Auteur de plusieurs livres et fondateur de PalestineChronicle.com, il est également consultant en médias.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com