Le régime iranien tente de tester l’administration Biden en intensifiant sa politique agressive et belligérante dans la région. Samedi, un déluge de roquettes s’est abattu sur une base aérienne à Balad qui abrite une entreprise de défense américaine, au nord de Bagdad.
Quelques jours auparavant, une dizaine de roquettes avaient visé les forces de la coalition présentes sur une base américaine située à proximité de l’aéroport international d’Irbil, dans le nord de l’Irak. Bilan: six personnes ont été blessées, et un entrepreneur civil qui travaillait pour la coalition anti-Daech dirigée par les Américains a été tué. Les autorités kurdes ont fermé l’aéroport pour quelque temps et ils ont exhorté les habitants à ne pas quitter leur domicile.
Le groupe militant chiite Saraya Awliya al-Dam (les «Gardiens du sang») a revendiqué l’attaque d’Irbil. Il a même menacé de faire couler davantage de sang. Selon le Site Intelligence Group, une organisation non gouvernementale qui surveille les activités en ligne des organisations armées, la milice a déclaré: «L’occupation américaine ne sera pas à l’abri de nos frappes, dans aucun coin de notre patrie, y compris au Kurdistan, où nous promettons de lancer de nouvelles opérations importantes.»
Sans doute le régime iranien parraine-t-il cette milice peu connue. En outre, Saraya Awliya al-Dam a probablement effectué les tirs de roquettes pour gagner l’approbation du régime iranien.
En effet, l’Iran est connu pour le soutien qu’il apporte à une multitude de milices connues sous le nom d’unités de mobilisation populaire (PMU). Ces groupes alimentent le conflit en Irak par les crimes qu’ils commettent, notamment la torture, les attaques aveugles et les restrictions illégales à la circulation des personnes qui fuient les combats.
Par ailleurs, ils maîtrisent désormais l’art de se servir du sectarisme pour s’emparer du pouvoir en Irak et promouvoir les ambitions politiques, religieuses et confessionnelles de l’Iran. Le régime de Téhéran va jusqu’à amener le gouvernement irakien à reconnaître les membres des PMU comme des groupes «légitimes», à les intégrer dans les organes de l’État et à leur fournir salaires et munitions.
Il convient de préciser que le régime iranien entend toujours se venger des États-Unis pour l’assassinat de Qassem Soleimani. Un an après sa mort, le commandant de la Force Al-Qods est toujours présent dans les discours du Guide suprême, Ali Khamenei. Celui-ci a prévenu le mois dernier que «ceux qui ont commandité et ceux qui ont exécuté le meurtre du général Soleimani doivent être punis. Il sera vengé au bon moment». Se venger pour le meurtre de Soleimani est essentiel pour le régime iranien, en partie parce que jamais, au cours de ses quatre décennies d’existence, le régime de Téhéran n’a été soumis à une telle humiliation. Il souhaite ainsi prouver qu’il n’est pas faible, tant à ses mandataires qu’à ses milices et à ses partisans radicaux. En outre, se venger des États-Unis dissuaderait à l’avenir, entre autres, Washington de cibler des responsables iraniens.
Pour les religieux au pouvoir en Iran, il est désormais crucial de déterminer comment la nouvelle administration américaine va réagir à ces attaques. Malheureusement, en plus de sa position peu ferme, l’administration Biden a annoncé la semaine dernière qu’elle ne poursuivrait pas les efforts entrepris par l’administration précédente pour réimposer au régime iranien les sanctions prévues par les Nations unies.
Cette décision a provoqué l’indignation de nombreux législateurs américains, dont le sénateur républicain Marco Rubio, qui a déclaré que «peu après les attentats perpétrés par les forces soutenues par l’Iran contre les Américains en Irak, le président américain, Joe Biden, cherche désespérément à revenir sur un accord qui a échoué par le passé et à alléger les sanctions imposées au régime iranien. Le président est tenu de dire, sans détour, qu’il est conscient que l’on ne peut attendre de Khamenei qu’il respecte les accords internationaux et que les États-Unis n’entreront pas dans le jeu des Iraniens pendant les quatre prochaines années».
En revenant sur la demande de l’administration Trump de réimposer les sanctions des Nations unies, M. Biden semble également approuver la levée de l’embargo sur les armes à destination de l’Iran. Ainsi, les responsables iraniens ont remporté une victoire politique majeure contre les États-Unis, leurs alliés et les puissances régionales lorsque le Conseil de sécurité des Nations unies a rejeté, en août dernier, une proposition qui visait à prolonger l’embargo sur les armes, imposé à l’Iran depuis treize ans. Cet embargo a été levé en octobre en dépit des violations par le régime de toutes les restrictions prévues par l’accord nucléaire, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’administration Biden a également supprimé les restrictions imposées aux diplomates iraniens souhaitant se rendre au siège des Nations unies à New York.
«L’administration Biden, qui détourne les yeux des agressions commises par l’Iran, ne fait que conférer pouvoir et audace à Téhéran.»
Par ailleurs, à la suite de la première attaque survenue en Irak, l’administration Biden a fait savoir qu’elle était disposée à rencontrer les dirigeants iraniens pour discuter du retour à l’accord nucléaire de 2015. Ned Price, porte-parole du département d’État, a précisé que «les États-Unis seraient prêts à répondre à l’invitation du haut représentant de l’Union européenne à participer à une réunion du P5+1 avec l’Iran pour envisager une solution diplomatique au programme nucléaire iranien».
L’administration Biden qui détourne les yeux des agressions commises par l’Iran ne fait que conférer pouvoir et audace au régime de Téhéran, ce qui va exacerber son aventurisme militaire et son comportement dévastateur au Moyen-Orient.
Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com