PARIS: L’assaut perpétré le 6 janvier contre le Capitole par plusieurs centaines de partisans du président américain Donald Trump restera gravé dans le marbre.
Cette attaque visait le bâtiment qui abrite le siège du Congrès et de la Chambre des représentants, c’est-à-dire le cœur de la démocratie américaine. Elle a provoqué une onde de choc dont les secousses continuent à se faire sentir.
Vu de l’étranger, c’est un titan de la démocratie qui se fissurait sous nos yeux, à travers les images de l’événement, retransmises par les télévisions de la terre entière.
La stupeur atteint son comble devant ces scènes de vandalisme perpétrées par les assaillants, et surtout devant l’identité de ces assaillants.
Ce sont Trump et ses partisans qui ont présenté au monde, pendant environ quatre heures, les pires images qu’on puisse montrer de la plus grande puissance mondiale
Car ce ne sont pas des éléments étrangers, comme lors des attentats du 11-Septembre ou les bombardements aériens japonais de Pearl Harbor de décembre 1941, mais des citoyens américains purs et durs.
De même, le donneur d’ordre n’est ni un esprit diabolique vouant une haine viscérale aux États-Unis, tel que le chef d’Al-Qaïda, Oussama ben Laden, ni un pays étranger, mais Donald Trump, le chef suprême en personne.
Ainsi donc, ce sont Trump et ses partisans qui ont présenté au monde, pendant environ quatre heures, les pires images qu’on puisse montrer de la plus grande puissance mondiale.
Ce sont Trump et ses partisans qui ont mis à mal les institutions américaines et la Constitution en cherchant à interrompre une procédure constitutionnelle.
Cette procédure, qui consistait à certifier par les deux chambres du Congrès l’élection du candidat démocrate Joe Biden en tant que 46e président américain, ne constitue qu’une routine qui précède l’intronisation (le 20 janvier); elle n’a jamais été accompagnée de violence par le passé.
Mais, par son acharnement à refuser de reconnaître sa défaite électorale, Trump l’a transformée en épisode cauchemardesque, qui marquera à jamais les États-Unis.
À partir de ce constat, on ne peut que s’interroger: le problème se limite-t-il à Trump lui-même? Suffit-il que le pouvoir passe aux mains du président élu pour que tout rentre dans l’ordre? La réponse est oui, pour certains.
Ils estiment que la tentative qui avait pour but de torpiller la certification de la victoire de Biden était une sorte de baroud d’honneur de la part d’un président sortant qui n’aime pas perdre.
À partir du moment où le populisme a réussi à ébranler la démocratie américaine, plus aucune démocratie n’est à l’abri d’un tel séisme.
Même, ils tentent de relativiser la gravité des événements qu’a vécus Washington et, à travers la capitale, les États-Unis et le monde entier.
Pour eux, c’est la démocratie qui a triomphé, puisque les institutions démocratiques ont résisté et que des responsables républicains, avec en tête le vice-président Mike Pence, se sont désolidarisés du président sortant.
Ce point de vue occulte le fait que nous avons pu constater par nous-mêmes, le 6 janvier: les États-Unis sont un pays malade de ses contradictions et de ses profonds clivages.
Ce sont ces clivages qui ont porté Trump à la présidence en 2016 et qui lui ont permis de réunir environ 75 millions de voix lors du dernier suffrage.
Ce sont des groupes anarchistes, complotistes, suprématistes et populistes, galvanisés par la personnalité de Trump et par sa méthode burlesque d’exercer le pouvoir, qui lui ont permis d’assujettir le parti républicain tout au long de sa présidence.
Ce sont toujours eux qui représenteront la véritable opposition face au parti démocrate, et qui menacent d’ores et déjà de perturber la prochaine cérémonie d’intronisation.
Trump est leur visage, leur symbole. Sa présidence leur a permis d’exister, de découvrir leur poids et leur capacité d’obstruction, et ils vont dorénavant poursuivre leur action en son nom, mais sans lui.
Une fois Biden au pouvoir, ils ne vont pas disparaître. Bien au contraire: avoir affaire à eux sera un problème important parmi ceux que le président élu aura à gérer.
Le même problème se pose d’ailleurs pour le parti républicain, qui devra définir une manière de se rassembler et choisir de composer ou non avec les partisans de Trump.
C’est là un grand dilemme qui, s’il n’est pas bien géré, fait du président sortant une véritable menace pour l’élection présidentielle de 2022.
Il existe également un grand dilemme pour les démocraties dans le monde, en prise avec leurs propres courants nationalistes, et qui se sont empressées, la France en tête, de condamner l’assaut du Capitole par crainte d’une contagion.
À partir du moment où le populisme a réussi à ébranler la démocratie américaine, plus aucune démocratie n’est à l’abri d’un tel séisme.
C’est ce qui pourrait expliquer les propos du président français, Emmanuel Macron, qui affirme, condamnant les événements de Washington: «Nous ne céderont rien» face au populisme.
Arlette Khoury vit et travaille à Paris depuis 1989.
Pendant vingt-sept ans, elle a été journaliste au bureau parisien d’Al-Hayat.
TWITTER : @khouriarlette
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.