Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, euphorique et provocateur, passe à la vitesse supérieure dans sa guerre contre le Liban, ayant réalisé en moins de deux semaines ce que son armée tente désespérément d'accomplir à Gaza depuis près d'un an. Personne n'aurait pu imaginer qu'Israël parviendrait à mener une série de frappes sur le Hezbollah, soutenues par les services de renseignement, qui ont culminé avec l'assassinat, vendredi dernier, du charismatique secrétaire général du parti libanais, Hassan Nasrallah, et d'autres généraux de haut rang, grâce à de multiples coups précis et lourds portés sur le principal centre de commandement souterrain du groupe, situé dans le sud de Beyrouth.
On a toujours pensé qu'une guerre entre ces deux ennemis serait brutale, longue et coûteuse pour les deux parties. Cependant, la décision de Nasrallah de frapper le nord d'Israël le 8 octobre 2023, en soutien au Hamas à Gaza, après l'attaque stupéfiante de ce dernier sur le sud d'Israël la veille, a scellé le destin du leader pro-iranien, ainsi que celui de son groupe lourdement armé.
Israël a toujours dit qu'il finirait par tourner son attention vers son front nord, car plus de 60 000 de ses citoyens ont été contraints de fuir sous les bombardements quotidiens du Hezbollah. Pendant près de 11 mois, les deux camps ont échangé des coups dans le cadre de ce que l'on a appelé les «règles d'engagement». M. Nasrallah, âgé de 64 ans, a insisté sur le fait qu'il n'accepterait un cessez-le-feu qu'une fois qu'Israël aurait mis fin à son agression sur Gaza. Dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies, vendredi, M. Netanyahou s'est montré inflexible. Il a déclaré qu'Israël n'arrêterait pas sa guerre contre Gaza et le Liban tant qu'il n'aurait pas obtenu de «victoire totale».
La rapidité et la précision avec lesquelles Israël a pu dégrader l'infrastructure de commandement et de contrôle du Hezbollah, ainsi que les principaux dirigeants du parti, sont stupéfiantes. Il s'est appuyé sur une percée remarquable des services de renseignement qui a mis en évidence la capacité d'Israël à infiltrer l'appareil de communication et de logistique le plus secret du Hezbollah.
La rapidité et la précision avec lesquelles Israël a réussi à affaiblir le Hezbollah sont stupéfiantes.
Osama Al-Sharif
Cette brèche a encouragé Netanyahou à aller encore plus loin, non seulement pour dégrader et même détruire le Hezbollah en tant qu'entité militaire, mais aussi pour atteindre un objectif encore plus ambitieux: briser l'incubateur démographique du Hezbollah en détruisant la majeure partie du sud et en déplaçant plus d'un million de Libanais, principalement chiites, du sud du Liban.
Parallèlement aux opérations terrestres qui ont débuté lundi soir, Israël utilise sa supériorité aérienne pour bombarder les bases du Hezbollah, tant démographiques que militaires, provoquant ainsi des destructions dignes de Gaza dans le sud, la Békaa, la région côtière méridionale et jusqu'à Baalbeck à l'est. Le parti espère qu'en jouant sur les lignes de fracture démographiques, il ravivera les tensions sectaires dans un pays qui, depuis des décennies, subit un équilibre asymétrique des pouvoirs qui favorise le Hezbollah armé. Le parti a exercé une forte emprise sur le système politique libanais fragile, exerçant un droit de veto sur le choix du président et du Premier ministre. Le vide politique a aggravé la situation économique tout en irritant les principaux rivaux du Hezbollah, les maronites chrétiens et leur branche armée, représentée par les Forces libanaises.
Netanyahou espère que l'affaiblissement du Hezbollah encouragera ses rivaux à se soulever contre lui, rouvrant ainsi les vieilles blessures de la guerre civile.
En réalité, le Liban est confronté à un défi existentiel qui n'est pas moins grave que la guerre civile des années 1970 et l'invasion israélienne de 1982. En imposant un blocus militaire au Liban, Israël espère couper la ligne de vie iranienne qui permet au Hezbollah de survivre. Il s'agit d'un siège multiforme du Liban dont l'objectif est de semer le chaos et la confusion et, à terme, de démanteler l'État central.
