La Turquie «cède la main à la Russie» dans le Caucase

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, à droite, est accueilli par le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, au centre, à Bakou, en Azerbaïdjan, le jeudi 10 décembre 2020 (Photo, AP)
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, à droite, est accueilli par le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, au centre, à Bakou, en Azerbaïdjan, le jeudi 10 décembre 2020 (Photo, AP)
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Publié le Mardi 02 février 2021

La Turquie «cède la main à la Russie» dans le Caucase

  • Neil Hauer, un spécialiste des conflits dans le Caucase, déclare que la Turquie n'a fait que des progrès limités par rapport à ses objectifs
  • «Cette position offre à la Russie un contrôle encore plus considérable sur le conflit, alors qu’elle dominait déjà le paysage en plaçant 2 000 soldats de la paix au Karabakh»

ANKARA: Un centre conjoint turco-russe, créé dans le but de surveiller le cessez-le-feu dans le Haut-Karabakh, a soulevé des questions en Turquie et au sein de la communauté internationale quant à son effet sur lutte pour le pouvoir dans le Caucase.

Inaugurée le 30 janvier, l’installation doit superviser l’accord de cessez-le-feu conclu en novembre dernier entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, après six semaines de combats virulents.

Environ 120 militaires de Turquie et de Russie, qui n’opèrent pas sous un commandement interarmes, seront déployés dans le village de Qiyamedinli, dans le district d’Aghjabadi en Azerbaïdjan.

Des drones seront utilisés lors de la mission.

Aydin Sezer, un spécialiste de la politique russe basé à Ankara, affirme que l'ouverture d'un centre de surveillance à l’extérieur du territoire du Haut-Karabakh n’est pas synonyme de poids politique turc dans la région. «C'est une décision ridicule qui sert strictement un objectif domestique. Ankara a donné au Kremlin un nouvel espace de manœuvre dans les territoires azéris par inadvertance. La Turquie ne participe pas au processus décisionnel officiel qui balise l'accord de cessez-le-feu», dit-il à Arab News.

Il ajoute qu’Ankara doit impérativement normaliser ses relations avec l'Arménie si elle souhaite avoir un rôle actif dans la géopolitique du Caucase du Sud. «Les dirigeants turcs ont le pouvoir de caresser la nouvelle administration Biden dans le sens du poil», affirme-t-il.

Mais d'autres experts voient dans le centre commun une reprise des modèles de coopération précédents entre Ankara et le Kremlin, confrontés aux mêmes défis et difficultés.

«L'Observatoire commun turco-russe ne jouera certes pas un rôle central dans le Haut-Karabakh, mais il symbolise néanmoins une reconnaissance russe de la Turquie comme partenaire régional dans la résolution des conflits dans le Caucase», déclare Emre Ersen, un expert des relations entre les deux pays à l'Université de Marmara, à Arab News.

«Moscou a longtemps fait preuve de réticence face à un potentiel rôle turc plus actif dans la région Pendant de nombreuses années après l'effondrement de l'Union soviétique», a-t-il ajouté.

Ersen insiste cependant que l'influence politique de la Russie dans le Caucase a considérablement augmenté à la suite de l'accord de cessez-le-feu. La dernière réunion entre le président russe Vladimir Poutine, son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliyev et le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan à Moscou le prouve. «Que les dirigeants turcs soient absents de cette réunion peut être interprété comme une indication de la volonté de la Russie, encore déterminée à maintenir son statut d’arbitre unique dans le Caucase», dit-t-il.

Mais Ersen estime que la Turquie et la Russie essaient peut-être d’appliquer le même type de dialogue dans le Caucase qu’ils ont lancé en Syrie et en Libye, et qui tente de limiter le rôle de l'Occident dans les enjeux de la région.

Ankara a longtemps critiqué le Groupe de Minsk issu de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, dirigé par la Russie, les États-Unis et la France, pour son incapacité à résoudre le conflit du Haut-Karabakh malgré des décennies de médiation.

Raouf Mammadov, chercheur résident à l'Institut du Moyen-Orient, affirme que le lancement du centre commun constitue un «succès, quoique mitigé» pour la Turquie.

«Malgré la résistance de Moscou, Ankara a réussi à établir une présence militaire dans la région. Bien que le centre commun soit situé à l'extérieur du Haut-Karabakh, elle a jeté les bases d'un futur rôle plus soutenu dans la géographie en invitant son rival traditionnel russe», explique-t-il à Arab News.

