BEYROUTH: Corps gisant au sol, immeubles dévastés, carcasses de voitures: deux énormes explosions dans le port de Beyrouth ont pratiquement anéanti la capitale libanaise. Selon le dernier bilan de la Croix-rouge libanaise, plus de 100 personnes ont été tuées et plus de 4.000 autres blessées. Un précédent bilan du ministère de la Santé faisait état de 78 morts.
Des Casques bleus ont été grièvement blessés à bord d'un navire amarré dans le port, selon la mission de l'ONU au Liban.
Des secouristes, épaulés par des agents de sécurité, ont cherché toute la nuit des survivants ou des morts coincés sous les décombres. Les opérations continuent, selon la Croix-Rouge.
Les hôpitaux de la capitale, déjà confrontés à la pandémie de Covid-19, sont saturés.
"C'était comme une bombe atomique. J'ai tout vu dans ma vie, mais rien de tel", a dit Makrouhie Yerganian, un professeur à la retraite, vivant depuis plus de 60 ans en face du port.
Le Premier ministre Hassan Diab a affirmé que ces déflagrations étaient notamment dues à l'explosion de quelque 2750 tonnes de nitrate d'ammonium, substance qui entre dans la composition de certains engrais mais aussi d'explosifs. Le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, avait indiqué auparavant que les explosions étaient peut-être dues à des "matières explosives confisquées depuis des années".
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Vers 18h locales, une première explosion a été entendue à Beyrouth, agglomération de quelque deux millions d'habitants, suivie d'une autre, très puissante, qui a provoqué un gigantesque champignon dans le ciel. Les immeubles ont tremblé et les vitres ont été brisées à des kilomètres à la ronde. Le souffle a été ressenti jusque sur l'île de Chypre, à plus de 200 km.
"Catastrophe"
La mission de l'Organisation des nations unies (ONU) au Liban a affirmé que des Casques bleus avaient été grièvement blessés à bord d'un navire amarré dans le port. Des membres du personnel de l'ambassade d'Allemagne ont aussi été blessés, selon Berlin.
Dans les rues de Beyrouth, des soldats ont évacué des habitants abasourdis, certains couverts de sang, T-shirt autour du crâne pour panser leurs blessures. Des voitures, airbags ouverts, mais aussi des bus, ont été abandonnés au beau milieu des routes. Des habitations proches du port ont été rasées ou fortement endommagées. Un témoin a estimé que l'explosion était "plus forte que celle lors de l'assassinat de Rafic Hariri". Le 14 février 2005, un attentat spectaculaire provoqué par une camionnette bourrée d'explosifs avait ciblé le convoi de l'ex-Premier ministre, le tuant ainsi que 21 autres personnes et faisant plus de 200 blessés. La déflagration avait provoqué des flammes hautes de plusieurs mètres, soufflant les vitres des bâtiments dans un rayon d'un demi-kilomètre.
"Inadmissible"
Plusieurs heures après le drame, des hélicoptères continuaient de déverser de l'eau pour tenter d'éteindre les flammes. Le secteur du port a été bouclé par les forces de sécurité, qui ne laissaient passer que la défense civile, les ambulances aux sirènes hurlantes et les pompiers. Outre les images ahurissantes des explosions, des photos postées sur les réseaux sociaux ont montré des dégâts à l'intérieur du terminal de l'aéroport international de Beyrouth, situé à neuf kilomètres du site. Un navire arrimé face au port a pris feu, mais il n'était pas possible de déterminer s'il y avait à son bord des passagers.
Beyrouth "ville sinistrée"
Après le drame, le Conseil supérieur de la Défense a déclaré Beyrouth "ville sinistrée", et le président Michel Aoun a déploré "une catastrophe majeure". Le Premier ministre a décrété mercredi jour de deuil national. Il a promis que les responsables devraient "rendre des comptes". "Il est inadmissible qu'une cargaison de nitrate d'ammonium, estimée à 2750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution.
C'est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire", a déclaré Hassan Diab devant le Conseil supérieur de défense, selon des propos rapportés par un porte-parole en conférence de presse. M. Diab a appelé les "pays amis" à fournir une aide d'urgence, alors que ce drame vient s'ajouter à l'immense détresse des Libanais: le pays connaît sa pire crise économique depuis des décennies, marquée par une dépréciation monétaire inédite, une hyperinflation, des licenciements massifs et des restrictions bancaires drastiques.
(Photos et cartes, AFP).