La stabilité de la Jordanie est indispensable pour les Palestiniens et les Arabes

Depuis le début de la guerre contre Gaza, la Jordanie a tiré la sonnette d'alarme sur les dangers du débordement du conflit (AFP)
Depuis le début de la guerre contre Gaza, la Jordanie a tiré la sonnette d'alarme sur les dangers du débordement du conflit (AFP)
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Publié le Dimanche 15 septembre 2024

La stabilité de la Jordanie est indispensable pour les Palestiniens et les Arabes

La stabilité de la Jordanie est indispensable pour les Palestiniens et les Arabes
  •  Depuis le début de la guerre destructrice contre Gaza, la Jordanie a tiré la sonnette d'alarme sur les dangers du débordement du conflit dans la région
  • Elle a assorti ses avertissements d'efforts constants en matière d'aide et de condamnations croissantes des politiques israéliennes

Quiconque connaît bien la Jordanie sait sciemment que son destin est lié à celui des Palestiniens. Elle ne peut faire fi de la plaie béante palestinienne et ne désire par ailleurs pas le faire. La mise en place de la solution à deux États est dans l'intérêt de la Jordanie. Si la plaie demeure ouverte, l'inquiétude fera partie intégrante de la vie en Jordanie.

Le destin de la Jordanie et celui des Palestiniens sont étroitement liés et ce lien ne peut être rompu. Quiconque connaît bien le roi Abdallah sait sciemment que la solution à deux États est un point fixe à l'ordre du jour de toutes les réunions qu'il tient avec ses invités et dans son vaste réseau de relations internationales.

La Jordanie estime que la solution à deux États est nécessaire pour mettre fin à l'injustice que les Palestiniens subissent depuis des siècles. Elle estime qu'elle est indispensable pour maintenir la stabilité en Jordanie et repousser l'extrémisme. Elle estime que la solution à deux États est une nécessité palestinienne, jordanienne, arabe et internationale. La persistance du conflit maintient la menace d'instabilité. Elle oblige les pays concernés à épuiser leurs ressources pour atténuer ou approfondir leurs préoccupations.

La Jordanie estime que la solution à deux États est une condition sine qua non pour garantir la stabilité dans une région qui est au bord du gouffre depuis la création d'Israël. Un État palestinien renforcera la région contre les projets qui s'appuient sur l'oppression palestinienne pour atteindre des objectifs liés à l'expansion de l'influence ou au renforcement des rôles.

Le monde a commis un si grave péché en refusant d'éteindre les flammes de la guerre à Gaza.

- Ghassan Charbel

La vérité est que le monde a commis un si grave péché en refusant d’éteindre les flammes de la guerre à Gaza. Par «le monde», nous entendons les principaux pays influents et les autres acteurs de la guerre. Il est indéniable que la guerre contre Gaza va au-delà de Gaza et que le fait que la guerre fasse rage depuis près d'un an ne fait qu'augmenter les risques sur la scène régionale.

La guerre a pris une tournure encore plus horrible lorsque l'armée israélienne a décidé de déraciner les centres de résistance en Cisjordanie. Les scènes de massacre à ciel ouvert en cours à Gaza alimentent la rage dans toute la région. Quiconque a suivi les affrontements israélo-palestiniens passés n'est pas du tout surpris que le massacre et la destruction systématiques menacent de déclencher des conflits au-delà de Gaza.

L'aspect le plus dangereux de l'incident de dimanche sur le pont du roi Hussein, qui a causé la mort de trois Israéliens, est qu'il s'est produit alors qu'un gouvernement israélien imprudent et extrémiste est au pouvoir. Ce gouvernement estime que la confrontation actuelle doit se terminer par un coup de grâce. Les défenseurs de cette position estiment qu'Israël ne peut accepter une solution qui pourrait laisser planer le spectre d'une nouvelle guerre à l'avenir.

C'est pourquoi Israël tente d'éliminer Gaza de l'équation et d'en faire un tas de décombres où la vie n'est pas possible. Il s'est également tourné vers la Cisjordanie pour faire craindre à ses habitants que les horreurs commises à Gaza ne se reproduisent dans leurs maisons et leurs villages, afin que l’État hébreu puisse imposer un nouveau statu quo sur le terrain.

