Le redéploiement des troupes US relance le débat sur la confiance

Des observateurs européens et américains ont affirmé que ces changements pourraient affaiblir l’OTAN (Photo, AFP)
Des observateurs européens et américains ont affirmé que ces changements pourraient affaiblir l’OTAN (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 05 août 2020

Le redéploiement des troupes US relance le débat sur la confiance

Le redéploiement des troupes US relance le débat sur la confiance
  • On ignore vraiment pourquoi ces décisions ont été prises en ce moment. Etaient-elle basées sur des raisons politiques, militaires ou financières ?
  • Les Etats-Unis ont certainement le droit de déplacer ou d’étendre leur champ d’action en fonction des intérêts de leur sécurité nationale, mais ces intérêts pourraient être mieux servis en maintenant un dialogue sain et régulier avec leurs alliés

Les Etats-Unis semblaient faire suite à la menace du Président Donald Trump de réduire le nombre des soldats américains en Allemagne. Selon un communiqué du Pentagone, 12.000 soldats seront retirés du pays. La moitié d’entre eux seront redéployés dans d’autres pays européens, et le reste sera réparti entre l’Europe et les Etats-Unis. De plus, le Commandement Européen ainsi que le Commandement des Opérations Spéciales des Etats-Unis seront transférés de Stuttgart jusqu’en Belgique.
On ignore vraiment pourquoi ces décisions ont été prises en ce moment. Etaient-elle basées sur des raisons politiques, militaires ou financières ? Des observateurs européens et américains ont affirmé que ces changements pourraient affaiblir l’OTAN et ébranler la confiance des alliés des Etats-Unis dans leur engagement au principe de défense mutuelle qui soutient l’alliance Nord Atlantique. Le Secrétaire d’Etat Américain à la Défense Mark Esper a écarté de telles critiques en déclarant que le redéploiement des troupes renforcerait l’OTAN et la dissuasion et rassurerait les alliés.
Le redéploiement mettra du temps à être effectué, et pourrait ne pas être terminé avant l’élection présidentielle américaine en novembre. Le calcul de l’après élection pourrait être différent, indépendamment de qui la remporterait, cependant que la question pourrait être considérée à nouveau. Certains affirment toutefois que l’atteinte à la confiance des Etats-Unis est déjà effectuée, même en cas de retour sur cette décision.
Au cas où l’engagement des Etats-Unis envers leur alliance la plus importante était remis en cause, quelles chances auraient ses autres partenariats ?
En juin, le Général Kenneth F. McKenzie, du Commandement Central américain, a déclaré que le Pentagone ressentait la nécessité de se tourner vers ‘’là où se trouvent les plus grandes menaces’’ et en ce sens, transférer les ressources du Moyen-Orient pour s’opposer à la Chine sur le plan militaire. A l’instar d’Esper, McKenzie rassurait les partenaires régionaux, déclarant qu’en tant que ‘’superpuissance mondiale,’’ les Etats-Unis seront toujours là pour ‘’contrer l’intrusion croissante’’ des autres puissances dans le Golfe.
Les Etats-Unis ont certainement le droit de déplacer ou d’étendre leur champ d’action en fonction des intérêts de leur sécurité nationale, mais ces intérêts pourraient être mieux servis en maintenant un dialogue sain et régulier avec leurs alliés et partenaires.
Certaines des préoccupations financières des Etats-Unis sont justifiées. Dans le cas de l’OTAN, l’alliance a été constituée à une période où l’Amérique avait la capacité financière de financer ses opérations ou de maintenir un haut niveau de présence militaire. Cependant, le Produit Intérieur Brut (PIB) des Etats-Unis ne représente plus actuellement que la moitié environ du PIB conjugué de sa participation à l’OTAN. La Maison-Blanche a demandé une répartition plus équilibrée des charges, indiquant qu’elle dépensait plus de 3,5 pour cent de son PIB pour la défense, alors que la plupart des membres de l’OTAN dépensaient moins que deux pour cent. Ce problème ne se pose pas dans le Golfe en raison du fait que les dépenses des Etats du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) sont beaucoup plus élevées par rapport à leur PIB, que les Etats-Unis.
