Le monde vit au rythme de Donald Trump depuis l'annonce du résultat de l'élection présidentielle américaine de la semaine dernière. Nous n'avons jamais rien vu de tel auparavant. Le monde n'a pas retenu son souffle lorsque la Russie a remis les clés du Kremlin à un homme mystérieux ayant un passé au sein du KGB, Vladimir Poutine. Il n'a pas retenu son souffle lorsque Xi Jinping a été couronné héritier de Mao Zedong.
Il est rare qu'un seul homme ait une telle incidence sur le monde. Est-ce le reflet de son pouvoir ou de celui de son pays? Ou peut-être un peu des deux. En outre, le monde sait ce que cela représente pour son parti et lui d'être au pouvoir. Il a vu comment il a été poursuivi par la justice alors qu'il se lançait dans une campagne pour un nouveau mandat, sous le slogan «Make America Great Again». Il a dansé, survécu à une tentative d'assassinat, levé le poing et essuyé le sang avec sa cravate rouge.
Il est rare qu'un seul homme ait une telle incidence sur le monde, mais tel a été le cas. Plusieurs personnes craignent qu'il ne réorganise les affaires du monde. Les Européens savent que le vieux continent n'a pas beaucoup d'importance dans ses plans. Il les a déjà réprimandés en leur reprochant de faire porter la responsabilité de leur défense aux États-Unis et d'être avares en frais de couverture. Ils savent qu'il agit seul et qu'il ne demandera la permission à personne, pas même au président français, au Premier ministre britannique ou au chancelier allemand, pour créer des surprises.
La Maison Blanche sera bientôt entre les mains d'un homme fort qui prétend avoir des solutions décisives aux problèmes économiques, de sécurité, d'immigration et autres crises ouvertes dans le monde. Ses traitements ne reposent pas sur les diagnostics d'Antonio Guterres et de l'ONU. La pilule amère est le marché et quiconque refuse la pilule s'expose à la colère de M. le Président. Il est le seul médecin et c'est pourquoi Volodymyr Zelensky a été déçu par le résultat de l'élection.
Zelensky sait que le temps du soutien illimité et du flux de milliards de dollars et d'armes vers l'Ukraine est révolu. Il doit avaler la pilule amère s'il veut arrêter l'avancée des forces du tsar. Trump ne considère pas la Russie de Poutine comme une grande menace, même après qu'elle a amené les forces du «camarade» Kim Jong Un en Europe. Le grand danger vient de la Chine et Trump a préparé des traitements qui seront douloureux pour son économie et pour l'économie mondiale.
La Maison Blanche sera bientôt entre les mains d'un homme fort qui prétend avoir des solutions décisives aux problèmes du monde
- Ghassan Charbel
L'année des élections américaines a été passionnante et l'année du Moyen-Orient a été terrible. La région a observé la course à la Maison Blanche au milieu des frappes, des missiles, des drones et des massacres. Gaza n'est désormais plus qu'une mare de sang remplie de décombres, de cadavres et de personnes déplacées. Les mêmes scènes se répètent au Liban.
Mettons de côté les commentaires sur la gestion de la situation par le Hamas après l'opération Déluge d'Al-Aqsa, la décision du Hezbollah de lancer son front de soutien et l'aptitude du Liban à jouer un rôle régional qui va bien au-delà de ses capacités. L'essentiel est désormais de mettre fin aux hostilités.
Chaque habitant du Moyen-Orient a le droit d'aimer ou de détester Les États-Unis. Il en va de même pour Trump, mais les peuples de la région se trouvent confrontés à une situation inévitable: l'homme qui revient à la Maison Blanche est le seul capable d'arrêter la tuerie avant même d'avoir pu prendre officiellement ses fonctions.
Le cessez-le-feu n'est pas une demande nouvelle. Il a été demandé à maintes reprises et s'est heurté à maintes reprises à l'insistance de Benjamin Netanyahou pour atteindre les objectifs de la «guerre existentielle» menée par Israël. Il est allé plus loin et a parlé d'un coup d'État contre les équilibres de pouvoir au Moyen-Orient. Son combat s'est déplacé vers la confrontation avec les mandataires de l'Iran et l'échange de coups avec Téhéran.
Joe Biden a cherché à conclure un accord sur Gaza qui inclurait la libération des otages et il a tenté de parvenir à un cessez-le-feu au Liban. Cependant, Netanyahou a contourné toutes les pressions américaines et a refusé d'offrir un cessez-le-feu à Joe Biden, comme s'il misait sur la victoire de Trump aux élections.
Les Américains ont donné à Trump un mandat suffisamment large: celui de mettre fin aux guerres en Ukraine, à Gaza et au Liban. Certains pensent que Netanyahou ne pourra pas s'empêcher d'offrir un cadeau à Trump. On parle donc à nouveau des efforts de l'émissaire américain Amos Hochstein pour parvenir à un cessez-le-feu.
Le Liban a besoin d'un cessez-le-feu de toute urgence. La prolongation de la guerre prolongera la catastrophe. Les États-Unis peuvent ajouter à la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies un engagement à résoudre rapidement les différends concernant la frontière. Le succès de tout cessez-le-feu dépend d'une position libanaise reflétant clairement la décision de ramener le front sud dans le giron de l'État libanais et de le retirer de toute équation régionale. Cette position est nécessaire au vu des informations selon lesquelles les pays du monde n'aideront pas à la reconstruction du Liban si la possibilité d'une reprise de la guerre dans quelques années subsiste.
Il ne sera pas facile pour le Hezbollah et l'Iran de retirer le Liban-Sud de l'équation militaire du conflit avec Israël. Mais le peuple libanais a-t-il d'autre choix que d'arrêter une guerre dont les pertes et les horreurs dépassent celles des conflits précédents? Mettre fin à la tragédie exige de faire des choix difficiles et l'État libanais a le droit de suivre l'exemple de la Syrie et de l'Irak en se tenant à l'écart des conflits qui font rage, surtout après avoir payé le prix fort.
Parvenir à un cessez-le-feu n'est pas une tâche facile. Il faut que les États-Unis jouent un rôle ferme. La reconstruction de l'État doit venir du Liban. Et Gaza doit donner l'espoir au peuple palestinien qu'il peut poursuivre la création d'un État palestinien indépendant.
Ghassan Charbel est le rédacteur en chef du quotidien Asharq al-Awsat.
X: @GhasanCharbel
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com