N'JDAMENA, TCHAD : Le Tchad a déploré lundi « l'attitude méprisante » du président français Emmanuel Macron qui a estimé que les dirigeants africains avaient « oublié de dire merci » à la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le Sénégal a également condamné ces propos.
Dans un communiqué lu à la télévision d'État lundi soir, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah, a exprimé la « vive préoccupation » du gouvernement tchadien suite aux propos tenus récemment par le président de la République française, Emmanuel Macron, qui reflètent, selon lui, « une attitude méprisante à l'égard de l'Afrique et des Africains ».
Fin novembre, le Tchad a rompu aux accords militaires qui le liaient à l'ancienne puissance coloniale.
M. Koulamallah rappelle « qu'il n'a aucun problème avec la France », mais souligne également que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain ».
Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a quant à lui contesté lundi que des négociations aient eu lieu entre Paris et Dakar concernant le retrait annoncé des soldats français de son pays, et a vivement contesté des propos du président Emmanuel Macron sur l'engagement militaire français en Afrique.
M. Sonko a qualifié sur les réseaux sociaux cette affirmation de « totalement erronée », précisant que le départ annoncé de centaines de soldats français faisait suite à une proposition de la France qui aurait laissé aux pays concernés la primeur d'annoncer de tels retraits, avec une réorganisation de la présence militaire française.
Le président Macron a déclaré lundi que la France avait eu « raison » d'intervenir militairement au Sahel contre le terrorisme depuis 2013, mais que les dirigeants africains avaient « oublié de nous dire merci ». Selon lui, « aucun d'entre eux » ne gèrerait un pays souverain sans cette intervention.
« Ce n'est pas grave, cela viendra avec le temps », a ironisé le président français, qui s'exprimait lors de la réunion annuelle des ambassadeurs de France.
Dans son communiqué, Abderaman Koulamallah souligne notamment le « rôle déterminant » de l'Afrique et du Tchad dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales que « la France n'a jamais véritablement reconnues », ainsi que « les sacrifices consentis par les soldats africains ».
« En 60 ans de présence, la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien », a-t-il critiqué.
- « Véritable indépendance » -
« Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d'un État fort et autonome », a ajouté M. Koulamallah.
Le 28 novembre, le Tchad a annoncé par surprise la fin de l'accord militaire entre Paris et N'Djamena, mettant ainsi fin à soixante ans de coopération militaire depuis la fin de la colonisation française.
Les opérations de retrait de l'armée française ont débuté en décembre.
Le Tchad constituait le dernier point d'ancrage de la France au Sahel, avec environ un millier de soldats stationnés, principalement dans le camp Kossei, dans la capitale tchadienne, N'Djamena.
Des troupes et des avions de combat français ont été stationnés au Tchad quasiment sans discontinuer depuis l'indépendance du pays en 1960, servant à la formation et à l'entraînement des militaires tchadiens.
L'ex-puissance coloniale a compté jusqu'à plus de 5 000 militaires au Sahel dans le cadre de l'opération antijihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.
Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises (le Niger, le Mali, la RCA et le Burkina Faso) ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée, et se sont rapprochées de Moscou.
Le mois dernier, à quelques heures d'intervalle, le Sénégal et le Tchad ont annoncé à leur tour le départ des militaires français de leur sol et officialisé une « réorganisation ». En janvier, la Côte d'Ivoire a également annoncé que la base militaire française de Port-Bouet, près d'Abidjan, serait rétrocédée au pays.
Selon le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 2021, ces accords étaient « complètement obsolètes », face « aux réalités politiques et géostratégiques de notre temps ».
En mai dernier, trois années de transition se sont achevées à N'Djamena avec l'élection de Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby, tué par des rebelles au front en 2021.
Menacé par des offensives rebelles, Déby père avait pu compter sur l'appui de l'armée française pour repousser celles-ci en 2008 puis en 2019.