L'incapacité de l'opposition israélienne à évincer Benjamin Netanyahou, qu'elle accuse de prolonger la guerre, n'est pas moins dangereuse. Cet échec interne s'est accompagné d'un échec externe. L'administration Biden aux États-Unis a été incapable de maîtriser Netanyahou ou d'organiser un coup d'État contre lui. Netanyahou devient de plus en plus extrême et il entraîne l'Amérique avec lui, au bord d'une guerre régionale que Washington a jusqu'à présent évitée.

Le gouvernement Netanyahou agit comme si la guerre actuelle était existentielle et qu'il pensait que les pertes humaines et financières et les dommages causés aux relations internationales et régionales d'Israël étaient donc justifiés. M. Netanyahou a réussi à faire en sorte qu'Israël mène une guerre longue, alors qu'il était habitué à mener des guerres courtes. Il a effectivement réussi à entraîner Israël dans une guerre sur plusieurs fronts qui a atteint le Yémen et l'Iran. Il s'agit d'une guerre ouverte qui a donné lieu à des assassinats coûteux à Beyrouth et à Téhéran.

La Jordanie a senti un danger croissant lorsqu'Israël a remplacé sa guerre contre Gaza par une guerre contre la Cisjordanie

- Ghassan Charbel

L'incident sur le pont du roi Hussein a eu lieu dans ce climat tendu. Israël peut exploiter cet incident pour resserrer son emprise sur la Cisjordanie et l'isoler encore davantage, alors qu'elle continue de souffrir des raids des chars, des drones et des bulldozers israéliens.

Nous pouvons dire que le gouvernement Netanyahou a considéré l'opération Déluge d'Al-Aqsa comme une déclaration de guerre et non comme une tentative de pression en vue d'un échange de prisonniers. Depuis l'opération, il a cherché à mettre en évidence le rôle de l'Iran dans la confrontation actuelle afin d'éviter d'aborder l'essence du conflit palestinien. Il a présenté l'opération comme une tentative de déracinement de l'État israélien par les Palestiniens, avec le soutien de l'Iran, du Hezbollah et de tous les autres membres de ce qu'on qualifie d'axe de la résistance. Israël a donc décidé de lancer une guerre contre les Palestiniens, allant au-delà d'une réponse ou d'une punition pour le déluge d'Al-Aqsa.

Depuis le début de la guerre destructrice contre Gaza, la Jordanie a tiré la sonnette d'alarme sur les dangers du débordement du conflit dans la région. Elle a assorti ses avertissements d'efforts constants en matière d'aide et de condamnations croissantes des politiques israéliennes. La Jordanie a senti la montée du danger lorsqu'Israël a transformé sa guerre contre Gaza en guerre contre la Cisjordanie. Ses préoccupations ne se limitent pas à la crainte du déplacement des habitants de la Cisjordanie, mais s'étendent à la crainte qu'Israël n'impose de nouvelles réalités sur le terrain qui rendront impossible la solution à deux États. Cela signifie qu'il faut éliminer la cause palestinienne et mettre fin à tout espoir, en laissant la confrontation ouverte comme seule option possible.

La Jordanie sait qu'elle est visée. Elle résiste depuis longtemps aux appels d'Israël à résoudre le problème palestinien à ses dépens. Elle est visée parce qu'elle partage la plus longue frontière avec Israël. Elle est visée parce qu'elle a opté pour la modération dans ses relations régionales et internationales et parce qu'elle est fermement attachée à la liberté de ses décisions, se soustrayant aux pressions géographiques et régionales, y compris celles de l'Iran.

Il n'est pas exagéré de dire que la stabilité de la Jordanie est un besoin à la fois palestinien et jordanien. Une Jordanie stable contribuera à mettre fin à l'oppression des Palestiniens. La stabilité de la Jordanie est un besoin arabe pressant, car l'absence de cette stabilité créerait un déséquilibre majeur et dangereux dans les équations régionales.

La Jordanie représente la vie au milieu des dangers. Ses politiques réalistes et l'entretien constant de ses relations internationales l'ont protégée, tout comme son institution de sécurité unifiée, qui a été formée à vivre dans un contexte de conflits régionaux.

Ghassan Charbel est le rédacteur en chef du quotidien Asharq al-Awsat.

X: @GhasanCharbel

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com