L'Iran ne peut pas faire grand-chose pour aider le Hezbollah assiégé. Les États-Unis ont apporté leur soutien à l'agression israélienne. La stupéfiante infiltration du Hezbollah par les services de renseignement israéliens a également suscité des doutes au sein des entités de sécurité iraniennes. Pour l'instant, l'Iran devra absorber le choc en réexaminant ses propres systèmes militaires et de sécurité sensibles, de crainte qu'Israël n'ait réussi à ouvrir des brèches similaires.
M. Netanyahou joue avec le président Joe Biden tout en sachant parfaitement qu'un Congrès américain divisé, en cette année électorale, pourrait paralyser la Maison Blanche et sa capacité à user de son influence sur le Premier ministre israélien. Les analystes américains admettent que Netanyahou est désormais le leader qui fixe l'agenda politique de la région, et non les États-Unis. Tout ce que M. Biden peut faire maintenant, c'est soutenir les guerres d'Israël tout en prétendant chercher des solutions diplomatiques.
Le Liban est seul dans cette épreuve. Même la France, son ancien parrain colonial, ne peut pas faire grand-chose pour lui venir en aide. Le président Emmanuel Macron, qui affirme qu'il ne permettra pas que le Liban devienne un autre Gaza, ne peut rien faire pour mettre fin aux attaques israéliennes ou intervenir en tant que médiateur.
Avec l'invasion terrestre du Liban-Sud en cours, Israël cherchera à repousser le Hezbollah au nord du fleuve Litani. Cela pourrait s'avérer être une erreur.
Netanyahou espère que l'affaiblissement du Hezbollah encouragera ses rivaux à se soulever contre lui, rouvrant ainsi les vieilles blessures de la guerre civile.
Osama Al-Sharif
L'invasion terrestre se heurtera à une forte résistance et unira le peuple libanais derrière le Hezbollah. Elle pourrait également modifier la position des États-Unis et des pays arabes et affaiblir la position diplomatique d'Israël. En outre, l'Iran, bien qu'hésitant à soutenir ouvertement son mandataire libanais, pourrait être contraint de s'impliquer pour éviter une défaite totale du Hezbollah.
L'approche non-conformiste de M. Netanyahou dans les deux guerres en cours pourrait s'avérer préjudiciable pour lui et pour Israël. Il y voit l'occasion d'imposer le paradigme du «nouveau Moyen-Orient» dont il s'est fait le prosélyte: une région débarrassée de «l'axe du mal» qui s'oppose à l'existence d'Israël. Un tel scénario prévoit la partition du Liban en mini-États. Un tel scénario se retournera presque certainement contre lui et pourrait déclencher des courants prévalents et sous-jacents dans toute la région. Rappelons que le Hamas et le Hezbollah sont apparus sur la scène à la suite des tentatives israéliennes de modifier le statu quo en Palestine et au Liban, respectivement.
Il est trop tôt pour prononcer la mort du Hezbollah, même selon les experts israéliens. Le groupe a peut-être été gravement blessé, mais il survit. Il sera en mesure de se regrouper malgré le coup presque fatal qui lui a été porté. Netanyahou pourrait se réjouir prématurément. Il tentera de répandre un «chaos créatif» au Liban, mais son pari pourrait se retourner contre lui. Le Hezbollah est toujours en mesure d'infliger des souffrances à Israël. Et l'Iran, bien que réticent à entrer dans la mêlée, est capable de fournir à ses mandataires les munitions nécessaires pour frapper Israël.
Cependant, les systèmes politique et militaire mis en place au Liban après 2006 sont mis à l'épreuve. Les chefs de guerre du pays doivent être prudents lorsqu'ils réfléchissent à leur prochaine étape. La finalité de Netanyahou va à l'encontre des intérêts stratégiques et de la survie du Liban. C'est ce qu'ils doivent garder à l'esprit aujourd'hui.
Osama Al-Sharif est journaliste et commentateur politique, basé à Amman.
X: @plato010
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com