Il faudra du temps au monde pour assimiler et digérer les manifestations survenues mercredi dernier au Capitole Hill. Ceux qui ont été scandalisés n'ont certainement pas suivi tous les événements. Ont-ils oublié le rassemblement de suprématistes blancs à Charlottesville en 2017? Les avertissements n’ont pourtant pas manqué.
L’assaut du Capitole aurait pu se produire bien avant, et être bien plus violent. Deux bombes artisanales ont été retrouvées à Washington. Elles ont, heureusement, été neutralisées. Qu'en serait-il si les manifestants avaient fait usage d’armes à feu? Dans ce contexte, il convient de rappeler que la grande majorité des actes terroristes qui se déroulent aux États-Unis sont perpétrés par des groupes d'extrême droite, et non par des musulmans.
Imaginez les réactions si des groupes noirs ou musulmans avaient assailli le Capitole des États-Unis: elles n’auraient rien eu à voir avec la scène observée cette semaine, dans laquelle la police escortait tranquillement les voyous hors du bâtiment.
Cela fait toute la différence. Washington agit comme le porte-drapeau des pays démocratiques depuis 1945, et même au-delà. Les images des voyous d'extrême droite portant des drapeaux de la Confédération et des emblèmes nazis doivent rester gravées dans notre mémoire collective.
Cela pourrait inspirer d'autres imitateurs, tels que les succursales des Proud Boys ou le mouvement des Oath Keepers en Europe. Il est possible que les groupes d'extrême droite aient pour but de s'emparer des centres politiques de leur propre pays. Les Parlements ressembleront-ils à des camps militaires plutôt qu'à des lieux dédiés à la vie démocratique, où les politiciens élus communiquent avec les électeurs?
Les dictateurs se mettront alors à ronronner. Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue chinois, Xi Jinping, en seront ravis. De nombreux États invoqueront ces scènes qui leur serviront à justifier le fait qu’ils ne tiennent pas compte des critiques que les États-Unis feront à l'égard de leurs pratiques à l'avenir.
C'est un échec monumental pour toute la classe politique américaine et pour une bonne partie de ses médias. Mais cet échec n'a pas débuté en 2016 et il ne prendra pas fin le 20 janvier 2021. Certes, le président Donald Trump a joué un rôle d’«agitateur» dans ce mouvement. Mais il n'était pas le seul acteur: tout un écosystème l'a soutenu.
Pour échapper à ce chaos, les États-Unis ont le choix entre plusieurs orientations. Ils pourraient poursuivre la voie violente des divisions et de la polarisation, ce qui épuiserait l'oxygène du nouveau gouvernement Biden en lutte contre la pandémie.
Le monde des médias et des médias sociaux peut continuer à fomenter les divisions, tandis que la population, cloisonnée, ne peut écouter que sa propre voix. Les médias sont appelés à restaurer la confiance des gens grâce à leur couverture journalistique. La vérité et les faits doivent retrouver un peu de leur valeur. En ce moment, l'avertissement de George Orwell nous revient à l'esprit: «Plus la société s'éloigne de la vérité, plus elle déteste ceux qui la disent.»
La prise d'assaut du Capitole pourrait marquer un tournant qui empêcherait de telles situations de se reproduire.
Toutefois, le scénario le plus optimiste serait que le peuple américain se réveille et passe à l'action. Ce moment pourrait marquer un tournant dans la rénovation de la démocratie américaine et il empêcherait de telles situations de se reproduire.
Ainsi, il faut un leadership politique et un effort national colossal de la part des deux partis. Le 25e amendement n'est pas nécessaire pour destituer le président – à moins que la situation ne dégénère – et aucune des mesures de destitution n’est requise. Il faut que des personnalités telles que Mike Pence et Mitch McConnell fassent savoir aux républicains que les élections n'ont pas été volées. Le rétablissement de l'État de droit exige que des procédures légales soient engagées, d’abord vis-à-vis de ceux qui ont violé le siège de la démocratie américaine et qui ont saccagé les bureaux des représentants élus du peuple.
Les démocrates, eux aussi, ont un rôle à jouer. Après avoir conquis le Sénat au terme du second tour de l’élection en Géorgie, ils détiennent désormais le pouvoir, ce qui constitue une responsabilité de taille. Peut-être sont-ils indignés par le comportement des républicains qui ont rendu possible les événements qui se sont produits. Cependant, le tableau doit être bien clair dans son ensemble: l'Amérique a besoin de guérir. Le moment est venu pour que ses dirigeants s'unissent et œuvrent main dans la main.
Chris Doyle est le directeur du Council for Arab- British Understanding, basé à Londres.
Twitter : @Doylech
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com