Des retrouvailles chaleureuses entre Macron et le roi du Maroc

La visite de Macron au Maroc a cristallisé les enjeux d'une relation franco-marocaine à la fois passionnelle et stratégique (AFP)
La visite de Macron au Maroc a cristallisé les enjeux d'une relation franco-marocaine à la fois passionnelle et stratégique (AFP)
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Publié le Jeudi 31 octobre 2024

Des retrouvailles chaleureuses entre Macron et le roi du Maroc

Des retrouvailles chaleureuses entre Macron et le roi du Maroc
  • Si Paris et Rabat se retrouvent aujourd'hui, c'est aussi par calcul géopolitique
  • La France, qui voit son influence au Sahel s'éroder dangereusement a plus que jamais besoin d'alliés solides dans la région

Et voilà que le ballet diplomatique s'achève. Après deux ans de tensions et de regards en coin, Emmanuel Macron a pris l'avion cette semaine pour Rabat. Une visite de trois jours loin d'être anodine, tant elle cristallise les enjeux d'une relation franco-marocaine à la fois passionnelle et stratégique. D'une période de divergences entre les deux parties, on passe rapidement à une ère de coopération bilatérale qui renforcera les sphères d'influence de Rabat et de Paris.

Dans les couloirs feutrés du Quai d'Orsay, on murmure que tout a basculé lors d'un simple coup de fil: un échange entre le président français et le roi Mohammed qui aurait tourné au petit drame protocolaire. Le caractère hautain des Français s'est heurté au protocole rigide de Rabat. Mais au Maroc, où le protocole n'est pas une simple formalité mais l'essence même du pouvoir, on ne badine pas avec les codes. C'est une tradition séculaire où chaque geste, chaque mot, porte le poids de l'histoire.

Au cours des deux dernières années, un fossé s'est creusé entre ces partenaires historiques et culturels. La France a cherché à limiter l'immigration en provenance du Maroc et n'a cessé d'améliorer ses relations avec l'Algérie. Le Maroc y a vu, à juste titre, un rejet effectif de sa revendication sur le Sahara occidental et des liens cordiaux qui avaient existé entre Paris et Rabat. Le fossé se creusant, Rabat a retiré son ambassadeur de France et a retardé la nomination de l'ambassadeur de France au Maroc. Rabat a également refusé l'aide française à la suite du tremblement de terre dévastateur dans l'Atlas en 2023, estimant que Macron avait une nouvelle fois enfreint le protocole en semblant s'adresser directement aux Marocains.

La France, qui voit son influence au Sahel s'éroder dangereusement, a plus que jamais besoin d'alliés solides dans la région

                                      Zaid M. Belbagi

Pourtant, le paradoxe est frappant: alors que les chancelleries s'observent avec méfiance, la vie suit son cours naturel. À Casablanca, Rabat et Tanger, les centres culturels français ne désemplissent pas. Le français, même bousculé par la montée en puissance de l'anglais, reste la langue des affaires et de la culture. L'année dernière, le Maroc est resté la destination de vacances la plus populaire pour les touristes français cherchant à s'aventurer hors d'Europe. Les touristes, restés fidèles, n'ont même pas été découragés par le tremblement de terre. Comme si le cœur a ses raisons que la diplomatie ignore.

Mais ne nous méprenons pas. Si Paris et Rabat se retrouvent aujourd'hui, c'est aussi par calcul géopolitique. La France, qui voit son influence au Sahel s'éroder dangereusement (elle s'est déjà retirée du Mali et du Niger), a plus que jamais besoin d'alliés solides dans la région. Et le Maroc, fort de sa diplomatie économique et religieuse en Afrique subsaharienne, est devenu un partenaire incontournable. Alors que le Maroc se rapproche de nouveaux partenaires internationaux et adopte la langue anglaise, Paris n'a d'autre choix que de se réengager sous peine de perdre davantage d'influence sur la Francafrique.

Le Maroc n'est pas en position de faiblesse dans ce rapprochement. Il ne fait aucun doute qu'à mesure que le statut régional et mondial du Maroc s'est renforcé, son appétit pour l'approche paternaliste traditionnelle de la France s'est réduit. Puisque Paris soutient désormais clairement le plan d'autonomie du Maroc pour le Sahara occidental, c'est la France qui semble faire les yeux doux à son ancien protectorat. Après des décennies d'hésitation entre ses deux anciennes colonies, la France a résolument soutenu le Maroc et posé les jalons d'une collaboration bilatérale renouvelée – une évolution qui n'est pas passée inaperçue à Rabat, où l'on cultive l'art de la patience diplomatique.

Le Maroc est à jamais lié à la France par des liens historiques et culturels et les querelles occasionnelles ne font que renforcer le partenariat.

                                              Zaid M. Belbagi

Il y a quelque chose de presque romantique dans cette relation franco-marocaine. Deux pays qui ne peuvent ni s'aimer ni se haïr vraiment. Deux nations condamnées à danser ensemble, entre crises et réconciliations, dans un ballet diplomatique aussi vieux que leurs États modernes.

Avec le retour de Macron sur le sol marocain pour la première fois depuis plus de six ans, cette visite nous rappelle une vérité fondamentale: la France et le Maroc sont comme un vieux couple qui se dispute régulièrement mais ne divorce jamais. Ils restent ensemble non pas par habitude, mais parce qu'ils savent, au fond d'eux-mêmes, qu'ils sont plus forts ensemble. Le Maroc est à jamais lié à la France par des liens historiques et culturels et les querelles occasionnelles ne font que renforcer le partenariat entre les deux pays.

Des décennies de coopération ne peuvent être ternies par des malentendus passagers. Lors de la visite de Macron, les deux partenaires se sont penchés à juste titre sur une vision pour les 30 prochaines années. Les accords qu'ils ont signés sont la partie visible d'un rapprochement plus profond. Au-delà des différends et des incompréhensions, Paris et Rabat partagent une conviction: leur alliance, aussi complexe soit-elle, reste un pilier de la stabilité régionale. Dans un monde en pleine mutation, où les cartes géopolitiques sont rebattues à une vitesse vertigineuse, cette certitude vaut bien quelques compromis protocolaires.

Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le CCG. 
X: @Moulay_Zaid

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com