Une maison est censée vous garder à l'abri avec vos enfants. Elle est censée vous protéger de la pluie, des tempêtes et des peurs. Elle est censée abriter les rêves et sauvegarder les souvenirs. Les maisons sont censées être là lorsque les enfants vont à l'école et lorsqu'ils en reviennent. Le foyer est votre nation à l'intérieur de la nation.
Mais la guerre est revenue, comme toujours. Le toit de la maison est fragile, à l'image de la nation. Avichay Adraee lance un avertissement ouvert: partez ou vous serez ensevelis sous les décombres. Devenir déplacé ou cadavre. Adraee est soutenu par un terrible arsenal. La machine de guerre israélienne ne tarde pas à débarquer avec son intelligence artificielle et ses missiles américains. Vous n'avez d'autre choix que de chercher un abri pour les déplacés et d'attendre le retour d'Amos Hochstein.
C'est notre cas depuis des décennies. Le jet israélien et l'envoyé américain. Où pouvons-nous aller?
Heureusement, les blessures des deux dernières décennies n'ont pas effacé le sens de la solidarité nationale et humanitaire du peuple libanais, malgré la détérioration des relations entre les différents «îlots» libanais. Ces derniers ne cachent pas leur opposition à «l'unité des fronts». Ils estiment que les armes doivent être limitées aux seules forces légitimes, de même que la décision de guerre et de paix. Ils estiment que le front de soutien n'a pas sauvé Gaza, mais a plutôt conduit le Liban à la situation dans laquelle il se trouve actuellement. Ils estiment que les intentions hostiles d'Israël sont claires pour tout le monde et qu'il ne faut donc pas lui donner d'excuse pour agir en conséquence. Ils pensent également que l'unité des fronts est bien plus grande que la capacité de résistance du Liban et qu'il en va de même pour le rôle régional du Hezbollah.
Le citoyen libanais lambda sait ce que savent le Président Nabih Berri et le Premier ministre Najib Mikati: le seul numéro qu'ils peuvent appeler aujourd'hui est celui de Hochstein. Ce même Hochstein dont le Liban a rejeté les propositions il y a plusieurs mois. Il ne faut pas se faire d'illusions à ce sujet. Hochstein n'est pas le représentant d'une organisation caritative ou d'une agence de secours. Il est l'envoyé de l'administration américaine qui s'est empressée de contenir les répercussions de l'opération Déluge d'Al-Aqsa et qui a condamné le front de soutien dès le premier jour. Le citoyen libanais sait que les États-Unis sont partenaires d'Israël pour démanteler l'unité des fronts et sortir le Liban-Sud du conflit militaire israélien. Le peuple libanais le sait, mais il n'a pas d'autre choix que de traiter avec Hochstein.
Aucune partie libanaise ne peut abandonner l'autre. Le destin du peuple libanais est lié, qu'importe ses divisions.
Ghassan Charbel
Entre-temps, Israël a étendu sa guerre destructrice. Son objectif est clair: faire payer à la base populaire du Hezbollah un prix terrible pour son adhésion au parti, à l'unité des fronts et au front de soutien. Israël veut que la base populaire se noie dans les décombres, les déplacements et les tensions qui en découlent.
Noyer une partie de la population, c'est noyer tout le Liban avec elle. Aucune partie libanaise ne peut abandonner l'autre. Le destin du peuple libanais est lié, qu'importe ses divisions. Israël a déplacé plus d'un million de Libanais. C'est comme s'il voulait détruire tout l'environnement populaire. Certains pensent qu'Israël veut raviver les conflits internes au Liban et inciter les Libanais à se battre entre eux sur les décombres de leur pays lorsque la guerre cessera.
Le Liban attend Hochstein comme le monde entier attend Donald Trump qui sera officiellement président des États-Unis dans deux mois. Le sort de la mission de l'émissaire américain ne peut être dissocié des discussions en cours sur ce qu'il adviendra de l'Iran au cours du second mandat de Trump.
Le Liban a besoin d'urgence d'un cessez-le-feu pour éviter un effondrement total. Personne ne peut résister aux conséquences de l'échange de coups entre l'Iran et Israël, d'autant plus que le gouvernement de Benjamin Netanyahou menace d'élargir ses cibles en Iran pour y inclure des lieux hautement sensibles. Nous devons donc nous tourner vers Hochstein, qui détient actuellement la seule clé, à savoir la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies.
La mise en œuvre de la résolution 1701 est extrêmement importante, mais elle ne suffira pas à sauver le Liban. Les responsables libanais ont entendu, à maintes reprises, les parties internationales dire que la reconstruction du Liban exigeait la création d'un État libanais normal et que le monde n'offrirait pas d'aide si ses résultats tomberaient en poussière lors de la prochaine guerre. Cela signifie que le peuple libanais se trouve confronté à la nécessité de prendre des décisions audacieuses et douloureuses.
La première décision devrait être de rendre le pouvoir de décision à l'État libanais et à ses institutions. Cela signifie clairement qu'il faut passer de l'ère des fronts à l'ère de l'État. Cela signifie que les Libanais doivent revenir à l'accord de Taëf et garantir un retour à la normalité dans les institutions de l'État.
Hochstein pourra peut-être arrêter la guerre au Liban-Sud, mais la reconstruction de la maison libanaise exige que les Libanais s'unissent autour de ses institutions et qu'ils surmontent les expériences amères du passé. Le Hezbollah, dont la direction et la base populaire ont subi des coups dévastateurs, doit donc prendre des décisions douloureuses.
La barbarie d'Israël ne connaît pas de limites. Nous avons besoin de Hochstein et nous devons prendre des décisions douloureuses. Il vaut mieux prendre ces décisions aujourd'hui qu'après l'effondrement total du Liban. Le retour de Hochstein ne suffit pas. Nous devons revenir à l'État. L'État seul peut soigner les blessures de la partie ciblée et les peurs de toutes les autres.
Ghassan Charbel est le rédacteur en chef du quotidien Asharq al-Awsat.
X: @GhasanCharbel
Cet article a été publié pour la première fois dans Asharq Al-Awsat.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com