En mai 1953, un étudiant américain a eu le courage d’aller parler à Winston Churchill lors du déjeuner du couronnement de la reine. L’étudiant a demandé anxieusement au grand homme s'il avait des conseils à lui donner sur la vie et Churchill a immédiatement répondu: « Étudiez l'histoire, étudiez l'histoire. Dans l’histoire se trouvent tous les secrets de l’habileté politique ».
Ce grand conseil intellectuel est ce qui rend la débâcle actuelle de la vaccination dans l’UE si prévisible, tant au niveau individuel que systémique. Compte tenu du long et lamentable bilan de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en particulier, et de la bureaucratie bruxelloise stagnée et intellectuellement sans inspiration en général, il ne peut être une surprise pour aucun analyste des risques politiques, a moitié compétent, que l'UE ait échoué à ce test vital.
Les chiffres ne mentent pas. Le début du mois de février a révélé que l'UE n'avait vacciné que 2% de sa population adulte, tandis que le Royaume-Uni avait réussi à en faire 12%.
Une prévision faite par la société d'analyse de données Airfinity a estimé que le Royaume-Uni peut obtenir l'immunité de troupeau en vaccinant 75% de sa population d'ici le 14 juillet de cette année, les États-Unis le 9 août, l'UE vient en arrière le 21 octobre. Comme l'a constaté tristement le grand journal allemand Die Zeit, la Commission européenne a involontairement fourni « la meilleure publicité pour le Brexit: elle agit lentement, bureaucratiquement et de manière protectionniste. Et si jamais quelque chose ne va pas, c'est la faute de tout le monde ».
J'ai longtemps suivi la carrière non-méritée de Von der Leyen avec une fascination horrifiée, car une telle histoire dysfonctionnelle conduit certainement à la plus simple des prévisions de risque politique: à mesure que tout ce qu'elle touche devient le leader, son ascension à la présidence de la Commission signifie que son mandat vient d'être comme un accident qui ne tardera pas à arriver. L'UE a longtemps souffert (à quelques exceptions notables, comme le dynamique Jacques Delors) d'un leadership médiocre, pendant que des leaders de troisième ordre, comme Von der Leyen, ayant échoué au niveau national, pour être ensuite licenciés à Bruxelles, sont « promus » pour limiter les dégâts en continuant à faire la même chose dans leur propre pays.
Le mandat désastreux de Von der Leyen, en tant que ministre allemand de la Défense, aurait dû être l’avertissement dont le monde avait besoin pour savoir qu’elle n’était pas en mesure de conduire l’Europe à travers la pire crise du XXIe siècle. À la tête du ministère allemand de la Défense, l'armée allemande a utilisé des manches à balai plutôt que des fusils lors d'un exercice militaire conjoint de l'OTAN, car il n'y avait aucune arme en sa possession. Les forces spéciales allemandes sont devenues un foyer d’extrémisme de droite, un scandale auquel elle a réagi tardivement et à contrecœur.
Pire encore, de graves scandales d'approvisionnement – des kits militaires trop chers livrés en retard, dépassant le budget et parfois qui n’arrivaient jamais – ont complètement entaché sa réputation au point que la chancelière Angela Merkel a été contrainte de déplacer avec tact son alliée à Bruxelles. Pour le dire légèrement, l’approvisionnement, clé absolue de toute stratégie de vaccination, n’a jamais été le point fort de Von der Leyen. Comprendre son ineptie historiquement documentée, c'est voir que la calamité actuelle était prédéterminée.
Si Von der Leyen a échoué personnellement, l’histoire collective du fonctionnement (ou non) de la bureaucratie de l’UE rend également évidente une prédiction de l’échec catastrophique actuel au niveau de la vaccination. Lors d'une crise, la rapidité opérationnelle et la rigueur analytique sont essentielles. L'UE a, maintes et maintes fois, prouvé qu'elle était incapable de faire preuve de souplesse ou de précision dans sa prise de décision. Ses échecs bureaucratiques systémiques - toujours à portée de vue - sont maintenant assez désastreux pour se retourner contre elle.
Les problèmes de gestion de base de l'UE sont clairs: la signature de contrats avec les sociétés pharmaceutiques, chargées de développer les vaccins contre la maladie à coronavirus (la Covid-19) a été relativement lente et elle n'a même pas couvert son risque en engageant suffisamment ces firmes pharmaceutiques. Tandis que Bruxelles était obsédée par la négociation du prix de la vaccination, elle a échoué de manière désastreuse à prendre en compte le besoin de rapidité ou de l’étendue de l'approvisionnement. Au moment où le gouvernement britannique a signé des contrats de fabrication avec une pléthore de firmes pharmaceutiques capables de produire rapidement un vaccin, en répartissant efficacement le risque dans cette industrie incertaine en permanence, l'UE a limité de manière désastreuse ses fournisseurs. Par exemple, Novavax a annoncé la semaine dernière avoir développé avec succès un autre vaccin contre la Covid-19 de manière à combler le marché actuel. Le Royaume-Uni en a pré-commandé 60 millions de doses; l'UE, zéro.
L'UE a, maintes et maintes fois, prouvé qu'elle était incapable de faire preuve de souplesse ou de précision dans sa prise de décision.
Dr John C. Hulsman
En ce qui concerne le marché actuel, la lenteur glaciaire caractéristique de l’UE a été dévastatrice. Bruxelles a approuvé le vaccin efficace AstraZeneca la semaine dernière, après avoir retardé le placement de ses commandes de deux à trois mois cruciaux par rapport aux États-Unis et au Royaume-Uni. Son retard l'a laissée au fond de la file. Ce n'est qu'à l'automne 2020 que Bruxelles a même daigné passer des commandes pour le vaccin Pfizer / BioNTech. C'était même plus tard qu’ont été passées les commandes des jabs Moderna.
Les crises dévoilent généralement les choses. Dans le cas de l'UE en général et de Von der Leyen en particulier, la pandémie de la Covid-19 – le plus grand test de risque politique du nouveau siècle – les a crument mises à jour. Les conséquences futures pour l'Europe sont aussi prévisibles que les échecs actuels de Bruxelles: une augmentation du populisme politique et de l'instabilité (en particulier en France et en Italie), tragiquement plus de morts et une récession bien plus profonde et plus dangereuse, alors que les taux de la dette publique montent en flèche, laissant L'UE comme une puissance gravement mutilée. Malheureusement, en utilisant le prisme de l'histoire, tout cela devient prévisible.
Le Dr John C. Hulsman est président et directeur associé de John C. Hulsman Enterprises, une importante firme mondiale de conseil en risques politiques. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la ville de Londres. Il peut être contacté via chartwellspeakers.com.
TWITTER: @JohnHulsman1
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com