Alors que les Etats-Unis font face à ces problèmes, leurs partenaires en Europe, dans le Golfe et au Moyen-Orient ont également soulevé des questions au sujet de leurs décisions soudaines qui influent sur leur sécurité ainsi que sur la possibilité qu’ils ont de compter sur Washington. A titre d’exemple, en 2003, les Etats-Unis décidaient d’envahir l’Irak, contre l’avis de leurs partenaires dans la région. A cette époque, certains dirigeants du Golfe ont exprimé leur préoccupation du fait que cette invasion ‘’avait offert l’Irak à l’Iran sur un plateau d’argent.’’ Les Etats-Unis ont ensuite vite fait de démanteler l’Etat irakien et son système de sécurité, créant des conditions chaotiques qui ont bénéficié à l’Iran et donné la possibilité à Al-Qaeda et à d’autres groupes terroristes de se développer dans le pays, menaçant ainsi la sécurité de leurs partenaires dans le Golfe. 
En 2011, les Etats-Unis prenaient la décision de retirer leurs troupes d’Irak – de nouveau contrairement aux recommandations de leurs partenaires régionaux – permettant ainsi aux terroristes de se regrouper sous la nouvelle bannière de l’ISIS. L’Iran a profité encore une fois du vide créé par le retrait américain. Alors que Trump avait envoyé davantage de soldats en Irak, l’on parle maintenant une fois de plus de réduire sensiblement leur nombre. Ce même va-et-vient est arrivé en Syrie, en Afghanistan, en Libye et ailleurs.
Cela n’est pas pour insinuer qu’il n’y a pas de consultations entre les Etats-Unis et leurs partenaires. Il y a de fréquents échanges au sujet de toutes ces questions, mais il est nécessaire d’établir un cadre plus systématique, avec des informations communiquées aux responsables et aux dirigeants.
L’OTAN a sa propre structure basée sur l’accord de 1947 qui a institué l’organisation. Les Etats-Unis et l’UE ont également établi des canaux réguliers pour le dialogue. Au Golfe, il y a le Forum Stratégique pour la Coopération entre le CCG et les USA, qui a été créé en 2012, en vue de fournir une plateforme pour des consultations régulières sur la politique et la sécurité, sous les auspices des ministres des affaires étrangères et de la défense des deux parties.
En septembre 2012, les deux parties ont signé un accord sur l’économie, le commerce, les investissements ainsi que la coopération technique, pour compléter les objectifs politiques et sécuritaires du Forum Stratégique pour la Coopération. 
En mai 2015, les consultations entre le CCG et les Etats-Unis ont été renforcées à travers l’établissement du Partenariat Stratégique CCG-USA, menées par les chefs d’états assistés de dizaines de ministres, de hauts responsables ainsi que de groupes de travail conjoints.
Ces plateformes existent toujours et pourraient être utilisées plus efficacement pour discuter des positions politiques et sécuritaires des USA et du CCG dans le Golfe, dans l’ensemble du Moyen-Orient, ainsi que dans d’autres régions où les deux parties ont des intérêts et des engagements.
Outre les deux plateformes d’échanges entre les Etats-Unis et leurs partenaires du Golfe, ainsi qu’entre les Etats-Unis et leurs alliés européens, il importe grandement d’établir un dialogue régulier avec un grand nombre de partenaires. A titre d’exemple, les Etats-Unis, l’OTAN, le CCG et l’UE partagent tous des intérêts et des problèmes de sécurité en de nombreux points sensibles, et devraient être à même d’établir une meilleure coordination. Les décisions américaines de redéploiement de troupes ou de changement d’objectifs pourraient être discutées à travers ces plateformes en sorte que les alliés et les partenaires soient capables de préparer et prendre des mesures dans des délais convenables, évitant ainsi de créer des vides sécuritaires susceptibles de nuire à leur défense nationale.

Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation, et un chroniqueur pour Arab News. Twitter: @abuhamad1

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com