Quand un gouvernement étranger noue des liens d'amitié avec l'Iran et mène une politique d'apaisement vis-à-vis de Téhéran, il autorise de fait le régime iranien à l’exploiter et à poursuivre plus facilement son programme intransigeant sur ses territoires.
L'exemple le plus récent est celui de la Turquie, qui s'est rapprochée du régime iranien et a ainsi compromis ses intérêts nationaux. Les relations étroites qu'entretient Ankara avec Téhéran ont enhardi le régime iranien et lui ont conféré le pouvoir d'assassiner des dissidents sur le sol turc.
En effet, les autorités turques ont arrêté la semaine dernière Mohammed Reza Naderzadeh, employé du consulat iranien à Istanbul, pour son implication dans l'assassinat du critique iranien Massoud Molavi Vardanjani au mois de novembre 2019. L'accusé aurait falsifié des documents de voyage pour Ali Esfandiari, qui a orchestré l'assassinat.
Le régime iranien a ciblé Vardanjani en raison d'une campagne qu'il a menée sur les réseaux sociaux, dans laquelle il dénonçait la corruption au sein du Corps des gardiens de la révolution islamique, de sa branche d'élite, la force Al-Qods, et de l'establishment théocratique. Il a changé de camp après avoir servi comme officier de renseignement pour le gouvernement iranien. Il a écrit sur les réseaux sociaux: «Je vais éradiquer les commandants corrompus de la mafia... Prions pour qu'ils ne me tuent pas avant.»
Pourtant, ce n'est pas la première fois que le régime iranien s'implique dans l'assassinat d'un dissident iranien en Turquie. En 2017, Saeed Karimian, responsable travaillant à la télévision britannique et fondateur de Gem TV, qui regroupe dix-sept chaînes de télévision diffusées en langue perse, a été abattu à Istanbul. Avant son assassinat, il avait été condamné par contumace en Iran pour propagande contre le régime.
Ces ordres d'assassinat provenaient probablement du plus haut niveau en Iran. En outre, un haut fonctionnaire américain a affirmé que, «compte tenu des antécédents de l’Iran en matière d'assassinats ciblés de dissidents iraniens et des méthodes utilisées en Turquie, le gouvernement américain considère que le ministère iranien du Renseignement et de la Sécurité est impliqué de près dans l'assassinat de Vardanjani».
Cela fait quatre décennies que le régime iranien exploite les territoires des pays qui entretiennent des liens étroits avec Téhéran dans le but d’exporter ses principes révolutionnaires et d’assassiner des dissidents iraniens.
Par ailleurs, cette pratique a été observée au niveau de l'Union européenne. Une fois que cette dernière a amorcé une politique d'apaisement avec Téhéran et que les sanctions ont été levées en 2015 en vertu de l'accord nucléaire, les activités terroristes de l'Iran se sont multipliées en Europe. Ainsi, le diplomate iranien Assadollah Assadi a été condamné ce mois-ci à vingt ans de prison en Belgique pour avoir pris part à un complot terroriste en 2018.
Assadi a livré 500 grammes de la puissante substance explosive triacétone triperoxyde (TATP) à ses complices pour mener un attentat à la bombe contre un rassemblement de l'opposition iranienne à Paris, auquel j'ai participé. Si ce complot n'avait pas été découvert à la dernière minute, cette action terroriste aurait fait des centaines de morts, dont des personnalités internationales et de nombreux députés européens.
Au mois de juin dernier, un autre agent de Téhéran, Mohammed Davoudzadeh Loloei, a été condamné à la prison par un tribunal danois pour sa complicité dans la tentative de meurtre d'un ou de plusieurs opposant(s) au régime iranien. Selon le tribunal du district de Roskilde, Loloei a recueilli des informations sur un dissident iranien qu’il a transmises aux services de renseignements iraniens.
Ces derniers envisageaient d'assassiner l'homme en question. Les informations comprenaient des photos de la maison, de la rue et du voisinage de la cible. «Le tribunal a conclu que les informations avaient été recueillies et transmises à une personne travaillant pour le service de renseignement iranien afin d’aider le service de renseignement à assassiner l'exilé», peut-on lire dans les conclusions du tribunal.
Chose inhabituelle, tous ces événements se sont déroulés dans un contexte de politique d'apaisement menée par les dirigeants européens à l'égard des religieux au pouvoir en Iran.
Tout pays qui poursuit des politiques d'apaisement avec le régime iranien se rend plus vulnérable au terrorisme et aux assassinats perpétrés par Téhéran.
Dr Majid Rafizadeh
Pour parvenir à mettre un terme aux provocations du régime iranien, notamment au terrorisme et aux assassinats qu’il entreprend, l'Union européenne et la Turquie sont appelées à tenir le régime responsable de son aventurisme à l'étranger et de la répression condamnable de ses dissidents et des manifestations pacifiques sur ses territoires.
Elles sont donc tenues d'adopter une politique rigoureuse, voire une législation, qui prévoie l'expulsion des «diplomates» iraniens et des agents des services de renseignement comme Assadi, qui risquent de fomenter de nouvelles attaques terroristes. L'Union européenne et la Turquie doivent également envisager de fermer les ambassades iraniennes jusqu'à ce que Téhéran renonce à ses activités terroristes. Plus important encore, ils doivent désigner le Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) et ses mandataires comme des organisations terroristes.
Tout pays qui poursuit des politiques d'apaisement avec le régime iranien se rend plus vulnérable au terrorisme et aux assassinats perpétrés par Téhéran.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com