 

En Bref

Inaugurée le 30 janvier, l’installation doit superviser l’accord de cessez-le-feu conclu en novembre dernier entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, après six semaines de combats virulents.

Mammadov ajoute que le centre commun est un compromis de la Russie face à la Turquie qui insiste à être plus active dans paysage régional après la guerre.

«En s’associant à Ankara dans la région, Moscou reconnaît l’influence croissante du premier dans le Caucase du Sud, en particulier en Azerbaïdjan. Mais en même temps, en localisant le centre en dehors du Haut-Karabakh, le Kremlin préserve son rôle exclusif en tant que juge principal des problèmes des parties en conflit au Haut-Karabakh », a-t-il déclaré.

Des rumeurs circulent sur la volonté d’Ankara de normaliser ses relations avec l’Arménie et d’ouvrir les frontières. Le seul obstacle avant la fermeture de la frontière, et qui a duré pendant près de trois décennies,  était l'occupation arménienne de sept régions azéries adjacentes au Haut-Karabakh. Ce problème a été résolu dans le cessez-le-feu négocié par la Russie.

Tout comme Sezer, Mammadov estime que la normalisation des relations de la Turquie avec l'Arménie est un passage obligé vers un plus grand rôle dans la région.

«Les pays bénéficieraient tous deux de relations diplomatiques et économiques actives qui réduisent la dépendance de l’Arménie à la Russie», a-t-il déclaré.

En 2009, le président turc de l'époque Abdullah Gul et son homologue arménien Serzh Sarkissian ont commencé une «diplomatie du football». Assister aux matches disputés par leurs équipes nationales, a culminé avec des documents historiques qui ont ouvert la voie à des relations diplomatiques.

Mais l’initiative s'est rapidement retournée contre les deux chefs d’État suite à une opposition intense parmi les nationalistes turcs et arméniens.

Neil Hauer, un spécialiste des conflits dans le Caucase, déclare que la Turquie n'a fait que des progrès limités par rapport à ses objectifs, car le nouveau centre de surveillance du cessez-le-feu n'est pas lié à l'accord tripartite, et n’implique pas Ankara dans les futures négociations.

«La Turquie a effectivement fait des progrès dans ses objectifs régionaux, elle détient maintenant au moins une base commune avec la Russie pour surveiller le cessez-le-feu. Mais en réalité, elle n’est pas à la veille d'être incluse dans les négociations autour du Karabakh et de son statut », explique-t-il à Arab News.

Par contre, ajoute-t-il, le centre commun est «assurément une réussite» pour la Russie.

Hauer a déclaré: «La Turquie aurait très bien pu ouvrir une base en Azerbaïdjan à travers un accord bilatéral entre Ankara et Bakou. Mais c’est la Russie qui a plutôt établi une présence militaire aux deux côtés de la ligne de contact, chez les Arméniens du Karabakh, comme chez les Azéris.

«Cette position offre à la Russie un contrôle encore plus considérable, alors qu’elle dominait déjà le paysage en plaçant 2 000 soldats de la paix au Karabakh. La principale conclusion est qu’elle fait plus que jamais la loi dans ce conflit».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Le nombre de prix remportés par Arab News s’élève à cent vingt-cinq, avec trois nouvelles récompenses au concours Newspaper Design

Les reconnaissances passées englobent une gamme de projets spéciaux, notamment la couverture du « Règne animal saoudien », le « Guide étape par étape du Hajj 2023 » et l'édition spéciale de la « Coupe du monde de la FIFA Qatar 2022 ». (Photo, AN)
Les reconnaissances passées englobent une gamme de projets spéciaux, notamment la couverture du « Règne animal saoudien », le « Guide étape par étape du Hajj 2023 » et l'édition spéciale de la « Coupe du monde de la FIFA Qatar 2022 ». (Photo, AN)
Les reconnaissances passées englobent une gamme de projets spéciaux, notamment la couverture du « Règne animal saoudien », le « Guide étape par étape du Hajj 2023 » et l'édition spéciale de la « Coupe du monde de la FIFA Qatar 2022 ». (Photo, AN)
Les reconnaissances passées englobent une gamme de projets spéciaux, notamment la couverture du « Règne animal saoudien », le « Guide étape par étape du Hajj 2023 » et l'édition spéciale de la « Coupe du monde de la FIFA Qatar 2022 ». (Photo, AN)
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  • Présidé par Mario Garcia, le jury de cette année a félicité Arab News pour son innovation et ses prouesses en matière de narration visuelle
  • Ces distinctions témoignent de l’évolution éditoriale d’Arab News sous la direction de son rédacteur en chef, Faisal J. Abbas, qui a mené sa relance en 2018

LONDRES: Arab News, le premier quotidien anglophone d’Arabie saoudite, a remporté trois prix d’excellence lors du 6e concours Newspaper Design, ce qui porte le nombre total de récompenses à cent vingt-cinq depuis sa relance, en 2018.

