Le statisticien Bjorn Lomborg le résume parfaitement : « Les vœux pieux ne sont pas des politiques publiques éclairées. » La grande majorité des erreurs en matière de risque politique sont commises pour cette simple raison : la plupart des analystes confondent ce qu'ils aimeraient voir se produire et ce qui est susceptible de se produire.
Il s'agit là d'une leçon d'analyse fondamentale que les grands médias américains de gauche doivent encore apprendre. Alors qu'ils ne sont guère plus que le bras de propagande du Parti démocrate – tout en prétendant avec arrogance représenter une sorte de vérité objective (c'est-à-dire que toutes les personnes saines d'esprit sont d'accord avec eux) – ces médias, qui sont souvent raillés par le public, confondent continuellement ce qu'ils aimeraient voir se produire avec la réalité qui se déroule sous leurs yeux. Voilà qui explique leur engouement pour le « retour » politique de Joe Biden et ce que cela signifie pour la relance des espoirs démocrates lors des élections de mi-mandat de novembre.
L'argument classique des médias, qui soutiennent leur cher parti démocrate, se présente comme suit : « L'annulation de l’arrêt Roe vs. Wade est une mesure impopulaire, car une majorité d'Américains soutient le droit à l'avortement, ce qui joue en faveur de la Maison Blanche. Le président a fait bouger les choses en adoptant finalement une version édulcorée de son projet de loi progressiste sur les dépenses, qui alloue 740 milliards de dollars à des projets liés au changement climatique et à la réduction des coûts médicaux. L'effacement de milliards de dollars de dettes liées aux prêts étudiants est immensément populaire, notamment auprès des jeunes milléniaux qui voteront désormais en masse pour les démocrates. La descente du FBI à Mar-a-Lago a révélé une fois de plus que l'ennemi juré Donald Trump est une menace pour la société dans son ensemble. Tout cela va nous permettre (euh, je veux dire les démocrates) de surmonter les obstacles historiques et de gagner les élections de mi-mandat. »
Décortiquons ligne par ligne cette excuse pathétique d'analyse du risque politique. Tout d'abord, il est vrai que la protection du droit à l'avortement, sous une forme ou une autre (mais pas aussi étendue que ne le préconisent les démocrates), est populaire aux États-Unis. Cependant, peu de personnes votent en conséquence de cette question. Le droit à l'avortement arrive en cinquième position parmi les questions qui motivent les électeurs, loin derrière la crise du coût de la vie. Donc, au mieux, cela ne bénéficie à la Maison Blanche que de façon marginale.
Deuxièmement, en cette période d'inflation galopante de 8,5 % en juillet, proche du niveau le plus élevé depuis plusieurs décennies, l'insistance obstinée de Biden à dépenser sans compter ne semble pas seulement partisane, elle semble dangereuse. Les électeurs sont de loin les plus préoccupés par l'inflation et l'économie, et par la façon dont la Réserve fédérale et la Maison-Blanche de Biden ont laissé le génie de l'inflation sortir de la lampe, deux générations après que le président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, et Ronald Reagan avaient apprivoisé la bête. Au contraire, Biden a d'abord minimisé le problème, puis a déclaré que l'inflation serait transitoire, pour enfin proposer de se concentrer plutôt sur les chiffres de la création d'emplois. Faux, faux et encore faux. Le pays rend la Maison Blanche responsable du fléau de l'inflation simplement parce que les analphabètes économiques de l'administration ont continué à dépenser de l'argent comme des marins ivres, en dépit de la réalité.
Troisièmement, la politique totalement injuste de « pardon » des prêts étudiants est manifestement mal nommée (j'ai personnellement remboursé un trésor de prêts en travaillant dur et je suis complètement mortifié à l'idée d'être ridiculisé par une Maison Blanche qui cherche honteusement à acheter des votes). Les prêts ne disparaissent pas simplement comme par magie, contrairement aux affirmations des fantasmes de la gauche. Non, ils font partie de la dette publique générale, qui devra être payée sous forme d'impôts par les personnes qui n'ont pas fait d'études supérieures et par ceux d'entre nous qui ont déjà payé leurs prêts. Pendant ce temps, les jeunes milléniaux, dont l'éthique de travail est collectivement épouvantable, prennent de nouvelles « vacances expérientielles ». Cet effort désespéré pour acheter la loyauté électorale des jeunes a peu de chances de fonctionner, car statistiquement, ils ont tendance à être trop paresseux pour voter en nombre significatif, et le reste d'entre nous est furieux contre l'injustice de ce dernier stratagème progressiste.
Quatrièmement, s'il semble que Trump s'est (encore une fois) mal comporté en conservant des documents gouvernementaux classifiés, il n'est pas le seul. Les anciens présidents sont souvent en guerre contre le gouvernement pour savoir quels documents leur appartiennent et lesquels appartiennent à la nation. L'ancien conseiller à la sécurité nationale de Clinton, Sandy Berger, est allé jusqu'à fourrer des documents peu flatteurs dans son pantalon et ses chaussettes (on ne peut pas inventer ce genre de choses), avant d'être découvert alors qu'il tentait de s'éclipser des Archives nationales. Et ne me lancez pas sur le traitement privilégié et écœurant qu'a reçu Hillary Clinton de la part du FBI au sujet de son serveur maison illégal. Dans ces autres cas, le FBI n'a pas pris d'assaut les maisons des coupables, comme il l'a fait avec Trump et Mar-a-Lago. Ironiquement, ces deux poids deux mesures renforcent la position de Trump, car son accusation selon laquelle il existe un ensemble de règles pour les démocrates et un autre pour les républicains ne semble malheureusement que trop vraie.
Pour toutes ces raisons, ne croyez pas au battage médiatique sur le « retour » de Biden. Mon cabinet, qui a parfaitement prédit les résultats de 2020 (jusqu'à l'égalité au Sénat), estime que le parti républicain a encore de fortes chances de remporter 20 à 30 sièges à la Chambre des représentants tandis que l'issue du scrutin au Sénat reste imprévisible (aujourd'hui, nous l'estimons à 50-50). Lorsque les vœux pieux remplacent la pensée authentique, on obtient des histoires comme celles-ci.
Le Dr John C. Hulsman est président et associé directeur de John C. Hulsman Enterprises, une importante société de conseil en matière de risque politique mondial. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la City de Londres. Il est joignable via johnhulsman.substack.com.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com