Une grand-mère britannique de 90 ans est devenue la semaine dernière la première personne au monde à recevoir un vaccin approuvé contre la Covid-19, et a donné le coup d’envoi à la campagne de vaccination contre la pire pandémie depuis plus d'un siècle.
À bien des égards, la rapidité avec laquelle le premier vaccin, fabriqué par le géant pharmaceutique américain Pfizer et la société allemande BioNTech, a été développé, testé cliniquement, puis sur les êtres humains, voire même fabriqué après des approbations accélérées des organismes de réglementation de la santé, est une grande surprise. La plupart des vaccins mettent des années pour être développés, et leur mise en application au niveau mondial prend encore plus de temps. Mais face à une pandémie qui a déconcerté la plupart des pays et leurs dirigeants politiques, dévasté l'économie mondiale, et confiné quasiment toute la planète, le processus a été considérablement facilité.
Pfizer a été le premier à dévoiler le vaccin, suivi de nombreuses autres compagnie pharmaceutiques. Parmi elles on compte laboratoires on compte l‘anglo-suédoise AstraZeneca épaulée par l’Université d’Oxford, la russe Sputnik V, ainsi que les entreprises chinoises et indiennes qui ont fini par rattraper leur retard initial. Un milliard de doses seront disponibles d'ici mars, et deux milliards supplémentaires pourraient l’être en 2021 le cas échéant.
Maintenant que le processus de l’immunisation, il est essentiel que la distribution des vaccins se fasse équitablement, plutôt que selon l'influence des nations les plus riches. Les pays les plus nantis, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, les États membres de l’UE et d’autres grands pays comme la Russie et la Chine, ont déjà commandé plus d’un milliard de doses aux différents fabricants, pour faire en sorte que leurs populations soient les premières à être vaccinées.
C'est l'un des plus grands défis auxquels le monde est confronté aujourd'hui. La pandémie a certainement fait payer un lourd tribut aux pays riches, avec les États-Unis qui enregistrent le plus grand nombre de cas, ainsi que le plus grand nombre de décès, lesquels s’élèvent à plus de 300 000. L'UE déplore quasiment autant de victimes. Les économies de ces pays ont été brutalement touchées, et nombre de leurs sociétés sont maintenant soit en conflit avec le gouvernement, soit en proie à des remous internes. Il est donc tentant pour tout dirigeant de se procurer le vaccin et de se racheter en l'offrant à son peuple. Cela pourrait augmenter sa cote, peut-être même réduire le nombre de décès et de contaminations. Mais ce serait là une stratégie peu clairvoyante, et on pourrait même dire autodestructrice qu’un dirigeant adopterait.
Depuis le début du développement des vaccins, au début de cette année, de nombreux scientifiques et des institutions, comme l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), ont appelé à une distribution équitable des vaccins et des infrastructures de soins de santé nécessaires pour lutter contre le virus.
Maintenant que le processus de l’immunisation, il est essentiel que la distribution des vaccins se fasse équitablement, plutôt que selon l'influence des nations les plus riches.
Plusieurs études menées par des universités et des instituts de recherche de premier plan ont évalué les conséquences si les pays riches monopolisent de grandes quantités de vaccins pour les entreposer. Stocker les vaccins apporterait des gains négligeables aux nations riches, mais aurait un impact catastrophique sur les nations pauvres. Dans l’un des scénarios, selon GAVI, l'alliance mondiale du vaccin, une étude a montré que si cinquante pays à revenu élevé monopolisent les deux premiers milliards de doses de vaccin contre la Covid-19 à 80% d'efficacité, 33% des décès pourraient être évités dans le monde. Si le même vaccin est cependant distribué équitablement, en fonction de l’importance de la population de chaque pays, on pourrait éviter jusqu'à 61% des décès.
Les chercheurs ont aussi constaté que les avantages limités du monopole seraient bien moins importants que les pertes dévastatrices que subiraient les pays à faible revenu si les pays riches ne collaborent pas. Ils estiment que si l'Europe occidentale stocke les doses, 74% des décès seraient évités, contre 55% pour une stratégie de coopération. En revanche, une Europe ouverte au partage préviendrait 93% des décès en Afrique de l'Ouest et 62% en Asie du Sud-Est.
Les pays plus riches doivent non seulement accepter de partager les vaccins, ils doivent aussi garder un œil vigilant sur les prix facturés par leurs sociétés pharmaceutiques aux pays les plus pauvres. Les sociétés pharmaceutiques américaines Pfizer et Moderna ont établi leurs objectifs de prix à un niveau extrêmement élevé, avec un coût total de vaccin d'environ 40 $. En revanche, l’alliance Oxford-AstraZeneca propose un prix aussi bas que 3 $ la dose.
Dans ce contexte, l’initiative menée par l'OMS pour développer le projet Covax spécifiquement pour les pays les plus pauvres, est la bienvenue. Elle a déjà réservé 200 millions de doses, qui seront disponibles l'année prochaine. Son objectif est de fournir 2 milliards de doses d'ici la fin de 2021 aux 186 États qui ont rejoint l'alliance.
Même pour les pays développés, le coût de la vaccination est un défi, car il devrait, du moins initialement, être couvert par les budgets de la santé des gouvernements, qui sont déjà fortement sollicités en raison du choc économique de la pandémie. Pour les pays en développement, le défi est encore plus grand. Ils doivent non seulement trouver les fonds pour payer les vaccins, mais ils doivent également construire l'infrastructure nécessaire pour effectuer des vaccinations en masse. Cela nécessite une chaîne du froid efficace pour stocker et transporter le produit, ainsi qu’une infrastructure et un personnel de santé pour les distribuer à la population.
Cela ne peut pour la plupart venir qu'avec une aide extérieure, et sans aucune obligation financière. Si le monde veut repousser la Covid-19, ou même l'éliminer totalement, il doit alors coopérer comme il ne l'a jamais fait auparavant dans l'histoire de l'humanité. Nos dirigeants d'aujourd'hui, tant dans les affaires que dans les gouvernements, sont-ils à la hauteur de la tâche?
Ranvir S. Nayar est rédacteur en chef de Media India Group.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com