The Kingdom's Bride and Joy La Mariée et la Joie du Royaume»), qui était une édition papier spéciale consacrée au mariage royal jordanien, a remporté le prix de la meilleure page, et Riyadh: A city steeped in history Riyad: une ville chargée d’histoire») celui de la meilleure double page. Accession to the British ThroneL’accession au trône britannique») a obtenu le prix de la meilleure infographie pour la couverture spéciale qu’Arab News a réservée au couronnement du roi Charles III, l’année dernière.

Créé en 2009, Newspaper Design est le premier site Internet d’Asie consacré à la conception de journaux. Il récompense les contributions exceptionnelles à la conception de journaux, tant dans les médias imprimés qu’en ligne.

Présidé par Mario Garcia, un concepteur de médias américano-cubain de renommée mondiale, le jury de cette année a félicité Arab News pour son innovation et ses prouesses en matière de narration visuelle.

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La page The Kingdom's Bride and Joy, qui commémore l’union historique entre le prince héritier Hussein de Jordanie et la Saoudienne Rajwa al-Saif, a été saluée pour son illustration cinématographique, qui soulignait l’importance de l’événement. «Cette page commémore un événement historique. Elle en saisit l’ampleur et la signification grâce à une illustration soignée qui ressemble davantage à une affiche de film remarquablement conçue qu’à une simple première page de journal», ont estimé les juges.

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De même, la page consacrée à la fête nationale de l’Arabie saoudite et à la campagne d’Arab News sur l’Expo 2030 a été saluée pour son mélange innovant de photographies de paysages et d’illustrations. Ce document raconte de manière lumineuse l'histoire de la ville de Riyad.

La couverture par Arab News de l’accession au trône du roi Charles III en mai dernier a été récompensée pour ses infographies élégantes et festives. En décembre, la page a également été récompensée dans la catégorie «Suppléments» pour les occasions spéciales des European Newspaper Awards.

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Ces distinctions témoignent de l’évolution éditoriale d’Arab News sous la direction de son rédacteur en chef, Faisal J. Abbas, qui a mené sa relance en 2018.

Sous la direction d’Omar Nashashibi, chef du département de conception, Arab News continue de recevoir des éloges et a récemment reçu plusieurs prix lors de la 59e édition de la prestigieuse Society of Publications Designers, notamment pour sa première page Onions' tears and inflation fears et pour sa conception personnalisée de l’enquête spéciale The Kingdom vs Captagon («Le Royaume contre le Captagon»).

Les récompenses obtenues par le passé englobent toute une série de projets spéciaux, notamment plusieurs prix internationaux pour la couverture du «Royaume animal saoudien», pour le «Guide du Hajj 2023, étape par étape» et pour l'édition spéciale de la «Coupe du monde de football 2022 au Qatar».

Pour plus d’informations sur Arab News et ses projets primés, consultez le lien suivant: https://www.arabnews.com/greatesthits

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le roi et le prince héritier saoudiens présentent leurs condoléances au président des EAU à la suite du décès d’un haut responsable

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  • Le roi Salmane a fait part de ses «plus profondes et sincères condoléances» après le décès du cheikh Tahnoun ben Mohammed al-Nahyane
  • Le prince héritier, Mohammed ben Salmane, a lui aussi exprimé ses «condoléances les plus chaleureuses et les plus sincères»

RIYAD: Le roi Salmane et le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, ont présenté jeudi leurs condoléances au président des Émirats arabes unis (EAU) après le décès d’un haut responsable et membre de la famille royale, a rapporté l’agence de presse saoudienne (SPA).

Dans un télégramme adressé au cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyane, le roi Salmane a fait part de ses «plus profondes et sincères condoléances» après le décès du cheikh Tahnoun ben Mohammed al-Nahyane, représentant de l’émir d’Abu Dhabi à Al-Aïn, le 1er mai 2024.

