Le brouillard américain et l'année de l'Iran

À la Maison Blanche, on a le sentiment que le pays se trouve à un tournant majeur. Donald Trump ne se contentera pas de changer le mobilier de la Maison Blanche, il rêve de changer les caractéristiques politiques et économiques du pays. (AFP)
À la Maison Blanche, on a le sentiment que le pays se trouve à un tournant majeur. Donald Trump ne se contentera pas de changer le mobilier de la Maison Blanche, il rêve de changer les caractéristiques politiques et économiques du pays. (AFP)
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Publié le Mardi 18 février 2025

Le brouillard américain et l'année de l'Iran

Le brouillard américain et l'année de l'Iran
  • Suivre Trump, c'est comme conduire sur une route cahoteuse dans un brouillard presque impénétrable
  • Trump a déclaré catégoriquement que l'Iran ne serait pas autorisé à posséder une bombe nucléaire

Le diplomate connaît bien Washington et les couloirs où les décisions sont prises. Il a l'habitude de s'y rendre au début des mandats présidentiels et d'en revenir avec un maximum de réponses et d'attentes à rapporter à ses supérieurs.

Mais cette fois-ci, il s'est trouvé confronté à une tâche difficile. Il a découvert un Washington plongé dans un épais brouillard et un monde focalisé sur le retour de «l'homme fort» à la Maison Blanche. Le brouillard couvre l'ensemble du territoire américain et le diplomate revient avec plus de questions que de réponses.

À la Maison Blanche, on a le sentiment que le pays se trouve à un tournant majeur. Donald Trump ne se contentera pas de changer le mobilier de la Maison Blanche, il rêve de changer les caractéristiques politiques et économiques du pays.

L'Europe a semblé paniquer à l'idée que la guerre en Ukraine puisse se décider sans elle et le président Zelensky.

- Ghassan Charbel 

Selon le diplomate, la nouvelle boussole américaine est tellement bancale qu'elle a dérouté alliés et ennemis. Suivre Trump, c'est comme conduire sur une route cahoteuse dans un brouillard presque impénétrable. Il est revenu avec l'impression qu'il voulait mettre fin à la guerre entre la Russie et l'Ukraine, non seulement parce qu'il vise le prix Nobel de la paix, mais aussi pour se réserver une place dans les livres d'histoire. Il semble compter sur sa vieille amitié avec Vladimir Poutine pour atteindre cet objectif, car il semble que la guerre n'ait pas altéré les liens entre les deux dirigeants.

L'Europe a semblé paniquer à l'idée que la guerre en Ukraine puisse se décider sans elle et le président Zelensky.

Le diplomate a également senti que Washington tenait à s'attaquer fermement au dossier iranien sur la base de la nécessité d'empêcher Téhéran de développer une bombe nucléaire et de mobiliser ses «armées parallèles» pour déstabiliser la région. Il ne faut pas grand-chose pour comprendre que Trump veut faire la paix au Moyen-Orient. Le diplomate a toutefois marqué une pause en constatant que Benjamin Netanyahou avait réussi à s'assurer une alliance étroite et influente avec l'administration Trump.

Depuis son retour à la Maison Blanche, Trump a bombardé le monde d'une série de déclarations et de posts qui ont semé la confusion. Il est sur le point de déclencher une guerre commerciale, s'est attaqué au dossier ukrainien en reconnaissant la réalité du terrain imposée par la guerre russe et a semé le désarroi en suggérant outrageusement que les habitants de Gaza soient expulsés de l'enclave afin qu'elle soit transformée en une magnifique Riviera.

Des échéances importantes approchent dans les territoires palestiniens, en Iran et en Ukraine au milieu de l'épais brouillard américain.

- Ghassan Charbel 

Cette confusion et ce brouillard semblent absents lorsqu'il s'agit du dossier nucléaire iranien, dans le cadre duquel l'administration Trump ne compte pas revenir sur ses positions.

Le brouillard a enveloppé l'Europe lorsque J.D. Vance, s'exprimant depuis Munich, a réprimandé les pays du continent pour leur prétendu étouffement des libertés, les critiquant pour leur approche de l'extrême droite. L'Europe a semblé paniquer devant la possibilité que la guerre en Ukraine soit décidée sans elle et sans le président Volodymyr Zelensky. M. Vance a semblé faire écho aux remarques passées de Trump, selon lesquelles les États-Unis ne paieront pas éternellement le prix de la protection de l'Europe.

Des échéances importantes approchent dans les territoires palestiniens, en Iran et en Ukraine au milieu de l'épais brouillard américain.

Trump a fait une telle déclaration en 1987, alors qu'il était un promoteur immobilier très éloigné du monde politique. Cette année-là, il visite Moscou et admire les opportunités qui s'y présentent. Il a déclaré que l'Europe pouvait couvrir les coûts de sa défense.

Alors que les Européens se préoccupent du sort de la guerre en Ukraine, les peuples du Moyen-Orient se préoccupent non seulement de la paix, mais aussi de ce qu'il adviendra de l'Iran. C'est incontestablement l'année de l'Iran. Trump a déclaré catégoriquement que l'Iran ne serait pas autorisé à posséder une bombe nucléaire. Le secrétaire d'État américain Marco Rubio a réitéré cette position depuis Israël dimanche, après avoir rencontré Netanyahou, qui partageait sa position.

L'impression qui prévaut est qu'il ne peut y avoir de nouvel accord avec l'Iran qui ne couvre pas son arsenal de fusées et son rôle déstabilisateur dans la région. La question est la suivante: le chef suprême iranien acceptera-t-il de faire des concessions aussi importantes sur le rôle de l'Iran, en particulier à la suite de ses pertes en Syrie et au Liban?

Des échéances importantes approchent dans les territoires palestiniens, en Iran et en Ukraine, dans l'épais brouillard américain. La Syrie, le Liban et l'Irak sont également concernés par le brouillard et les choix que fera l'Amérique. Un dialogue approfondi et détaillé avec l'administration Trump est nécessaire car protester n'est pas une forme de politique et ne protège ni la stabilité ni les droits. Une vision arabe de la paix basée sur la solution à deux États est nécessaire. C'est le seul moyen de mettre fin à ce conflit chronique.

Avec son poids politique et économique, l'Arabie saoudite est le premier pays arabe et islamique capable de jouer un rôle à cette fin. Le fait qu'elle ait accueilli des réunions américano-russes avant un sommet témoigne de ce rôle. C'est aussi la reconnaissance par Washington et Moscou de la position arabe, islamique et internationale de l'Arabie saoudite. Les consultations actuelles visant à préparer un plan alternatif à la proposition de Trump pour Gaza reflètent cette position. En outre, l'Arabie saoudite peut bénéficier des liens solides qu'elle a tissés avec les poids lourds que sont la Chine et l'Inde, ainsi qu'avec l'UE.

Nous devons être prêts pour l'année iranienne. Un accord américano-iranien marquera un tournant majeur dans la région. La destruction par Israël des installations nucléaires iraniennes – avec le soutien des États-Unis – constituera un autre événement majeur et dangereux auquel nous devons nous préparer. Le brouillard épais ne devrait pas être un obstacle à une navigation sûre si les pays sont préparés, utilisent leurs forces et dialoguent avec l'administration Trump sur la base d'intérêts mutuels, des bénéfices de la stabilité et des revenus des investissements et de la prospérité.

Ghassan Charbel est rédacteur en chef du journal Asharq Al-Awsat. 
X: @GhasanCharbel

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Cet article a été publié pour la première fois dans Asharq Al-Awsat.