Le prince héritier, Mohammed ben Salmane, a lui aussi exprimé ses «condoléances les plus chaleureuses et les plus sincères» dans un télégramme séparé adressé au président émirati, selon la SPA.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza: le coût de la reconstruction estimé entre 30 et 40 milliards de dollars, selon l'ONU

Près de sept mois de bombardements israéliens ont causé des milliards de dollars de dégâts, réduisant en tas de nombreux immeubles en béton de grande hauteur de la bande surpeuplée. (AFP)
Près de sept mois de bombardements israéliens ont causé des milliards de dollars de dégâts, réduisant en tas de nombreux immeubles en béton de grande hauteur de la bande surpeuplée. (AFP)
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  • Les estimations du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour tout reconstruire dans la bande de Gaza dépassent les 30 milliards de dollars, pouvant aller jusqu'à 40 milliards de dollars
  • Si la reconstruction de Gaza devait être menée selon le processus traditionnel, cela pourrait prendre des décennies, et le peuple palestinien n'a pas le luxe de patienter si longtemps

AMMAN: L'ONU a estimé jeudi entre 30 et 40 milliards de dollars le coût de la reconstruction de la bande de Gaza, ravagée depuis bientôt sept mois par une guerre dévastatrice entre Israël et le Hamas palestinien, à cause de l'ampleur sans précédent des destructions.

"Les estimations du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour tout reconstruire dans la bande de Gaza dépassent les 30 milliards de dollars, pouvant aller jusqu'à 40 milliards de dollars", a déclaré Abdallah al-Dardari, directeur du bureau régional pour les Etats arabes du PNUD, lors d'une conférence de presse à Amman.

"L'ampleur de la destruction est énorme et sans précédent (...) C'est une mission à laquelle la communauté internationale n'a pas été confrontée depuis la Seconde Guerre mondiale", a encore dit M. Dardari, également sous-secrétaire général de l'ONU.

Il a indiqué que "des discussions ont eu lieu concernant le financement (de la reconstruction) avec des pays arabes", faisant état de "signaux extrêmement positifs", sans donner plus de détails.

Il a ajouté que si la reconstruction de Gaza devait être menée selon le processus traditionnel, "cela pourrait prendre des décennies, et le peuple palestinien n'a pas le luxe de patienter" si longtemps.

"Il est donc important que nous agissions rapidement pour reloger les gens dans des logements décents et rétablir leur vie normale sur les plans économique, social, sanitaire et éducatif. C'est notre priorité absolue, et cela doit être réalisé dans les trois premières années suivant la cessation des hostilités."

En outre, il a estimé à "37 millions de tonnes" le total des décombres accumulés à la suite des bombardements et des explosions. "Nous parlons d'un chiffre colossal, et ce chiffre augmente tous les jours. Les dernières données indiquent qu'il approche déjà les 40 millions de tonnes".

Chute du PIB

Le responsable de l'ONU a d'autre part précisé que "72% de tous les bâtiments résidentiels avaient été entièrement ou partiellement détruits".

Aussi, "le développement humain à Gaza, dans tous ses aspects, notamment la santé, l'éducation, l'économie et les infrastructures, a reculé de 40 ans. Quarante années d'efforts et d'investissements sont parties en fumée".

"La reconstruction doit être minutieusement planifiée, efficace et d'une manière extrêmement flexible, car nous ignorons comment la guerre prendra fin" et quel type de gouvernance sera établi dans la bande de Gaza, a-t-il encore dit.

M. Dardari a souligné l'importance d'une préparation en amont pour pouvoir agir dès la fin des hostilités. "Nous devons être prêts pour fournir des logements temporaires décents, déblayer les décombres et nous occuper des milliers de cadavres qui se trouvent sous ces décombres".

Le PNUD estime dans un rapport publié jeudi que la guerre devrait entraîner en 2024 une perte de 26,9% du PIB pour l'ensemble des Territoires palestiniens, par rapport aux projections initiales du bureau palestinien des statistiques.

Avant le début de la guerre le 7 octobre, la croissance palestinienne était prévue à 3,5% en 2023, mais l'année s'était achevée sur une récession de 5,5% - une différence presque totalement due à l'effondrement de l'économie gazaouie, qui a reculé de plus 90% sur les trois derniers mois de l'année.

La Cisjordanie occupée est également concernée, son économie chutant de 18,8% sur le dernier trimestre 2023 par rapport à la même période un an plus tôt.

"La guerre dévastatrice à Gaza entraînera un coût économique et social pour les futures générations qui entraveront la reprise post-guerre et le développement dans l'ensemble des territoires palestiniens occupés", a ajouté le rapport.

L'espérance de vie dans l'ensemble des territoires palestiniens a chuté de quatre ans et pourrait même perdre sept années si la guerre dure trois mois de plus.